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preffés couvroient comme un toît & comme une tortue, les Romains, dis-je, tirerent leurs épées. Mais ils ne pouvoient ni en venir de près aux mains, ni couper ou brifer les piques des ennemis : & s'ils ve noient à bout d'en couper ou d'en brifer quelqu'une, le bois rompu de la pique te noit lieu de pointe; & cette haye de pi ques, dont le front de la Phalange étoit armé & hériffé, fubfiftoit toujours.

Plut. in

pag. aus.

Paul Emile avoua que dans la bataille contre Perfée dernier Roi de Macédoine, Paul. Emil, ce rempart d'airain, & cette forêt de piques, impénétrable à ses légions, l'avoient rempli d'étonnement & de crainte. Il ne fe fouvenoit point, difoit-il, d'avoir jamais vu un spectacle fi capable d'effrayer; & depuis ce temps-là il parloit fouvent de l'impreffion que cette terrible vue fit fur lui jufqu'à le faire prefque défefpérer de la victoire.

Il s'enfuit, de tout ce qui vient d'être dit, que la Phalange Macédonienne étoit invincible cependant l'Hiftoire nous apprend que les Macédoniens, avec leur Phalange, ont été vaincus & fubjugués par les Romains. Elle étoit invincible, répond Polyble, tant qu'elle demeuroit Phalange : mais c'est ce qui arrivoit rarement. Car pour cela, il lui falloit un terrain plat & uni qui eût beaucoup d'étendue, où il ne fe trouvât ni arbre, ni haie, ni coupure, ni foffé, ni vallon, ni hauteur, ni ruiffeau. Or eft-il bien ordinaire de trouver

de lieue, ou une lieue ou plus en

Trois quarts un terrein de cette forte, qui ait quinze ou vingt ftades ou plus d'étendue, car cet espace eft néceffaire pour contenir une armée entiere, dont la Phalange ne fait qu'une partie.

core.

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Difcours

fur l'hift.

Mais fuppofons qu'on trouve un terrein auffi commode qu'on peut le fouhaiter (c'eft toujours Polybe qui raifonne ) de quel ufage fera ce corps de troupes rangé en Phalange, fi l'ennemi, au lieu de s'en approcher & de présenter la bataille, fait des détachemens pour ravager la campagne, pour piller les villes, pour couper les convois? Que s'il accepte la bataille le Général n'a qu'à ordonner à une partie de fon front, au centre, par exemple, de fe laiffer exprès enfoncer, & de prendre la fuite, pour donner lieu aux Phalangites de la pourfuivre. En ce cas voilà la Phalange rompue, & une grande ouverture qui y eft faite, par laquelle les Romains ne manqueront pas d'entrer pour prendre les Phalangites en flanc à droite & à gauche, pendant que ceux qui font à la pourfuite des ennemis pourront être attaqués de la même forte.

Ce raifonnement de Polybe me paroît fort clair, & en même temps fort propre à donner une jufte idée de la maniere de combattre des Anciens, ce qui doit certainement entrer dans l'Hiftoire, & en fait une partie effentielle.

On voit par-là, comme M. Boffuet le univerf remarque après Polybe, la différence qu'il

a entre la (a) Phalange Macédonienné formée d'un gros bataillon fort épais de toutes parts, & qui ne pouvoit fe mouvoir que tout d'une piéce; & l'armée Romaine diftinguée en petits corps, & par cette raison plus prompte & plus difpofée à toute forte de mouvemens. La Phalange ne peut conferver long-temps fa propriété naturelle, (c'eft ainfi que s'exprime Polybe ) c'est-à-dire, fa folidité & fa confiftance, parce qu'il lui faut des lieux propres, & , pour ainfi dire, faits exprès; & que faute de les trouver, elle s'embarraffe elle-même, ou plutôt elle fe rompt par fon propre mouvement: joint qu'étant une fois enfoncée, elle ne fçait plus fe rallier. Au lieu que l'armée Romaine, divifée en fes petits corps, profite de tous les lieux, & s'y accommode. On l'unit & on la fépare comme on veut. Elle défile aifément, & fe raffemble fans peine. Elle est propre aux détachemens, aux ralliemens, à toute forte d'évolutions qu'elle fait, ou toute entiere, ou en partie, felon qu'il eft convenable. Enfin elle a plus de mouvemens divers, & par conféquent plus d'action & plus de force que la Phalange..

