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fi brûlé, & l'air fi ardent, qu'on avoit peine à refpirer: lorfque tout-à-coup, foit: que ce fût par hafard, difent les Hiftoriens, ou par une faveur particuliere de Dieu, le ciel fe couvrit de nuages épais qui cacherent le foleil, ce qui fut déja un grand foulagement à l'armée, quoiqu'elle. manquât encore d'eau. Mais l'orage s'étant déchargé par une groffe pluie, chacun fit fa provifion; & il y en eut de fi preffés de la foif, que tenant leur bouche Ouverte ils recevoient l'eau comme elle. tomboit. Le Lecteur judicieux fent affez par lui-même ce qu'il faut penfer de ces faits merveilleux, dont il a plû aux. Hiftoriens d'embellir ce récit.

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On fut plufieurs journées à traverser ces déferts. Comme ils approcherent du lieu de l'Oracle, ils virent quantité de cor-beaux qui voloient devant les premieres. enfeignes, & qui tantôt fe pofoienten terre quand l'armée marchoit lentement, tantôt s'avançoient comme pour lui fervir de guides, jufqu'à ce qu'enfin on arriva aus temple du Dieu. C'est une chofe étonnante, qu'étant fitué au milieu d'une vafte foli tude, il eft environné d'un bois fi touffu qu'à peine le foleil le peut-il percer avec fes rayons; & il y a auffi plufieurs fontai-nes d'eau douce qui arrofent ce bois, &: en confervent la verdure. On dit que, près de ce bois, il y en a encore un autre,, au milieu duquel eft une fontaine qu'ils appellent l'eau ou la fontaine du foleil. Au

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point du jour elle eft tiéde, à midi froide, vers le foir elle s'échauffe peu à peu, & à minuit elle est toute bouillante. Puis, à mefure que le jour approche, fa chaleur diminue, continuant toujours dans cette même viciffitude.

Le Dieu qu'on adoroit dans ce temple n'avoit point la figure que les Pein-tres & les Sculpteurs ont accoutumé de donner aux Dieux. Il étoit fait d'éméraudes & d'autres pierres précieuses, & depuis la tête jufqu'au* nombril il reffembloit à un bélier. Le Roi s'étant avancé dans le temple, le plus ancien des Prêtres le déclara fils de Jupiter, & l'aflura que le Dieu lui-même lui donnoit ce nom. Il l'accepta avec joie, & reconnut Jupiter pour fon pere. Il lui demanda enfuite fi Jupiter fon pere ne lui avoit pas destiné l'empire de tout le monde. Et le Prêtre porté à la Aatterie autant que le Roi à la vanité, lui répondit qu'il feroit Monarque de l'Univers. Enfin il s'enquit fi tous les meurtriers de fon pere avoient été punis. Sur quoi le Prêtre s'écria qu'il blafphêmoit; que fon pere étoit immortel: mais que pour les meurtriers de Philippe, ils étoient tous exterminés, ajoutant qu'il feroit invincible jufqu'à ce qu'il eût pris rang entre les Dieux. Quand il eut achevé fon facrifice, il fit de magnifiques préfens au Dieu, & n'oublia pas les Prêtres qui l'avoient fi bien fervi,.

Cet endroit de Quinte- té, & eft diffè emment exCurce fouffre quelque difficul-pliqué par les Interpretes,

Örné du titre fuperbe de fils de Jupi ter & fe croyant élevé au deffus de la nature & de la condition humaine, il revint de fon voyage comme en triomphe. Depuis ce temps-là, dans toutes fes lettres, fes ordres, fes décrets, il prenoit toujours Farro apud cette qualité : ALEXANDRE, RO, FILS A.Gell.L. DE JUPITER-AMMON. Sur quoi fa mere Olympias lui fit en peu de mots une remontrance bien fpirituelle, en lui mandant qu'il ceffât de la brouiller avec Junon.

