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SIXIÈME PÉRIODE. - PÉRIODE BYSANTINE.

(Depuis 306 jusqu'à la prise de Constantinople en 1453.)

Après la translation du siége de l'empire à Constantinople, les poètes pullulèrent dans la nouvelle capitale. Les empereurs, leurs épouses, leurs ministres, et leurs favoris, n'entreprirent rien, n'imaginèrent rien, ne dirent rien qui ne fût à l'instant célébré comme une merveille et élevé jusqu'aux cieux par la tourbe famélique des versificateurs; car ce nom leur convient beaucoup mieux que la qualité de poète. Ils formaient des corps ou bandes, ayant leurs préposés à la suite desquels ils se présentaient chez les grands aux jours anniversaires de leur naissance, ou à d'autres occasions solennelles, pour réciter leurs pitoyables vers. Ces misérables poètes doivent rester dans l'oubli avec leurs trop nombreux imitateurs.

APPENDICE

SUR LES ROMANS GRECS.

Origine des romans grecs. Fables milésiennes.

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que l'on voit au-delà de Thulé par Antoine Diogène. Les Babyloniques par Jamblique. Les amours de Théogène et de Chariclée par Héliodore. Les amours de Leucippe et de Clitophon par Achille Tatius. Les aventures de Théagène et de Charide. — Les amours d'Abrocome et d'Anthia par Xénophon d'Ephèse. - Daphnis et Chloé par Longus. Les amours d'Ismène et d'Isménias. Les amours de Rhodanthe et de Dosiclès. Les amours de Drosille et de Chariclès, par Nicétas

Eugénianus.

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Le docte Huet, en attribuant l'origine des romans à l'imagination des peuples asiatiques, suppose qu'ils furent importés assez tard dans la Grèce, et qu'ils y passèrent comme un fruit de la conquête de l'Orient. Les ouvrages qui nous restent sous le titre de romans grecs sembleraient justifier cette opinion, puisqu'ils appartiennent tous à des âges postérieurs à celui d'Alexandre, et sont nés dans la décadence littéraire de la Grèce. Mais il ne faut pas tirer de cette première apparence une induction trop exclusive. Peut-on supposer en effet qu'aucun genre d'imagination, qu'aucune forme de l'esprit ait été étrangère aux beaux jours de cette civilisation grecque si inventive et si raffinée? Non, sans doute. Mais la fiction romanesque se produisit alors sous des formes plus sévères et plus nobles, et se trouva bornée dans ses applications par l'état social des peuples et par la supériorité même de leur instinct poétique.

La Cyropédie de Xénophon est un véritable roman philosophique, comme le remarque Cicéron. Les faits y sont supposés ou distribués pour faire ressortir une instruction morale; c'est

le Télémaque réduit aux formes de l'histoire, et sans intervention mythologique. La belle fiction de l'Atlantide, dans Platon, présente un caractère à peu près semblable, et n'offre qu'un merveilleux puisé dans la tradition et les récits fabuleux des voyageurs. Mais on concevra sans peine que cette invention romanesque, qui ne fut pas négligée par deux philosophes éloquents, dans les plus beaux siècles d'Athènes, n'ait pas dû s'étendre alors à beaucoup d'autres sujets. Tout l'empire de la fiction était, pour ainsi dire, envahi par le polythéisme ingénieux des Grecs. Cette croyance devait suffire aux imaginations les plus vives; elle satisfaisait ce besoin de fables et de merveilleux si naturel à l'homme. Chaque fête, en rappelant les aventures des dieux, occupait les âmes curieuses par des récits qui ne laissaient point de place à d'autres étonnements. Le théâtre, dont les solennités n'étaient point affaiblies par l'habitude, frappait les esprits par ce mélange d'intervention divine et d'histoire héroïque, qui faisait son merveilleux et sa terreur. De plus, chez une nation si heureusement née pour les arts, la fiction appelait naturellement les vers; et l'on ne serait point descendu de ces belles fables, si bien chantées par les poètes, à des récits en prose qui n'auraient renfermé que des mensonges vulgaires. Remarquons d'ailleurs combien tout était public et occupé dans la vie de ces petites et glorieuses nations de la Grèce; il n'y avait pour personne de distraction privée ni de solitude. L'Etat se chargeait, pour ainsi dire, d'amuser les citoyens. Toute la Grèce courait aux jeux olympiques pour entendre Hérodote lire son histoire. A Athènes les fonds du théâtre étaient faits avant ceux de la flotte; et les affaires de la république, après avoir occupé les assemblées où tout homme libre prenait part, étaient régulièrement mises en comédie par Aristophane. Les fêtes sacrées, les jeux de la gymnastique, les délibérations politiques, les réunions de l'académie, les orateurs, les rhéteurs et les philosophes, se succédaient sans interruption, et tenaient les citoyens toujours animés et réunis. Dans cette existence si vive, il n'y avait ni satiété ni langueur.