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Erant pleraque fylveftria circà, incommoda phalangi, maximè Macedonum quæ, nifi ubi prælongis haftis velut vallum ante clypos objecit, ( quod ut fiat, libero campo opus eft) nullius admodùm ufus esta Id. lib. 31. n. 39.

Plut. in

P. 265. 266.

C'est (a) ce qui fit remporter à Paul Paul. Emil. Emile la célebre victoire contre Perfée. Il Tut. Liv. avoit d'abord fait attaquer de front la Pha1. 44. n. 41. lange. Mais les Macédoniens ferrés les uns

contre les autres, tenant à deux mains leurs piques, & préfentant à l'ennemi ce rempart de fer, ne purent jamais ni être rompus, ni être entâmés. Mais enfin l'inégalité du terrein, & la grande étendue du front de la bataille, ne permettant pas aux Macédoniens de continuer par-tout cette haie de boucliers & de piques, Paul Emile remarqua que la Phalange étoit forcée de laiffer des ouvertures & des intervalles. Il la fit attaquer par ces ouvertures, non plus de front & d'un commun effort, mais par troupes détachées & par différens endroits tout à la fois. Dans un moment la Phalange fut rompue, & toute fa force, qui ne confiftoit que dans fon union, & dans J'impreffion qu'elle faifoit tout enfemble;

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(4) Secunda legio im- aut ab tergio, aliquid tumiffa diffipavit Phalangem multus increpuit, ru næ neque ulla evidentior cau- modo turbantur. Sicut tùm fa victoriæ fuit, quàm adverfus ca ervatim irruenquòd multa paffim prælia tes Romanos, & interruperant quæ fluctuantem tâ multifariam acie, obturbarunt primò, deindè viam ire cogebantur : & disjecerunt phalangem ; cu- Romani , quacumque data jus confertæ & intentis intervalla effent, infinuahorrentis haftis, intolera- bant ordines fuos. Qui, fi biles vires funt. Si carp-univerfâ acie in frontem tim aggrediendo circum-adverfus inftructam phaagere immobilem longitu- langem concurriffent.... dine & gravitate haftam co-induiffent fe haftis gas", confufâ ftrue impli- confertam aciem fuftinuifcantur ; fi vero ab latere|fent. Tit. Liv. 44. n. 41.

nec

s'évanouit. Et ce fut-là la caufe du gain de

la bataille.

Le même Polybe, dans le 12e. Livre Liv. 1. p. que j'ai déja cité, décrit en peu de mots 663. l'ordre de bataille de la cavalerie. Il donne à un escadron huit cents chevaux, rangés pour l'ordinaire fur cent de front, & fur huit de hauteur. Un tel efcadron occupoit par fon front un ftade, c'est-à-dire, cent toifes, fur le pied d'une toife, ou fix pieds, par cavalier, espace qui lui étoit néceffaire pour faire fes évolutions & fes ralliemens. Dix efcadrons, qui font huit mille chevaux occupoient dix fois autant d'efpace, c'eft-à-dire, dix ftades ou mille toifes, ce qui fait à peu près une demi-lieue. On peut juger, par ce qui vient d'être dit, du terrein qu'occupoit une armée, fuivant le nombre d'infanterie & de cavalerie dont elle étoit composée.

S. IL.

Guerre facrée. Suite de l'hiftoire de Philippe. Il tâche en vain de s'emparer des Thermopyles.

LA difcorde, qui tenoit continuelle- AN. M. 3649. ment les Grecs dans des difpofitions pro- Av.J.C.355chaines à une rupture ouverte, fe ralluma vivement à l'occafion des Phocéens. Ceux

ci habitoient les environs du temple de Diod. L. 16, Delphes. Ils s'aviferent de labourer des ter- 425-433res confacrées à Apollon, ce qui étoit les profaner. Auffi-tôt les peuples d'alentour

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