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Pendant qu'il fe repaiffoit de ces chiméres, & goûtoit tout le plaifir que fa vanité lui faifoit trouver dans ce titre faftueux tout le monde fe mocquoit de lui en fecret, & quelques-uns même, qui n'avoient pas encore entierement fubi le joug d'une baffe flatterie, oferent lui en faire des reproches: liberté, qui leur couta cher, comme là fuite le fera connoître. Non content de vouloir paffer pour fils d'un Dieu, & de fe le perfuader à lui-même, fi pourtant cela étoit poffible, il voulut paffer auffi luimême pour Dieu; jufqu'à ce qu'enfin la Providence ayant fait par lui tout ce qu'elle vouloit, l'égala par la mort au reste des hommes.

Alexandre, au retour du temple de Jupiter-Ammon, étant arrivé aux Palus Maréotides qui font affez proche de l'Ile de Phare, vifita fa nouvelle ville qui commençoit déja à s'avancer. Il pourvut aux moyens de la peupler, en y invitant fous de favorables conditions des habitans de plu

feurs endroits. Il y attira entr'autres un grand nombre de Juifs en leur accor

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dant de grands priviléges. Car, non-feu- Jofeph. con lement il leur laiffa le libre exercice de tra Appion. leur religion & de leurs loix, mais il les mit fur le même pied, à tous égards, que les Macédoniens mêmes qu'il y établit. Dé. là il s'en alla paffer le refte de l'hiver à Memphis.

Varron remarque que ce fut dans le temps que ce Prince bâtit Alexandrie, que l'on trouva en Egypte l'usage du Papyrus pour écrire deffus.

p. 108-110.

1.

Pendant le féjour qu'Alexandre fit à Arrian. 1. 3. Memphis, il régla les affaires de l'Egypte. Q. Curt. L. 4 Il ne confia qu'à des Macédoniens le com- cap. 8. mandement des troupes. Il partagea le pays en départemens, dans chacun defquels il établit un Lieutenant de Roi qui ne rece voit fes ordres que de lui-même; ne. croyant pas qu'il fût à propos de confier le commandement général de toutes les troupes à une feule perfonne dans un pays fi grand & fi peuplé. Pour le Gouvernement civil, il le mit tout entier entre les mains d'un Egyptien, nommé Doloapfe. Car, voulant que l'Egypte continuât à être. gouvernée felon les anciennes loix & les coutumes reçues, il crat qu'un Egyptien naturel qui les connoiffoit de longue main étoit plus propre à cet emploi qu'un étran ger quel qu'il fût.

Afin de faire avancer plus promptement Youvrage de fa nouvelle ville, il nomma

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Diod, 1.-17.

P. 111-127.

681-685.

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Cléoméne, pour y veiller; & le charged auffi du foin de lever le tribut que devoit payer l'Arabie. Comme c'étoit un fort mé chant homme, il abufa étrangement de fon autorité pour opprimer cruellement les peuples.

S. VIII

Alexandre, de retour d'Egypte, fonge å
aller chercher Darius. En partant, il ap-
prend la mort de la femme de ce Prince.
Il lui fait rendre tous les honneurs dûs à
fon rang. Il paffe l'Euphrate & le Tigre
& atteint Darius. Fameufe bataille d'Ar--
belles.

ALEXANDRE, après avoir mis ordre aux P. 530-536. affaires d'Egypte, en partit vers le prinArrian. 1.3. temps, pour aller en Orient chercher DaPlut. in. rius. En paffant par la Palestine, il apprit Alex. pag. une nouvelle qui lui caufa beaucoup de Q. Curt. lib, chagrin. Il avoit laiffé, en allant en Egyp-cap. 9-26. te, le gouvernement de la Syrie & de la Juftin. L. Paleftine à Andromaque, pour qui il avoit cap. 1-4 une grande confidération. Ce Gouverneur étant venu à Samarie régler quelques affaires, les Samaritains fe mutinerent; & dans un tumulte, ils mirent le feu à las maifon où il étoit, & l'y brûlerent. Apparemment que ce fut un effet de la rage où ce peuple étoit de voir qu'on lui refufoit les privileges qu'on venoit d'accorder aux Juifs fes ennemis. Cette action irrita extrêmement Alexandre contre eux. Il fit mourir tous ceux qui y avoient eu part,

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