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AN. M. 3648.

LIVRE QUINZIEM E. HISTOIRE D'ALEXANDRE.

JA

A déja remarqué que l'hiftoire d'Alexandre, contenue dans ce Livre, renferme l'efpace de douze ans & huit mois.

S. I.

Naissance d'Alexandre. Incendie du Temple d'Ephèfe arrivé ce jour-là même. Heureufes inclinations de ce Prince. Il a pour maître Ariftote, qui lui infpire un goût merveilleux pour les fciences. Il dompte Bucéphale.

ALEXANDRE nâquit la premiere année

Av. J.C.356. de la CVIe. Olympiade.

Plin. lib

Le même jour précisément qu'il vint au 36. cap. 14. monde, le fameux Temple de Diane fut brûlé à Ephèfe. On fçait que ce, Temple étoit une des fept merveilles du monde. Il avoit été bâti au nom & aux dépens de toute l'Afie Mineure. La conftruction en avoit duré beaucoup d'années. Il avoit de longueur quatre cents vingt-cinq pieds, fur deux cents vingt de largeur. Il étoit foutenu par cent vingt-fept colonnes hautes de foixante pieds, qu'autant de ** Rois

*

*Pline marque deux cents | ** Dans les anciens temps vingt ans, ce qui a peu de chaque ville prefque avoit vraisemblance. fon Roi.

avoient

avoient fait construire avec de grands frais, & par les plus habiles ouvriers, tâchant d'enchérir les uns fur les autres. Tout le refte du Temple répondoit à cette magnificence.

*

Hégéfias de Magnéfie, felon Plutar- Plut. fa que, dit qu'il ne falloit pas s'étonner que ce Alexap, bag. Temple eût été brûlé, parce que ce jour-là Diane étoit occupée aux couches d'Olympias pour faciliter la naissance d'Alexandre. Ré flexion, ajoute notre Auteur, fi ** froide qu'elle auroit fuffi à éteindre cet embrafe ment. Cicéron, (a) qui attribue ce mot à Timée, le trouve fort bon. Je m'en étonne. La pente qu'il avoit à la raillerie, le rendoit peut-être peu difficile fur ces fortes de traits.

Un nommé Héroftrate avoit mis le feu Valer. M exprès à ce Temple. Quand on lui donna 4.8.cap. . la torture pour lui faire déclarer ce qui l'avoit porté à faire cette action, il avoua que c'étoit pour fe faire connoître dans la poftérité, & pour immortalifer fon nom, en détruifant un fi bel ouvrage. Les Etats Généraux d'Afie crurent empêcher qu'il n'y réufsît, en faifant un Décret qui défendoit de le nommer. Leur défenfe ne

C'étoit un hiftorien qui | natus Alexander effet, eavivoit du temps de Ptolé- dem Diane Ephefiæ temmée, fils de Lagus, plum deflagraviffe: adjunxit, minimè id cffe mirandum, quòd Diana, cùm in partu Olympiadis adeffe voluiffet abfuiffet domo. De Nat. Deor. lib. 2. n. 69.

**Je ne fçais fi la réflexion de Plutarque n'eft pas encore plus froide.

(a) Concinnè, ut multa, Timæus, qui, cùm in hiftoria dixiffet quâ nocte

Tome VI.

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G

A

Plut. in

fervit qu'à exciter encore davantage la curiofité, prefque aucun des Hiftoriens de ce temps-là n'ayant manqué à rapporter une extravagance fi monftrueufe, en appellant le criminel par fon nom.

&

La paffion dominante d'Alexandre dès vit. Alex. p. fa plus tendre jeuneffe, fut l'ambition, 665-668. Id. de for. une vive ardeur pour la gloire, mais non tun. Alex. p. pour toute forte de gloire. Philippe fe pi

342.

quoit, comme un Sophifte, d'éloquence & de beau langage, & il avoit la vanité de faire graver fur fes monnoies les victoires qu'il avoit remportées aux Jeux Olympiques à la courfe des chars. Ce n'étoit pas à quoi fon fils afpiroit. Ses amis lui demandant un jour, s'il ne fe présenteroit pas aux mêmes Jeux pour y difputer le prix, car il étoit très-leger à la course; il répondit qu'il s'y préfenteroit, s'il devoit avoir des Rois pour Antagonistes.

