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En quoi donc était-il plus horrible que le siècle du grand schisme d'occident, et que celui d'Alexandre VI?

Théodora et Marozie gouvernèrent Rome: on installe des papes de douze ans, de dixhuit ans: Marozie donna le saint-siège au jeune Jean XI, qu'elle avait eu de son adultère avec le pape Sergius III. Mais je ne vois pas pourquoi tant d'historiens se sont déchaînés contre cet infortuné Jean XI. Il fut l'instrument de l'ambition de sa mère, et la victime de son frère. Il vécut, il mourut en prison. Il me paraît bien plus à plaindre que condamnable.

VI. Il est bien peu important que ce soit ce Jean XI, fils de Marozie, ou son petit fils Jean XII qui, le premier, ait changé de nom à son avénement au pontificat; mais j'oserai disculper un peu la mémoire de ce Jean XII, contre ceux qui l'ont tant diffamé pour s'être opposé à Othon-le-Grand, Il n'a certainement entrepris que ce qu'ont tenté tous les pontifes de Rome, quand ils l'ont pu, de soustraire Rome à une puissance étrangère.

Je paraîtrai hardi en disant qu'il avait plus de droit sur Rome que l'empereur Othon. Ce duc de Saxe n'était point du sang de Charlemagne. Jean XII était patrice. S'il avait pu chasser à la fois les Bérengers et les Othons, on lui eût érigé des statues dans sa patrie. On l'accuse d'avoir eu des maîtresses; étrange crime pour un jeune prince!

La plupart des autres chefs d'accusation, intentés contre lui devant l'empereur et le peuple romain, sont dignes de la superstitieuse ignorance de ces temps-là. On lui fait son procès pour avoir bu à la santé du diable: cette accusation ressemble à celles dont Grégoire IX et Innocent IV chargèrent Frédéric II.

VII. Doit-on compter parmi les empereurs ceux qui regnèrent depuis Arnould, batard de la maison de Charlemagne, jusqu'à Othon Ir? Ils ne furent que rois de Germanie. Il semble que les historiens ne les aient mis au catalogue des empereurs, que pour avoir une suite complète.

VIII. Louis IV, surnommé l'Enfant, étaitil bâtard comme son père? On convient que ses frères n'étaient pas légitimes. Hubner le met au même rang que ses frères, sans aucune distinction. Il est dit dans les Annales de Fulde, que la femme d'Arnould vécut mal avec son mari; qu'elle fut accusée d'adultère. Il est rapporté que, dans l'assemblée de Forkeim, les seigneurs statuèrent qu'un de ces frères de Louis-l'Enfant serait roi, s'il ne se trouvait point d'héritier né d'un mariage légitime.

Ces mêmes seigneurs, à la mort d'Arnould, produisirent Louis, âgé de sept ans. Il faut dont le regarder comme légitime; il faut donc dire dans les vers techniques: Louis, le fils d'Arnould, et non pas Louis batard d'Arnould.

IX. L'histoire moderne, et surtout celle du moyen âge, est devenue une mer immense pleine d'écueils, où les plus habiles se brisent. Le très-savant auteur *) de la Méthode pour étudier l'Histoire, répète encore la fable de l'adultère et du supplice de Marie d'Arragon, et du miracle opéré par une comtesse de Modène ; tandis que cette fable est traitée d'absurde par Struvius, qu'elle est si bien réfutée par Muratori.

et

Est-il possible qu'on trouve encore dans ses Tablettes chronologiques un archevêque de Mayence mangé par des rats! Mais ce ne sont pas là aujourd'hui les plus dangereux écueils de l'histoire.

Les Grecs et les Romains écrivaient tout ce qu'ils voulaient: on n'a aucun document qui les justifie, aucun qui les réfute. On les croit sur leur parole. Mais il faut à présent s'appuyer toujours sur des pièces originales. Il est plus difficile aujourd'hui d'écrire l'histore d'une province, que de compiler toute l'histoire ancienne.

X. C'est dans le choix de ces monuments que consiste le plus grand travail. Il n'y a que trop de matériaux à examiner, à employer, à rejeter.

Combien de fois nous a-t-on répété que le concile de Francfort, sous Charlemagne, avait mal interprêté l'adoration des images ordonnée par le second concile de Nicée !

L'abbé Lenglet du Fresnoy.

Cependant ce concile de Francfort condamne, au chapitre II, non seulement l'adoration, qui est un terme équivoque, mais servitium, le service, le culte, ce qui est la chose du monde la plus claire.

Que ce concile de Francfort ait été réformé depuis; qu'on ait introduit dans le nord de l'empire de Charlemagne une dis cipline différente, des usages plus conformes à la piété éclairée, ce n'est pas ce dont il s'agit. Il n'est question que de faire voir ici que c'est un point de fait, une vérité constante, que le concile de Francfort rejeta le culte des images.

XI. Je trouve un diplome d'Othon III, de l'an 998, dans lequel il condamne,,com,,me un mensonge, la donation de Con,,stantin et celle de Charles-le-Chauve," sans daigner dire seulement un mot des donations de Pepin, de Charlemagne et de Louis Ir. Que doit-on en conclure?

XII. Je vois dans le Golstad une constitution de Frédéric Barberousse, en faveur d'Aix-la-Chapelle; cette constitution rapporte tout au long une charte de Charlemagne.

Charlemagne s'y exprime ainsi:,,Vous ,,savez que, chassant un jour auprès de cette ,,ville, je trouvai les thermes et le palais que Granus, frère de Néron et d'Agrippa, avait ,,autrefois bâtis." Voilà, dit-on, pourquoi Aix est appelée Aquis grana.

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Ce diplome de Charlemagne ressemble au

discours de Trimalcion dans Pétrone, sur la guerre de Troie.

Le diplome est-il faux?

ou doit-on seu

lement accuser celui qui fait parler Charle

magne

?

Combien d'anciennes pièces non moins fausses! combien de suspectes! et qu'il est pardonnable de se tromper!.

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