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tratifs sont très-étendus. On se garde bien en Angleterre de tout concentrer dans l'autorité ministérielle, et l'on veut que, dans chaque province, dans chaque ville, les intérêts de localité soient remis entre les mains d'hommes

choisis par le peuple pour les diriger. Le lord maire est ordinairement un négociant de la cité, et non pas un négociant en grand, mais souvent un simple marchand, dans lequel un très-grand nombre d'individus peuvent voir leur pareil. Lady Mayoress, c'est ainsi qu'on appelle la femme du maire, jouit pendant un an de tous les honneurs dus aux rangs les plus distingués de l'état. On honore l'élection du peuple et la puissance d'une grande ville dans l'homme qui la représente. Le lord maire donne deux dîners de représentation, où il invite des Anglois de toutes les classes et des étrangers. J'ai vu à sa table des fils du roi, plusieurs ministres, les ambassadeurs des puissances étrangères, le marquis de Lansdowne, le duc de Devonshire, ainsi que des citoyens très-recommandables des raisons diverses : les uns, fils de pairs; les autres, députés; les autres, négocians, jurisconsultes, hommes de lettres, tous citoyens anglois, tous également atta

par

chés à leur noble patrie. Deux ministres du roi se levèrent de table pour parler en public; et tandis que sur le continent un ministre se renferme, même au milieu d'une société de choix, dans les phrases les plus insignifiantes, les chefs du gouvernement en Angleterre se considèrent toujours comme représentans du peuple, et cherchent à captiver son suffrage tout aussi soigneusement que les membres de l'opposition; car la dignité de la nation angloise plane au-dessus de tous les emplois et de tous les titres. On porța, suivant la coutume, divers toasts, dont les intérêts politiques étoient l'objet les souverains et les peuples, la gloire et l'indépendance furent célébrés, et là, du moins, les Anglois se montrèrent amis de la liberté du monde. En effet, une nation libre peut être exclusive dans ses avantages de commerce ou de puissance; mais elle devroit s'associer partout aux droits de l'espèce humaine.

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Cette réunion avoit lieu dans un vieux bâtiment de la cité, dont les voûtes gothiques ont été les témoins des luttes les plus sanglantes : le calme n'a régné en Angleterre qu'avec la liberté. Les costumes de tous les membres du conseil de la cité sont les mêmes qu'il y a plu

TOME III,

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sieurs siècles. On conserve aussi quelques usages de cette époque, et l'imagination en est émue ; mais c'est parce que les anciens souvenirs ne retracent point d'odieux préjugés. Ce que l'Angleterre a de gothique dans ses habitudes, et même dans quelques-unes de ses institutions, semble une cérémonie du culte du temps; mais ni le progrès des lumières, ni le perfectionnement des lois n'en souffrent en aucune manière.

Nous ne croyons pas que la Providence ait placé ce beau monument de l'ordre social si près de la France, seulement pour nous inspirer le regret de ne pouvoir jamais l'égaler ; et nous examinerons avec scrupule, ce que nous voudrions imiter avec énergie.

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De la liberté et de l'esprit public chez les Anglois.

La première base de toute liberté, c'est la garantie individuelle, et rien n'est plus beau que la législation angloise à cet égard. Un procès criminel est par tout pays un horrible spectacle. En Angleterre, l'excellence de la procédure, l'humanité des juges, les précautions de tout genre prises pour assurer la vie à l'innocent, et les moyens de défense au coupable? mêlent un sentiment d'admiration à l'angoisse d'un tel débat. Comment voulez-vous être jugé? 'dit l'officier du tribunal à l'accusé. Par Dieu et mon pays, répond-il. Dieu vous donne une bonne délivrance, reprend l'officier du tribunal. Dès l'ouverture des débats, si l'accusé se trouble, s'il se compromet par ses réponses, le juge le met sur la bonne voie, et ne tient pas registre des paroles inconsidérées qui pourroient lui échapper. Dans la suite du procès, il ne s'adresse jamais à l'accusé, de peur que l'émotion que celui-ci doit éprouver, ne l'expose à

se nuire à lui-même. On n'admet jamais, comme cela se fait en France, des témoins indirects, c'est-à-dire, des témoins qui déposent par ouï-dire. Enfin, toutes les précautions ont pour but l'intérêt de l'accusé. La religion et la liberté président à l'acte imposant qui permet à l'homme de condamner à mort son semblable. L'admirable institution du jury, qui remonte en Angleterre à une haute antiquité, fait intervenir l'équité dans la justice. Ceux qui sont investis momentanément du droit d'envoyer le coupable, à la mort, ont une sympathie naturelle avec les habitudes de sa vie, puisqu'ils sont d'ordinaire choisis dans une classe à peu près semblable à la sienne; et, lorsque les jurés sont forcés de prononcer la sentence d'un criminel, il est du moins certain lui-même que la société a tout fait pour qu'il pût être absous, s'il le méritait; et cette conviction doit porter quelque calme dans son cœur. Depuis cent ans, il n'existe peut-être pas d'exemple en Angleterre, d'un homme condamné, dont l'innocence ait été reconnue trop tard. Les citoyens d'un état libre ont une si grande portion de bon sens et de conscience, qu'avec ces deux flambeaux ils ne s'égarent jamais.

On sait quel bruit a fait en France la sen

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