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fendre le pays, que les divers partis ont courtisé les troupes de ligne. Bonaparte, comme dans les siècles de barbarie, prétendoit que tout le secret de l'ordre social consistoit dans les baïonnettes. Comment sans elles, dirat-on, pourriez-vous faire marcher ensemble les protestans et les catholiques, les républicains et les vendéens? Tous ces élémens de discorde existoient sous des noms différens en Angleterre, en 1688; mais l'invincible ascendant d'une constitution, mise à flot par des pilotes habiles et sincères, a tout soumis à la loi.

Une assemblée de députés vraiment élus par la nation, exerce une puissance majestueuse; et les ministres du monarque, dans l'âme desquels on sentira l'amour de la patrie et de la liberté, trouveront partout des François qui les aideront, même à leur insu; parce qu'alors les opinions et non les intérêts formeront le lien entre le gouvernement et les gouvernés. Mais si vous chargez, ne cessons de le répéter, les individus qui haïssent les institutions libres, de les faire marcher, quelque honnêtes qu'ils soient, quelque résolus qu'ils puissent être à tenir leur promesse, sans cesse le désaccord se fera sentir, entre leur penchant involontaire, et leur impérieux devoir.

Les artistes du dix-septième siècle ont peint Louis XIV en Hercule, avec une grande perruque sur la tête; les doctrines surannées, reproduites à la tribune populaire, n'offrent pas une moindre disparate. Tout cet édifice des vieux préjugés qu'on veut rétablir en France, n'est qu'un château de cartes que le premier souffle de vent doit abattre. Il n'y a que deux forces à compter dans ce pays : l'opinion qui veut la liberté, et les troupes étrangères qui obéissent à leurs souverains : tout le reste n'est que bavardage.

Ainsi donc, dès qu'un ministre dira que ses concitoyens ne sont pas faits pour être libres,. acceptez cet acte d'humilité pour sa part de François comme une démission de sa place; car le ministre qui peut nier le vœu presque universel de la France, la connoît trop mal pour être capable de diriger ses affaires.

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Quelle devoit être la conduite des amis de la liberté en 1814.

LES amis de la liberté, nous l'avons dit, pouvoient seuls servir d'une manière efficace à l'établissement de la monarchie constitutionnelle en 1814; mais quel parti devoient-ils prendre à cette époque? Cette question, non moins importante que la première, mérite aussi d'être traitée. Nous la discuterons sans détours, puisque nous sommes nous-mêmes persuadés qu'il étoit du devoir de tout bon François de défendre la restauration et la charte constitutionnelle.

Charles Fox, dans son histoire des deux derniers rois de la maison de Stuart, dit qu'une restauration est d'ordinaire la plus dangereuse et la plus mauvaise de toutes les révolutions. II avoit raison en appliquant cette maxime aux deux règnes de Charles II et de Jacques II, dont il écrivoit l'histoire ; il voyoit d'une part une dynastie nouvelle qui devoit sa couronne à la liberté, tandis que l'ancienne avoit cru qu'on

la dépouilloit de son droit naturel, en limitant le pouvoir absolu, et s'étoit en conséquence vengée de tous ceux qui en avoient eu la pensée. Le principe de l'hérédité, si indispensable en général au repos des états, y nuisoit nécessairement dans cette circonstance. Les Anglois ont donc fait très-sagement d'appeler au trône la branche protestante, et leur constitution ne se seroit jamais établie sans ce changement. Mais, quand le hasard de l'hérédité vous a donné pour monarque un tel homme que Louis XVIII, dont les études sérieuses et la placidité d'âme s'accordent volontiers avec la liberté constitutionnelle; et lorsque d'un autre côté, le chef d'une dynastie nouvelle s'est montré pendant quinze années le despote le plus violent que l'on ait vu dans les temps modernes, comment une telle combinaison peut-elle rappeler en rien le sage Guillaume III, et le sanguinaire et superstitieux Jacques II?

Guillaume III, bien qu'il dût sa couronne à l'élection, trouvoit souvent les manières de la liberté peu gracieuses; et, s'il l'avoit pu, il se seroit fait despote tout comme son beau-père. Les souverains d'ancienne date, il est vrai, se croient indépendans du choix des peuples; les papes aussi pensent qu'ils sont infaillibles; les

nobles s'enorgueillissent de leur généalogie; chaque homme et chaque classe a sa prétention disputée. Mais qu'avoit-on à craindre de ces prétentions en France maintenant ? L'on ne pouvoit redouter pour la liberté, dans la première époque de la restauration, que le malheur qui l'a frappée : un mouvement militaire, ramenant un chef despotique, dont le retour et la défaite servoient de motif et de prétexte à l'établissement des étrangers en France.

Louis XVIII étoit essentiellement magistrat, par son esprit et par son caractère. Autant il est absurde de regarder le passé comme le despote du présent, autant il est désirable d'ajouter, quand on le peut, l'appui de l'un au perfectionnement de l'autre. La chambre haute avoit l'avantage d'inspirer à quelques grands seigneurs le goût des institutions nouvelles. En Angleterre, les ennemis les plus décidés du voir arbitraire, se trouvent parmi les patriciens du premier rang; et ce seroit un grand bonheur pour la France, si les nobles vouloient enfin aimer et comprendre les institutions libres. Il y a des qualités attachées à une illustre naissance dont il est heureux que l'état profite. Un peuple tout de bourgeois auroit de la peine à se constituer au milieu de l'Europe, à moins

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