mêmes de cette mélancolie qui est la fleur d'automne de la vie humaine (vive émotion); toutes choses, messieurs, qui sont pour nous comme des émanations de la terre, comme une senteur lointaine, comme un avant-goût de ces Élysées, de ces Édens, de ces jardins éternels où nous espérons tous retrouver dans le bonheur ceux que nous avons aimés et quittés dans les larmes!... toutes choses qui font désirer à l'homme de la nature, à quelque distance, dans quelque abîme ou à quelque hauteur que la fortune l'ait jeté, de revenir achever ses jours sur la terre qui l'a vu naître, et d'avoir au moins sa tombe dans le jardin où il eut son berceau! (Impression unanime d'émotion et d'attendrissement.) VERS IMPROVISÉS SUR UN ALBUM, Le livre de la vie est le livre suprême LA MER. O Dieu, vois sur les mers! le regard de l'aurore Qui, comme un cœur d'amour ou de joie oppressé, Et dans ses lames garde encore Le sombre azur du ciel que la nuit a laissé. Où va-t-il? Il revient, revomi par l'abime; En flocons de lumière Roule, et disperse au loin tous ces fragments du jour. La barque du pêcheur tend son aile sonore, Et bondit sur les flots que l'ancre va quitter, Le frein qui semble l'irriter. Le navire, enfant des étoiles, Luit comme une colline aux bords de l'horizon, Et réfléchit déjà dans ses plus hautes voiles Léviathan bondit sur ses traces profondes; Et, des flots par ses jeux saluant le réveil, De ses naseaux fumants il lance au ciel les ondes, L'eau berce, le mât secoue Ceint le bord des flots amers: L'ADORATION. L'homme porte en soi deux instincts quand il pense å Dieu, le mystère et l'adoration. Le mystère, c'est l'œuvre de la raison humaine de l'élargir, de l'éclairer, de l'écarter toujours davantage, sans le dissiper complétement jamais. La prière, c'est le besoin du cœur de répandre sans cesse l'imploration utile ou inutile, entendue ou non, comme le parfum sur les pas de Dieu. Que ce parfum tombe sur les pieds de Dieu, ou qu'il tombe à terre, n'importe, il tombe toujours en tribut de faiblesse, d'hum:liation et d'adoration! Mais qui sait s'il est perdu? qui sait si la prière, cette communication sensible avec la toute-puissance invisible, n'est pas, en effet, la plus grande des forces naturelles ou surnaturelles de l'homme? Qui sait si la volonté suprême n'a pas voulu, de toute éternité, l'inspirer, et l'exaucer dans celui qui prie, et faire participer ainsi l'homme luimême par l'invocation au mécanisme de sa propre destinée? Qui sait enfin si Dieu, dans sa sollicitude éternelle pour les êtres émanés de lui, n'a pas voulu leur laisser ce rapport avec lui-même, comme la chaîne invisible qui suspend la pensée des mondes à la sienne? Qui sait si, dans la solitude majestueuse peuplée de lui seul, il n'a pas voulu que ce vivant murmure, que cetle conversation inextinguible avec sa nature s'élevât et redescendit sans cesse, sur tous les points de l'infini, de lui à tous les êtres qu'il vivifie, qu'il embrasse et qu'il aime, et de tous ces êtres jusqu'à lui? Dans tous les cas, la prière est le plus sublime des priviléges de l'homme, puisque c'est celui qui permet de parler à Dieu; et Dieu fût-il sourd, nous le prierions encore; car, si sa grandeur était de ne pas nous entendre, notre grandeur à nous serait de le prier. LES AMIS DISPARUS, Ainsi nous mourons feuille à feuille, Ces contemporains de nos âmes, A ce chœur joyeux de la route Chaque jour l'hymne recommence, Plus faible et plus triste à noter : Hélas ! c'est qu'à chaque distance Un cœur cesse de palpiter. Ainsi dans la forêt voisine, Si l'homme, jaloux de leur cime, Il en reste un ou deux encore: L'écho, décimé d'arbre en arbre, Adieu les voix de notre enfance |