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guère soutenir les prétenti ons de l'Empire, du côté du nord, avec plus de grandeur.

Jusque-là l'Empire avait paru comme entièrement détaché de l'Italie depuis Charles, Quint. La mort d'un duc de Mantoue, marquis de Montferrat, fit revivre ces anciens droits qu'on avait été hors de portée d'exercer. Ce duc de Mantoue, Vincent II, était mort sans enfants. Son gendre, Charles de Gonzague, duc de Nevers, prétendait la succession, en vertu de ses conventions matrimoniales. Son parent, César Gonzague, duc de Guastalle, avait reçu de l'empereur l'investiture éventuelle.

Le duc de Savoie, troisième prétendant, voulait exclure les deux autres, et le roi d'Espagne voulait les exclure tous trois. Le duc de Nevers avait déjà pris possession et se faisait reconnaître duc de Mantoue; mais le roi d'Espagne et le duc de Savoie s'unissent ensemble pour s'emparer, dans le Montferrat, de ce qui peut leur convenir.

L'empereur exerce alors, pour la première fois, son autorité en Italie; il envoie le comte de Nassau, en qualité de commissaire impériale, pour mettre en séquestre le Mantouan et le Montferrat, jusqu'à ce que le procès soit jugé à Vienne.

Ces procédures étaient inouïes en Italie depuis soixante ans. Il était visible que l'empereur voulait à la fois soutenir les anciens droits de l'Empire, et enrichir la branche d'Autriche espagnole de ces dépouilles.

Le ministère de France, qui épiait toutes les occasions de mettre une digue à la puissance autrichienne, secourt le duc de Mantoue; elle s'était déjà mêlée des affaires de la Valteline; elle avait empêché la branche d'Autriche espagnole de s'emparer de ce pays, qui eût ouvert une communication du Milanais au Tirol, et qui eût rejoint les deux branches d'Autriche par les Alpes, comme elles l'étaient par le Rhin, par les Pays-Bas. Le cardinal de Richelieu prend donc, dans cet esprit, le parti du duc de Mantoue.

Les Vénitiens, plus voisins et plus exposés, envoient dans le Mantouan une armée de quinze mille hommes. L'empereur déclare rebelles tous les vassaux de l'Empire, en Italie, qui prendront parti pour le duc. Le pape Urbain VIII est obligé de favoriser ces décrets.

Le pontificat alors était dépendant de la maison d'Autriche; et Ferdinand, qui se voyait à la tête de cette maison par sa dignité impériale, étoit regardé comme le plus puissant prince de l'Europe.

Les troupes allemandes, avec quelques regiments espagnols, prennent Mantoue d'assaut, et la ville est livrée au pillage.

Ferdinand, heureux partout, croit enfin que le temps est venu de rendre la puissance impériale despotique, et la religion catholique entièrement dominante. Par un édit de son conseil, il ordonne que les protestants restituent tous les biens ecclésiastiques dont

ils s'étaient emparés depuis le traité de Passau, signé par Charles-Quint. C'était porter le plus grand coup au parti protestant; il fallait rendre les archevêchés de Magdebourg et de Brême, les évêchés de Brandebourg, de Lebus, de Camin, d'Havelberg, de Lubeck, de Misnie, de Naumbourg, de Mersebourg, de Schwerin, de Minden, de Verden, de Halberstadt, une foule de bénéfices. Il n'y avait point de prince soit luthérien, soit calviniste, qui n'eût des biens de l'Église.

Alors les protestants n'ont plus de mesures å garder. L'électeur de Saxe, que l'espérance d'avoir Clèves et Juliers avait long-temps retenu, éclate enfin: cette espérance s'affaiblit d'autant plus que l'électeur de Brandebourg et le duc de Neubourg s'étaient accordés; le premier jouissait de Clèves paisiblement, et le second de Juliers, sans que l'empereur les inquiétat. Ainsi le duc de Saxe voyait ces provinces lui échapper, et allait perdre Magdebourg et le revenu de plusieurs évêchés.

L'empereur alors avait près de cent cinquante mille hommes en armes; la ligue catholique en avait environ trente mille. Les deux maisons d'Autriche étaient intimement unies. Le pape et toutes les églises catholiques encourageaient l'empereur dans son projet: la France ne pouvait encore s'y opposer ouvertement; et il ne paraissait pas qu'aucune puissance de l'Europe fût en état de le traverser. Le duc de Wallenstein, à la tête d'une puissante armée, commença par faire

exécuter l'édit de l'empereur dans la Souabe et dans le duché de Wirtemberg; mais les églises catholiques gagnaient peu à ces restitutions on prenait beaucoup aux protestants, les officiers de Wallenstein s'enrichissaient, et ses troupes vivaient aux dépens des deux partis, qui se plaignirent également.

(1630) Ferdinand se voyait précisément dans le cas de Charles-Quint, au temps de la ligue de Smalcalde. Il fallait ou que tous les princes de l'Empire fussent entièrement soumis, ou qu'il succombât; c'était la lutte du pouvoir impérial despotique contre le gouvernement féodal; et les peuples, pressés par ces deux colosses, étaient écrasés. L'électeur de Saxe se repentait alors d'avoir aidé à accabler le palatin; et ce fut lui qui, de concert avec les autres princes protestants, engagea secrètement Gustave-Adolphe, roi de Suède, à venir en Allemagne, au lieu du roi de Danemark, dont le secours avait été si inutile.

L'électeur de Bavière n'était guère plus attaché alors à l'empereur; il aurait voulu toujours commander les armées de l'Empire, et par là tenir Ferdinand lui-même dans la dépendance enfin il aspirait à se faire élire un jour roi des Romains, et négociait en secret avec la France, tandis que les protestants appelaient le roi de Suède.

Ferdinand assemble une diète à Ratisbonne; son dessein était de faire élire roi des Romains Ferdinand Ernest, son fils; il voulait enga

ger l'Empire à le seconder contre GustaveAdolphe, si ce roi venait en Allemagne; et contre la France, en cas qu'elle continuât à protéger contre lui le duc de Mantoue: mais, malgré sa puissance, il trouve si peu de bonne volonté dans l'esprit des électeurs, qu'il n'ose pas même proposer l'élection de son fils.

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Les électeurs de Saxe et de Brandebourg n'étant point venus à cette assemblée, y exposent leurs griefs par des députés. L'électeur de Bavière même est le premier à dire qu'on ne peut délibérer librement dans les diètes, tant que l'empereur aura cent cinquante mille hommes. Les électeurs ecclésiastiques et les évêques qui sont à la diete pressent la restitution des biens de l'Eglise ce projet ne peut se consommer qu'en conservant l'armée, et l'armée ne peut se conserver qu'aux dépens de l'Empire qui est en alarmes. L'électeur de Bavière, qui veut la commander, exige de Ferdinand la déposition du duc de Wallenstein. Ferdinand pouvait commander lui-même, et ôter ainsi tout prétexte à l'électeur de Bavière; il ne prit point ce parti glorieux: il ôta le commandement à Wallenstein, et le donna à Tilly: par là il acheva d'aliéner le Bavarois; il. eut des soldats et n'eut plus d'amis.

La puissance de Ferdinand II, qui faisait craindre aux états d'Allemagne leur perte prochaine, inquiétait en même temps la France, Venise, et jusqu'au pape. Le car

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