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CHAPITRE XVI.

De la déclaration des droits proclamée par la chambre des représentans le 5 juillet 1815.

BONAPARTE a signé sa seconde abdication le 22 juin 1815, et le 8 du mois suivant les troupes étrangères sont entrées dans la capitale. Pendant cet intervalle bien court, les partisans de Napoléon ont absorbé beaucoup de temps. précieux à vouloir, contre le vœu national, assurer la couronne à son fils. La chambre des représentans d'ailleurs renfermoit dans son sein beaucoup d'hommes qui n'auroient sûrement pas été élus sans l'influence de l'esprit de parti : néanmoins il suffisoit que pour la première fois, depuis quinze ans, six cents François, choisis d'une manière quelconque par le peuple, fussent réunis et délibérassent en public, pour qu'on vît reparoître l'esprit de liberté et le talent de la parole. Des hommes, tout-à-fait nouveaux dans la carrière politique, ont improvisé à la tribune avec une supériorité remarquable; d'autres, qu'on n'avoit pas entendus pendant le règne de Bonaparte, ont retrouvé leur ancienne

vigueur ; et cependant, je le répète, on voyoit là des députés que la nation livrée à elle-même n'eût jamais acceptés. Mais telle est la force de l'opinion, quand on se sent en sa présence; tel est l'enthousiasme qu'inspire une tribune d'où l'on se fait entendre à tous les esprits éclairés de l'Europe, que des principes sacrés, obscurcis par de longues années de despotisme, ont reparu en moins de quinze jours; et dans quelles circonstances ont-ils reparu ! Quand des factions de toute espèce s'agitoient dans l'assemblée même, et quan trois cent mille soldats étrangers étoient sous les murs de Paris.

Un bill des droits, car j'aime à me servir dans cette occasion de l'expression angloise, elle ne rappelle que des souvenirs heureux et respectables; un bill des droits fut proposé et adopté au milieu de ce désastre, et dans le peu de mots qu'on va lire, il existe une puissance immortelle, la vérité (1).

Je m' crête à ce dernier acte, qui a précédé de quelques jours l'envahissement total de la France par les armées étrangères : c'est là

(1) L'auteur vouloit insérer ici la déclaration de la chambre des représentans, en en retranchant ce qui pourroit ne pas être d'accord avec les principes professés dans cet ou

que je finis mes considérations historiques. Et en effet il n'y a plus de France, tant que les armées étrangères occupent notre territoire. Tournons nos regards, avant de finir, vers les idées générales qui nous ont servi de guide pendant le cours de cet ouvrage; et présentons, s'il nous est possible, le tableau de cette Angleterre que nous n'avons cessé d'offrir pour modèle aux législateurs françois, en les accusant toutes les fois qu'ils s'en sont écartés.

vrage. Ce travail est d'une nature trop délicate pour que les éditeurs puissent se permettre d'y suppléer.

Ce chapitre n'est, comme on voit, qu'une ébauche. Des notes à la marge du manuscrit indiquoient les faits mardont madame de Staël avoit l'intention de parler, et les noms honorables qu'elle vouloit citer.

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(Note des éditeurs.)

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SIXIÈME PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

Les François sont-ils faits pour être libres?

LES François ne sont pas faits pour être libres, dit un certain parti parmi les François, qui veut bien faire les honneurs de la nation, au point de la représenter comme la plus misérable des associations d'hommes. Qu'y a-t-il en effet de plus misérable que de n'être capable, ni de respect pour la justice, ni d'amour de la patrie, ni de force d'âme, vertus dont la réunion, dont une seule peut suffire pour être digne de la liberté? Les étrangers ne manquent pas de s'emparer d'un tel propos, et de s'en glorifier, comme s'ils étoient d'une plus noble race que les François. Cette ridicule assertion ne signifie pourtant qu'une chose, c'est qu'il convient à de certains privilégiés d'être reconnus pour les seuls qui puissent gouverner sagement

la France, et de considérer le reste de la nation comme des factieux.

C'est sous un point de vue plus philosophique et plus impartial que nous examinerons ce qu'on entend par un peuple fait pour être libre. Je répondrois simplement : c'est celui qui veut l'être. Car je ne crois pas qu'il y ait dans l'histoire l'exemple d'une volonté de nation qui n'ait pas été accomplie. Les institutions d'un pays, toutes les fois qu'elles sont au-dessous des lumières qui y sont répandues, tendent nécessairement à s'élever au même niveau. Or, depuis la vieillesse de Louis XIV jusqu'à la révolution françoise, l'esprit et la force ont été chez les particuliers, et le déclin dans le gouvernement. Mais, dira-t-on, les François pendant la révolution n'ont pas cessé d'errer entre les folies et les forfaits. S'il en étoit ainsi, il faudroit s'en prendre, je ne saurois trop le répéter, à leurs anciennes institutions politiques; car ce sont elles qui avoient formé la nation; et si elles étoient de nature à n'éclairer qu'une classe d'hommes, et à dépraver la masse, elles ne valoient assurément rien. Mais le sophisme des ennemis de la raison humaine, c'est qu'ils veulent qu'un peuple possède les vertus de la liberté avant de l'avoir obtenue; tandis qu'il ne

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