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de prêter aussi quelques deniers au roi (6 aug.). Il fallait que Charles VIII et son conseil eussent bien mal pris leurs mesures dans cette malheureuse guerre pour être obligés de se servir d'un amiral de France, d'un cardinal, d'un prince, comme de courtiers. de change, pour emprunter de l'argent d'une compagnie de magistrats qui n'ont jamais été riches. Le parlement ne prêta rien:,,il ,,remontra aux commissaires la nécessité et ,,indigence du royaume, et le cas si piteux ,,que, non indiget manuscribentis, qui sera ,,cause d'ennui et atédiation aux lisants qui ,,nec talia legendo temperent à lacrymis. On pria les commissaires, comme grands ,,personnages, qu'ils en fissent remontrances ,,au roi, lequel est bon prince." Bref, le parlement garda son argent. C'est une af

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faire particulière; elle n'a de rapport à l'intérêt public que la nécessité et indigence du royaume, alléguée par le parlement comme la cause de son refus.

CHAPITRE XIII.

Du Parlement sous Louis XII.

Le règne de Louis XII ne produisit pas la moindre difficulté entre la cour et le parlement de Paris. Ce prince, en répudiant sa femme, fille de Louis XI,, avec laquelle

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il avait habité vingt années, en épousant Anne de Bretagne, ancien objet de ses inclinations, ne s'adressa point au parlement, quoiqu'il fût l'interprête et le modérateur des lois du royaume. Ce corps était composé de jurisconsultes séculiers et ecclésiastiques. Les pairs du royaume, représentant les anciens juges de toute la nation, y avaient séance; il eût été naturel dans tous les états du monde, qu'un roi, dans une pareille conjoncture, n'eût fait agir que le premier tribunal de son royaume; mais le préjugé, plus fort que la législation et que l'intérêt des nations entières, avait dès long-temps accoutumé les princes de l'Europe à rendre les papes arbitres de leurs mariages et du secret de leur lit. On avait fait un point de religion de cette coutume bizarre par laquelle, ni un particulier, ni un souverain ne pouvait exclure une femme de son lit et en recevoir une autre sans la permission d'un pontife étranger.

Le pape Alexandre VI, souillé de débauches et de crimes, envoya en France ce fa-. meux César Borgia, l'un de ses bâtards, et le plus méchant homme de la chrétienté, chargé d'une bulle qui cassait le mariage du roi avec Jeanne, fille de Louis XI, et lui permettait d'épouser Anne de Bretagne. Le parlement ne fit d'autre démarche que celle d'aller en corps, suivant l'usage, au devant de César Borgia, légat à latere.

Louis XII donna le duché-pairie de Ne

vers à un étranger, à un seigneur de la maison de Clèves; c'était le premier exemple qu'on en eût en France.. Ni les pairs, ni le parlement n'en murmurèrent. Et lorsque Henri II fit duc et pair un Montmorenci, dont la maison valait bien celle de Clèves, il fallut vingt lettres de jussion pour faire enregistrer les lettres de ce duc de Montmorenci. C'est qu'il n'y eut aucun levain de fermentation du temps de Louis XII, et du temps de Henri II, tous les ordres de l'état commençaient à être échauffés et aigris.

que

CHAPITRE XIV.

Des grands changements faits sous Louis XII, trop négligés par la plupart des historiens.

LOUIS XII acheva d'établir la jurisprudence du grand conseil sédentaire à Paris. Il donna une forme au parlement de Normandie et à celui de Provence, sans que celui de Paris fut consulté sur ces établissements, ni qu'il en prît ombrage.

Presque tous nos historiens ont négligé jusqu'ici de faire mention de cette barrière éternelle que Louis XII mit entre la noblesse et la robe.

Les baillis et prévôts, presque tous chev liers, étaient les successeurs des anciens

comtes et vicomtes: ainsi le prévôt de Paris avait été souverain juge à la place des vicomtes de Paris.

royaume.

Les quatre grands-baillis, établis par SaintLouis, étaient les quatre grands-juges du Louis XI voulut que tous les baillis et prévôts ne pussent juger, s'ils n'étaient lettrés et gradués. La noblesse, qui eût cru déroger si elle eût su lire et écrire, ne profita pas du réglement de Louis XII. Les baillis conservèrent leur dignité et leur ignorance; des lieutenants lettrés jugèrent en leur nom, et leur ravirent toute leur autorité.

Copions ici un passage entier d'un auteur connu *).,,On payait quarante fois moins ,,d'épices qu'aujourd'hui. Il n'y avait dans ,,le bailliage de Paris que quarante-neuf ser,,gents, et à présent il y en a plus de cinq ,, cents. Il est vrai que Paris n'était pas la ,,cinquième partie de ce qu'il est de nos ,,jours; mais le nombre des officiers de jus,,tice s'est accru dans une bien plus grande proportion que Paris; et les maux, insé,,parables des grandes villes, ont augmenté ,,plus que le nombre des habitants."

,,I maintint l'usage où étaient les parle,,ments du royaume de choisir trois sujets ,,pour remplir une place vacante; le roi ,,nommait un des trois. Les dignités de la ,,robe n'étaient données alors qu'aux avo

*) Essai sur les Mœurs et l'Esprit des nations.

,,cats: elles étaient l'effet du mérite, ou de ,,la réputation, qui suppose le mérite. Son ,,édit de 1499, éternellement mémorable, et ,,que nos historiens n'auraient pas dû ou,,blier, a rendu sa mémoire chère à tous ,,ceux qui rendent la justice, et à ceux qui ,,l'aiment. Il ordonne par cet édit, qu'on ,,suive toujours la loi, malgré les ordres ,,contraires à la loi, que l'importunité pourrait arracher du monarque."

CHAPITRE XV.

Comment le Parlement se conduisit dans l'affaire du concordat.

LE règne de François fer fut un temps de prodigalité et de malheurs. S'il eut quelque éclat, ce fut par la renaissance des lettres, jusqu'alors méprisées. L'encouragement que Charles-Quint, François Ier et Léon X donnèrent à l'envi l'un de l'autre aux sciences et aux beaux-arts, rendit ce siècle mémora1 ble. La France commença pour lors à sortir pour quelque temps de la barbarie; mais les malheurs causés par les guerres et par la mauvaise administration, furent beaucoup plus grands que l'avantage de commencer à s'instruire ne fut considérable.

La première affaire dans laquelle le parlement entra avec une fermeté sage et respec

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