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fois civile et religieuse l'emporta toujours sur la tolérance du chancelier.

Le parlement de Normandie, malgré l'édit, fit pendre trois conseillers de ville et le prédicant ou ministre Marlorat, avec plusieurs officiers.

Le prince de Condé à son tour souffrit que dans Orléans, dont il était maître, le conseil de ville fit pendre un conseiller du parlement de Paris, nommé Sapin, et un prêtre, qui avaient été pris en voyageant; il n'y avait plus d'autre droit que celui de la guerre.

Cette même année, se donna la première. bataille rangée entre les catholiques et les huguenots, auprès de la petite ville de Dreux, non loin des campagnes d'lvri, lieu où depuis le grand Henri IV gagna et mérita

sa couronne.

D'un côté on voyait ces trois triumvirs, le vieux et malheureux connétable de Montmorency, François de Guise, qui n'était plus lieutenant-général de l'état, mais qui, par sa réputation, en était le premier homme, et le maréchal de Saint-André qui commandait sous le connétable.

A la tête de l'armée protestante était le prince Louis de Condé, l'amiral Coligny et son frère d'Andelot: presque tous les officiers de l'une et de l'autre armée étaient ou parents ou alliés, et chaque parti avait amené des troupes étrangères à son secours.

L'armée catholique avait des Suisses, l'au

tre avait des reîtres. Ce n'est pas ici le lieu de décrire cette bataille: elle fut, comme toutes celles que les Français avaient données, sans ordre, sans art, sans ressource prévue. Il n'y eut que le duc de Guise qui sut mettre un ordre certain dans le petit corps de réserve qu'il commandait. Le connétable fut enveloppé et pris, comme il l'avait été à la bataille de Saint-Quentin. Le prince de Condé eut le même sort. Le maréchal de Saint-Andrè, abandonné des siens, fut tué par le fils du greffier de l'hôtel-deville de Paris, nommé Baubigny. Ce maréchal avait emprunté de l'argent au greffier: au lieu de payer le père, il avait maltraité le fils. Celui-ci jura de s'en venger, et tint parole. Un simple citoyen qui a du courage est supérieur, dans une bataille, à un seigneur de cour qui n'a que de l'orgueil.

Le duc de Guise, voyant les deux chefs opposés prisonniers et tout en confusion, fit marcher à propos son corps de réserva, et gagna le champ de bataille (20 déc. 1562). François de Guise alla bientôt après faire le siège d'Orléans (18 fév. 1563). Ce fut là qu'il fut assassiné par Poltrot de Meré, gentilhomme angoumois. Ce n'était pas le premier assassinat que la rage de religion avait fait commettre. Il y en avait eu plus de quatre mille dans les provinces; mais celui-ci fut le plus signalé, par le grand nom de l'assassiné, et par le fanatisme du meurtrier

qui crut servir Dieu en tuant l'ennemi de sa secte.

J'anticiperai ici un peu le temps, pour dire que, quand Charles IX revint à Paris. après sa majorité, la mère du duc de Guise, Antoinette de Bourbon, sa femme Anne d'Est et toute sa famille, vinrent en deuil se jeter aux genoux du roi, et demander justice contre l'amiral de Coligny, qu'on accusait d'avoir encouragé Poltrot à ce crime.

(18 mars) Le parlement condamna Poltrot à être déchiré avec des tenailles ardentes, tiré à quatre chevaux et écartelé, supplice réservé aux assassins des rois. Le criminel varia toujours à la question, tantôt chargeant l'amiral Coligny et d'Andelot son frère, tantôt les justifiant. Il demanda à parler au premier président Christophe de Thou avant

d'aller au supplice. Il varia de même devant lui. Tout ce qu'on put enfin conjecturer de plus vraisemblable, c'est qu'il n'avait d'autre complice que la fureur du fanatisme. Tels ont été presque tous ceux à qui l'abus de la religion chrétienne a mis dans tous les temps le poignard à la main, tous aveuglés par les exemples de Jaël, d'Aod, de Judith, et de Mathathias qui tua dans le temple l'officier du roi Antiochus, dans le temps que ce capitaine voulait exécuter les ordres de son maître, et sacrifier un cochon sur l'autel. Tous ces assassinats étant malheureusement consacrés, il n'est pas étonnant que des fanatiques absurdes, ne distin

guant pas les temps et les lieux, aient imité des attentats qui doivent inspirer l'horreur, quoique rapportés dans un livre qui inspire du respect.

CHAPITRE XXV.

De la majorité de Charles IX, et de ses suites.

APRÈS la prise de Rouen et la bataille de Dreux, le chancelier de l'Hospital réussit à donner à la France quelque ombre de paix. On posa les armes des deux côtés, on rendit tous les prisonniers. (19 mars 1564) 11 y eut un quatrième édit de pacification signé et scellé à Amboise, publié et enregistré au parlement de Paris et dans toutes les cours du royaume.

Le roi fut ensuite déclaré majeur au parlement de Normandie; il n'avait pas encore quatorze ans accomplis; né le 27 juin 1550, l'acte de sa majorité est du 14 auguste 1563: ainsi il était âgé de treize ans un mois et dix-sept jours. Le chancelier de l'Hospital dit, dans son discours, que c'était pour la première fois que les années commencées passaient pour des années accomplies. Il est difficile de démêler pourquoi il parlait ainsi : car Charles VI fut sacré à Rheims, âgé de treize ans et quelques jours (1380). Če fut

plutôt la première fois qu'un roi fut décla ré majeur dans un parlement. Charles IX s'assit sur un trône; la reine sa mère vint lui baiser la main à genoux; elle fut suivie d'Alexandre, duc d'Orléans, qui fut depuis le roi Henri III; du prince de Navarre, c'est le grand Henri IV; ensuite Charles, cardinal de Bourbon, le prince de Condé, le prince Louis de Montpensier, François son fils, nommé le dauphin d'Auvergne, Charles de la Roche-sur-Yon, rendirent le même hommage, et vinrent se ranger auprès du roi.

Le cardinal de Lorraine et le cardinal Odet de Châtillon, frère de l'amiral, suivirent les princes. Il est à remarquer que le cardinal de Châtillon s'était déclaré protestant; il s'était publiquement marié à l'héritière de Péquigny, et il n'en assista pas moins, en habit de cardinal à cette cérémonie. Éléonore, duc de Longueville, descendant du fameux Dunois, baisa la main du roi après les cardinaux; ensuite vint le connétable de Montmorency, l'épée nue à la main; le chancelier Michel de l'Hospital, quoique fils d'un médecin, et n'étant pas au rang des nobles, suivit le connétable; il précéda les maréchaux de Brissac, de Montmorency, de Bourdillon. Le marquis de Gouffier de Boisy, grand-écuyer, parut après les maréchaux de France.

L'édit fut porté par le marquis de SaintGelais de Lansac au parlement de Paris, pour y être enregistré,,,mais, dit le président de

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