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S. V.

Philippe de retour en Macédoine, pouffe fes conquêtes dans l'Illyrie, & la Thrace. Il projette une ligue avec les Thébains les Meffeniens & les Argiens, pour attaquer enfemble le Peloponnefe. Athénes s'étant déclarée pour les Lacédémoniens rompt cette ligue. Il fait de nouvelles tentatives fur l'Eubée: Phocion l'en chaffe. Caractère de ce célébre Athénien. Philippe forme le Siége de Périnthe & de Byzance. Les Athéniens animés par les harangues de Démosthène, envoient du fecours à ces deux villes fous la conduite de Phocion, qui en fait lever le Siège à Philippe.

Av. J.C.344.

QUAND Philippe eut réglé tout ce qui AN. M.3660. regardoit le culte du Dieu & la sûreté du Diod. 1. 16. temple de Delphes, il retourna en Macé- pag. 456. doine comblé de gloire, & remportant la réputation de Prince religieux & d'intrépide Conquérant. Diodore remarque que tous ceux qui avoient pris part à la profanation & au pillage du temple, périrent miférablement, & firent une fin tragique.

Philippe, content de s'être ouvert une Diod. p.463. entrée dans la Gréce par la prife des Termopyles, d'avoir foumis la Phocide, de s'être rendu un des Juges de la Grece par la nouvelle qualité d'Amphictyon, de s'être acquis l'eftime & les louanges de tous les peuples par fon zèle pour venger l'honneur,

de la Divinité, crut fagement devoir s'arTêter, pour ne pas foulever contre lui tous les peuples de la Grece en découvrant trop tôt les vues d'ambition qu'il avoit fur elle. Et afin de diffiper fes foupçons, & de calmer fes inquiétudes, il tourna fes armes contre l'Illyrie pour étendre fes frontiéres de ce côté-là, & pour tenir toujours fes troupes en haleine par quelque nouvelle expédition.

Le inême motif le fit enfuite passer en Thrace. Dès les premieres années de fon régne il y avoit déja enlevé plufieurs places aux Athéniens. Il y pouffa toujours fes In Kagav. conquêtes. Suidas marque qu'avant la prife d'Olynthe, il s'étoit rendu maître de trente-deux villes dans la Chalcide, qui faifoit partie de la Thrace. La Querfonnéfe étoit auffi fort à sa bienféance. C'étoit une prefqu'ifle fort riche, où il y avoit plufieurs villes puiffantes, & d'excellens pâturages. Elle avoit autrefois appartenu aux Athéniens. Ses habitans fe mirent fous la protection de Lacédémone quand Lyfandre eut pris Athénes, & retournerent fous la domination de leurs premiers Maîtres quand Conon, fils de Timothée eut relevé fa patrie. Cotys, Roi de Thrace, conquit enfuite la Querfonnése fur les Athéniens; & ils y rentrerent enfin par la Diod. l. 16. ceffion de Cherfoblepte fils de Cotys, qui se trouvant trop foible pour la défendre contre Philippe, la leur abandonna la quatrieme année de l'Olympiade CVI, en fe

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refervant néanmoins Cardie, qui étoit la ville la plus confidérable de la prefqu'ifie, & qui en formoit comme la porte & l'entrée. Quand Philippe eut dépouillé Cher- Ibid. p. 464. foblepte de fon Royaume, ce qui arriva la feconde année de l'Olympiade CIX, AN. M.3661. ceux de Cardie, dans la crainte de tomber entre les mains des Athéniens qui revendiquoient leur ville dont ils avoient été autrefois les maîtres, fe jetterent entre les bras de Philippe, qui ne manqua par de prendre leur protection.