Toutes les fois qu'on lui apportoit la nouvelle que fon pere avoit pris quelque ville ou gagné quelque grande bataille, loin de s'en réjouir avec tout le Royaume, il difoit d'un ton plaintif aux jeunes gens qui étoient élevés avec lui: Mes amis, mon pere prendra tout, & ne nous laiffera rien à faire.

Un jour, des Ambaffadeurs du Roi de Perfe étant arrivés à la Cour pendant l'abfence de Philippe, Alexandre les reçut avec tant d'honnêteté & de politeffe, & leur fit fi bien les honneurs de la table qu'ils en furent charmés. Mais, ce qui les

then. li.

furprit plus que tout le refte, c'est l'efprit & le jugement qu'il fit paroître dans les divers entretiens qu'il eut avec eux. Il ne leur propofa rien de puérile, ni qui reffentît son âge comme auroit été de fçavoir ce que c'étoit que ces jardins fufpendus en l'air, qui étoient fi vantés; ces richeffes & ce fuperbe appareil du Palais & de la Cour du Roi de Perfe, qui faifoient l'adiniration de tout le monde; ce platane d'or dont on parloit tant, & cette vigne d'or dont 12.p. 739 les grapes étoient faites d'émeraudes, d'efcarboucles, de rubis, & de toutes fortes de pierres précieufes, fous laquelle on dit que le Roi de Perfe donnoit fouvent fes audiences aux Ambaffadeurs. Il leur fit des queftions toutes différentes : quel chemin il falloit tenir pour arriver dans la haute Afie; quelle étoit la distance des lieux ; en quoi confiftoit la force & la puiffance des Perles; quelle place le Roi prenoit dans une bataille; comment il fe conduifoit à l'égard de fes ennemis, & comment il gouvernoit fes peuples. Ces Ambassadeurs ne fe laffoient point de l'admirer, & fentant dès-lors ce qu'il pouvoit devenir un jour, ils marquerent en un mot la différence qu'ils mettoient entre Alexandre & Artaxerxe, chus. en fe difant les uns aux autres: (a) Ce jeune Prince eft grand, le nôtre eft riche. C'est être réduit à bien peu de chofe, que de l'être uniquement à fes richeffes, fans avoir d'autre mérite!

(α) Ο' παῖς ἔτος, βασιλεύς μέγας· ὁ δὲ ἡμέ Τέλος, πλούσιος. G2

C'était Artaxerxe O

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Un jugement fi prématuré dans ce jeune Prince n'étoit pas moins l'effet de la bonne éducation qu'il avoit reçue, qué de fon heureux naturel. Il avoit auprès de lui plufieurs Maîtres chargés de lui apprendre tout ce qui convient à l'héritier d'un grand Royaume: au deffus defquels étoit Léonidas, parent de la Reine, & d'une grande auftérité de mours. Alexandre lui-même rapportoit dans la fuite, que ce Léonidas, dans les voyages qu'il faifoit avec lui, alloit fouvent vifiter les coffres & les males où l'on ferroit fes lits & des habits, pour voir fi fa mere Olympias n'y auroit fait rien mettre de fuperflu, & qui ne fût que pour la délicateffe & pour le luxe.

Le plus grand service que Philippe rendit à fon fils, fut de lui attacher Ariftote le plus célebre & le plus fçavant des PhiPlut. in lofophes de fon temps, à qui il confia pleiApophtheg. nement le foin de fon inftruction. Une pag. 178. des raifons qui le porterent à lui donner un Maître de ce mérite & de cette réputation, fut, difoit-il, pour faire éviter à fon fils bien des fautes où lui-même étoit tombé.

Philippe connut tout le prix du tréfor qu'il avoit dans la perfonne d'Ariftote. Il lui établit de gros appointemens, & lui paya un autre falaire de fes peines encore Ville de plus glorieux. Car, ayant ruiné & détruit Macédoine, la ville de Stagire, qui étoit la patrie de près du bord ce Philofophe, il la rebâtit

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de la mer.

*

pour

l'amour

de lui, y rétablit les habitans qui s'en

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