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dans l'Italie qu'il pouvait subjuguer, ni danš l'Allemagne que les nouveaux dogmes et l'amour de l'indépendance remplissaient de

troubles.

Les différents sectaires savaient bien ce qu'ils ne voulaient pas croire; mais il ne savaient pas ce qu'ils voulaient croire. Tous s'accordaient à s'élever contre les abus de la cour et de l'Église romaine: tous introduisaient d'autres abus. Mélanchton s'oppose à Luther sur quelques articles.

Storch, né en Silésie, va plus loin que Luther. Il est le fondateur de la secte des anabaptistes; Munzer en est l'apôtre; tous deux prêchent les armes à la main. Luther avait commencé par mettre dans son parti les princes; Munzer met dans le sien les habitants de la campagne. Il les flatte et les anime par cette idée d'égalité, loi primitive de la nature, que la force et les conventions ont détruite. Les premières fureurs des paysans éclatent dans la Souabe, où ils étaient plus esclaves qu'ailleurs. Munzer passe en Thuringe. Il s'y rend maître de Mulhausen, en prêchant l'égalité; et fait porter à ses pieds l'argent des habitants, en prêchant le désintéressement. Tous les paysans se soulèvent en Souabe, en Franconie, dans une partie de la Thuringe, dans le Palatinat, dans l'Alsace.

A la vérité ces espèces de sauvages firent un manifeste que Lycurgue aurait signé. Ils demandaient "qu'on ne levât sur eux que

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les dixmes des blés, et qu'elles fussent em"ployées à soulager les pauvres; que la "chasse et la pêche leur fussent permises; "qu'ils eussent du bois pour se batir des cabanes et pour se garantir du froid; qu'on modérât leurs corvées." Ils réclamaient les droits du genre humain, mais ils les soutinrent en bêtes féroces. Ils massacrent les gentilshommes qu'ils rencontrent. Une fille naturelle de l'empereur Maximilien est égorgée.

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Ce qui est très - remarquable, c'est qu'à l'exemple de ces anciens esclaves révoltés qui, se sentant incapables de gouverner, choisirent, dit-on, autrefois pour leur roi le seul maître qui avait échappé au carnage, ces paysans mirent à leur tête un gentilhomme. Ils s'emparent de Heilbronn, de Spire, de Wurtzbourg, de tous les pays entre ces villes.

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Munzer et Storch conduisent l'armée en qualité de prophètes. Le vieux Frédéric, électeur de Saxe, leur livre une sanglante ba taille, près de Franchausen dans le comté de Mansfeld. En vain les deux prophètes entonnent des cantiques au nom du Seigneur. Ces fanatiques sont entièrement défaits. Munzer, pris après la bataille, est condamné à perdre la tète. I abjura sa secte avant de mourir. Il n'avait point été enthousiaste'; il avait conduit ceux qui l'étaient; mais son disciple Pfeiffer, condamné comme lui, mourut persuadé. Storch retourne prêcher en Silésie, et envoie des disciples en Pologne. L'empereur cependant négociait tranquille

ment avec le roi de France, son prisonnier, à Madrid,

(1526) Principaux articles du traité dont Charles-Quint impose les lois à François Ier. Le roi de France cède à l'empereur le duché de Bourgogne et le comté de Charolais; il renonce au droit de souveraineté sur l'Artois et sur la Flandre. Il lui laisse Arras, Tournai, Mortagne, Saint-Amand, Lille, Douai, Orchies, Hesdin. Il se désiste de tous ses droits sur les Deux-Siciles, sur le Milanais, sur le comté d'Asti, sur Gênes. II promet de ne jamais protéger ni le duc de Gueldre, qui se soutenait toujours contre cet empereur si puissant, ni le duc de Wirtemberg, qui revendiquait son duché vendu à la maison d'Autriche; il promet de faire renoncer les héritiers de la Navarre à leur droit sur ce royaume; il signe une ligue défensive et même offensive avec son vainqueur qui lui ravit tant d'états; il s'engage à épouser Eléonore, sa sœur.

Il est forcé à recevoir le duc de Bourbon en grâce, à lui rendre tous ses biens, à le dédommager lui et tous ceux qui ont pris son parti.

Ce n'était pas tout. Les deux fils aînés du roi doivent être livrés en otage jusqu'à l'accomplissement du traité; il est signé le 14 janvier.

Pendant que le roi de France fait venir ses deux enfants pour être captifs à sa place, Lannoy, vice-roi de Naples, entre

dans sa chambre, en bottes, et vient lui faire signer le contrat de mariage avec Éléonore qui était à quatre lieues de là, et qu'il ne vit point: étrange façon de se marier!

On assure que François Ier fit une protestation pardevant notaire contre ses promesses, avant de les signer. Il est difficile de croire qu'un notaire de Madrid ait voulu et pu venir signer un tel acte dans la prison du roi.

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Le dauphin et le duc d'Orléans sont amenés en Espagne, échangés avec leur père, au milieu de la rivière d'Andaye, et menés en otage.

Charles aurait pu avoir la Bourgogne, s'il se l'était fait céder avant de relâcher son prisonnier. Le roi de France exposa ses deux enfants au courroux de l'empereur, en ne tenant pas sa parole. Il y a eu des temps où cette infraction aurait coûté la vie à ces deux princes.

François lor se fait représenter par les états de Bourgogne qu'il n'a pu céder cette grande province de la France il ne fallait donc pas la promettre. Ce roi était dans un état où tous les partis étaient tristes pour lui.

Le 22 mai, François Ier à qui ses malheurs et ses ressources ont donné des amis, signe, à Cognac, une ligue avec le pape Clément VII, le roi d'Angleterre, les Vénitiens, les Florentins, les Suisses, contre l'empereur. Cette ligue est appelèe sainte, parce que le

pape en est le chef. Le roi stipule de mettre en posession du Milanais ce même duc François Sforze qu'il avait voulu dépouiller. Il finit par combattre pour ses anciens ennemis. L'empereur voit tout d'un coup la France, l'Angleterre, l'Italie armées contre sa puissance, parce que cette puissance même n'a pas été assez grande pour empêcher cette révolution, et parce qu'il est resté oisif à Madrid au lieu d'aller profiter de la victoire de ses généraux.

Dans ce chaos d'intrigues et de guerres, les Impériaux étaient maîtres de Milan et de presque toute la province. François Sforze avait le seul château de Milan.

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Mais dès que la ligue est signée, le Milanais se soulève; il prend le parti de son duc. Les Vénitiens marchent et enlèvent Lodi à l'empereur. Le duc d'Urbin, à la tête de l'armée du pape, est dans le Milanais. Malgré tant d'ennemis, le bonheur de Charles-Quint lui conserve l'Italie. Il devait la perdre en restant à Madrid; le vieil Antoine de Lève et ses autres généraux la lui conservent. François ler ne peut assez tôt faire partir des troupes de son royaume épuisé. L'armée du pape se conduit lâchement, celle de Venise mollement. François Sforze est obligée de rendre son château de Milan. Un très-petit nombre d'Espagnols et d'Allemands, bien commandés et accoutumés à la victoire, vaut à Charles-Quint tous ces avantages, dans le même temps de sa vie où il fit le moins de choses.

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