Sur la plage sonore où la mer de Sorrente Déroule ses flots bleus au pied de l'oranger, Il est près du sentier, sous la haie odorante, Une pierre petite, étroite, indifférente Aux pas distraits de l'étranger.
La giroflée y cache un seul nom sous ses gerbes, Un nom que nul écho n'a jamais répété! Quelquefois seulement le passant arrêté,
Lisant l'âge et la date en écartant les herbes, Et sentant dans ses yeux quelques larmes courir, Dit: «Elle avait seize ans ; c'est bien tôt pour mourir! »
Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées? Laissons le vent gémir et le flot murmurer; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées !
Je veux rêver, et non pleurer.
Dit : « Elle avait seize ans ! » Oui, seize ans! et cet âge N'avait jamais brillé sur un front plus charmant,
Et jamais tout l'éclat de ce brûlant rivage Ne s'était réfléchi (ans un œil plus aimant! Que son œil était pur et sa lèvre candide! Que son ciel inondait son âme de clarté! Le beau lac de Némi, qu'aucun souffle ne ride, A moins de transparence et de limpidité.
Dans cette âme, avant elle, on voyait ses pensées; Ses paupières jamais, sur ses beaux yeux baissées, Ne voilaient son regard d'innocence rempli; Nul souci sur son front n'avait laissé son pli;
Tout folȧtrait en elle : et ce jeune sourire, Qui plus tard sur la bouche avec tristesse expire, Sur sa lèvre entr'ouverte était toujours flottant, Comme un pur arc-en-ciel sur un lac éclatant.
Elle se confiait à la douce Nature
Qui souriait sur nous, à la prière pure
Qu'elle allait, le cœur plein de joie, et non de pleurs, A l'autel qu'elle aimait répandre avec ses fleurs;
Et sa main m'entraînait aux marches de son temple, Et comme un humble enfant je suivais son exemple, Et sa voix me disait tout bas: « Prie avec moi; Car je ne comprends pas le ciel même sans toi! »>
Mais pourquoi m'entrainer vers ces scènes passées? Laissons le vent gémir et le flot murmurer; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées! Je veux rêver, et non pleurer.
Voyez, dans son bassin, l'eau d'une source vive S'arrondir comme un lac sous son étroite rive, Bleue et claire, à l'abri du vent qui va courir, Et du rayon brûlant qui pourrait la tarir: Un cygne blanc nageant sur la nappe limpide, En y plongeant son cou qu'enveloppe la ride, Orne sans le ternir le liquide miroir,
Et s'y berce au milieu des étoiles du soir; Mais si, prenant son vol vers des sources nouvelles, Il bat le flot tremblant de ses humides ailes, Le ciel s'efface au sein de l'onde qui brunit, La plume à grands flocons y tombe, et la ternit, Comme si le vautour, ennemi de sa race, De sa mort sur les flots avait semé la trace; Et l'azur éclatant de ce lac enchanté
N'est plus qu'une onde obscure où le sable a monté.
Ainsi, quand je partis, tout trembla dans cette âme; Le rayon s'éteignit, et sa mourante flamme Remonta dans le ciel pour n'en plus revenir. Elle n'attendit pas un second avenir; Elle ne languit pas de doute en espérance, Et ne disputa pas sa vie à la souffrance; Elle but d'un seul trait le vase de douleur, Dans sa première larme elle noya son cœur;
Et, semblable à l'oiseau, moins pur et moins beau qu'elle, Qui le soir pour dormir met son cou sous son aile,
Elle s'enveloppa d'un muet désespoir,
Et s'endormit aussi, mais, hélas! loin du soir!
Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées? Laissons le vent gémir et le flot murmurer; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées! Je veux rêver, et non pleurer.
Elle a dormi quinze ans dans sa couche d'argile, Et rien ne pleure plus sur son dernier asile; Et le rapide oubli, second linceul des morts, A couvert le sentier qui menait vers ces bords; Nul ne visite plus cette pierre effacée,
Nul n'y songe et n'y prie!... excepté ma pensée, Quand, remontant le flot de mes jours révolus, Je demande à mon cœur tous ceux qui n'y sont plus, Et que, les yeux flottants sur de chères empreintes, Je pleure dans mon ciel tant d'étoiles éteintes! Elle fut la plus pure, et sa douce lueur
D'un jour pieux et tendre éclaire encor mon cœur.
Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées? Laissons le vent gémir et le flot murmurer; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées! Je veux rêver, et non pleurer.
Un arbuste épineux, à la pâle verdure, Est le seul monument que lui fit la nature : Battu des vents de mer, du soleil calciné, Comme un regret funèbre au cœur enraciné, Il vit dans le rocher sans lui donner d'ombrage; La poudre du chemin y blanchit son feuillage; Il rampe près de terre, où ses rameaux penchés Par la dent des chevreaux sont toujours retranchés : Une fleur au printemps, comme un flocon de neige, Y flotte un jour ou deux; mais le vent qui l'assiége L'effeuille avant qu'elle ait répandu so. odeur, Comme la vie avant qu'elle ait charmé le cœur! Un oiseau de tendresse et de mélancolie
S'y pose pour chanter sur le rameau qui plie! Oh! dis, fleur que la vie a fait sitôt flétrir, N'est-il pas une terre où tout doit refleurir?
Remontez, remontez à ces heures passées! Vos tristes souvenirs m'aident à soupirer. Allez où va mon âme, allez, ô mes pensées! Mon cœur est plein, je veux pleurer,
Voilà les feuilles sans séve Qui tombent sur le gazon; Voilà le vent qui s'élève Et gémit dans le vallon; Voilà l'errante hirondelle Qui rase du bout de l'aile L'eau dormante des marais; Voilà l'enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères Le bois tombé des forêts.
L'onde n'a plus le murmure Dont elle enchantait les bois; Sous des rameaux sans verdure Les oiseaux n'ont plus de voix : Le soir est près de l'aurore; L'astre à peine vient d'éclore, Qu'il va terminer son tour; Il jette par intervalle Une lueur, clarté pâle Qu'on appelle encore un jour.
L'aube n'a plus de zéphyre Sous ses nuages dorés; La pourpre du soir expire Sous les flots décolorés; La mer solitaire et vide N'est plus qu'un désert aride Où l'œil cherche en vain l'esquif; Et sur la grève plus sourde La vague orageuse et lourde N'a qu'un murmure plaintif.
La brebis sur les collines Ne trouve plus le gazon; Son agneau laisse aux épines Les débris de sa toison;
La flûte aux accords champêtres
Ne réjouit plus les hêtres
Des airs de joie ou d'amours;
Toute herbe aux champs est glanée:
Ainsi finit une année,
Ainsi finissent nos jours!
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