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Diopithe, chef de la colonie que les AN. M. 3652. Athéniens avoient envoyée dans la Quer-Litan. in fonnése, regardant cette démarche de la Demofth. p. part de Philippe comme un acte d'hoftilité 75. contre la République, fans en attendre l'ordre, & bien perfuadé qu'on ne le défavoueroit point, fe jette brufquement fur les terres de ce Prince dans la Thrace maritime pendant qu'il étoit occupé dans la haute Thrace à une guerre importante, les pille avant qu'il puiffe revenir pour lui faire tête, les faccage, & remporte un riche butin, qu'il met en sûreté dans la Querfonnéfe. Philippe, hors d'état de s'en faire raifon par la voie qu'il eût voulu, fe contenta de s'en plaindre amérement par fes lettres aux Athéniens. Les Penfionnaires qu'il avoit dans Athénes, firent leur devoir. Ces langues vénales eurent foin de répandre leur venin fur une conduite, finon prudente, du moins pardonnable. Ils déclament contre Diopithe, le déférent com

me auteur de la guerre, l'accufent d'exac tion & de piraterie, follicitent & preffent fon rappel, & poursuivent avec chaleur fa condamnation.

Démofthéne, qui dans cette conjoncture voyoit l'intérêt public inféparablement attaché à celui de Diopithe, entreprit fa défenfe. C'est ce qui fait le fujet de la harangue fur la Querfonnéfe. Ce Diopithe étoit pere de Ménandre fameux Poëte Comique, que Térence a fidelement copié.

Diopi he étoit accufé de vexer les Alliés par des exactions injuftes. C'est à quoi Démofthéne s'arrête le moins, parce que c'étoit un fait perfonnel. Il ne laiffe pas de l'excufer en paffant par l'exemple de tous les Généraux, à qui les ifles & les villes de l'Afie Mineure payoient de certaines contributions volontaires, par lesquelles elles achetoient la sûreté de leurs marchands, à qui l'on fourniffoit des escortes pour les défendre contre les pirates. Il est vrai qu'on peut exercer des violences, & rançonner mal-à-propos les Alliés. Mais alors un fimple décret, une dénonciation dans les formes la galére destinée au Elle s'ap- tranfport du Général révoqué, cela fuffit pour arrêter les abus. Il n'en eft pas de Tags même des entreprises de Philippe. Ce n'eft πάραλος. pas par des menaces ni par des décrets qu'on les peut arrêter : il faut des levées d'hommes, des troupes, des galéres.

pelloit

» Vos Orateurs vous crient fans ceffe qu'il faut opter entre la paix & la guer

re

wre. Philippe ne nous en laiffe pas l'op» tion, lui qui tous les jours forme de » nouvelles entreprifes contre nous. Et » peut-on douter qu'il ne foit l'infracteur » de la paix, à moins qu'on ne prétende » que nous n'aurons point lieu de nous » plaindre de lui, tant qu'il n'attentera rien » fur l'Attique, ni fur le Pirée ? Mais il ne » fera pas temps pour lors de nous y oppo

fer, & c'eft dès-à-préfent qu'il faut pré» parer de fortes barrieres contre fes def» feins ambitieux. Vous devez pofer com» me un principe certain, Athéniens, que » c'est à vous qu'il en veut, qu'il vous re

garde comme fes plus dangereux enne»mis, que votre ruine feule peut le mettre » en repos, & affurer fes conquêtes, & » que tout ce qu'il ourdit & trame aujour»d'hui, il ne le trame & ne l'ourdit qu'en » vue de tomber fur vous, & de réduire » Athénes en fervitude. Aucun de vous en » effet pourroit-il pouffer la fimplicité juf» qu'à croire que Philippe foit fi âpre pour » de miférables bicoques dans la Thrace. » car quel autre nom donner aux places » qu'il y attaque maintenant ?) qu'afin de » les acquérir il affronte travaux, faifons, » dangers : & que pour les ports, pour les » arfénaux, pour les galeres, pour les mines » d'argent, pour les immenfes revenus d'A≫thénes, il n'ait que de l'indifférence, qu'il » ne les ambitionne en aucune forte, & <» qu'il vous en laiffera jouir paifiblement? Que conclurre de tout ce qui a été Tome VI.

D

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