Sous d'autres rapports, cette forme de société fournissait peu à l'imitation des mœurs privées et à la fiction romanes

que. La civilisation quoique prodigieusement spirituelle et corrompue, était plus simple que la nôtre. L'esclavage domestique formait une première et grande uniformité: le reste de la vie des citoyens se passant sur la place publique, était trop ouvert à tous les yeux, pour que l'on y pût supposer avec vraisemblance quelque aventure extraordinaire, quelque grande singularité de caractère ou de destinée; enfin la condition inférieure des femmes, leur vie retirée, affaiblissaient la puissance de cette passion qui joue un si grand rôle dans les romans modernes.

Puisque nous avons perdu Ménandre, nous ne saurions dire assez nettement jusqu'à quel point la vie privée des Athéniens pouvait offrir des nuances originales à l'époque où ce poète écrivait, c'est-à-dire après la destruction du gouvernement populaire, et sous l'influence de la conquête macédonienne. La comédie, tel que Ménandre paraît l'avoir conçue, touche de trop près au roman moral, pour ne pas croire qu'une société qui a pu inspirer l'une, pouvait aussi servir de texte à l'autre. Si nous conjecturons le génie de Ménandre d'après Térence, son imitateur, la fiction dans les choses de la vie commune était alors peu variée; l'amour ne s'adressait qu'à des courtisanes; et le nœud romanesque était presque toujours l'exposition ou l'enlèvement d'un enfant qui finit par retrouver ses parents. Cependant, pour ne choisir qu'un exemple, la pièce de Térence intitulée l'Heautontimorumenos, cette situation d'un père qui d'abord injuste parce qu'il fut trompé, regrette son fils qu'il a éloigné, et le punit de sa faute par une vie dure et solitaire, présenterait un récit plein de naturel et d'intérêt. Il est difficile de croire que, dans l'antiquité, le siècle où la nouvelle comédie, c'est-à-dire la comédie des mœurs, fut cultivée par Ménandre, par Philémon et par d'autres, n'ait pas vu naître plusieurs productions ingénieuses écrites en prose, et destinées à peindre pour les lecteurs, et sous la forme d'un récit, des personnages fictifs et des mœurs véritables, tels qu'on les représentait sur le théâtre.

Un genre de fiction romanesque dans lequel il n'est pas douteux du moins que les Grecs se soient exercés, c'est l'allégorie.

Plutarque nous apprend qu'Héraclide avait composé, sous le nom du fabuleux Abaris, un livre dans lequel les opinions des philosophes sur la nature de l'âme se trouvaient mêlées à des contes faits à plaisir.

Une autre production que l'on peut regarder comme une dépendance des romans, ce furent les fables milésiennes. C'étaient de petites fictions assez semblables à nos fabliaux, et qui respiraient toute la mollesse de mœurs entretenue par le beau climat de l'Ionie. Un certain Aristide de Milet avait écrit dans ce genre un recueil célèbre. Cette corruption, qui, du reste, ne devait sembler guère nouvelle aux spectateurs des comédies d'Aristophane, gagna toute la Grèce, et fut portée dans l'Italie encore républicaine. L'historien Sisenna avait traduit en latin le livre d'Aristide; et Plutarque nous raconte qu'après la défaite de Crassus, le général des Parthes trouva cet ouvrage dans le bagage militaire d'un officier romain, et qu'il le fit porter à Séleucie, pour le montrer à l'assemblée de la nation comme une preuve de la décadence et des vices de leurs ennemis.

Ces fables milésiennes étaient fort vantées pour les grâces et la naïveté du style. Le nom en resta dans la langue latine, pour exprimer des récits enjoués et libres. Un empereur romain peu connu dans l'histoire, Albinus, avait écrit dans ce genre, déjà cultivé par beaucoup d'écrivains, quelques contes dont le succès dura même après son règne. Il est douteux que toute cette littérature ait jamais produit quelque chose de plus ingénieux et de plus délicat que la fable de Psyché, qui fut pourtant écrite dans la barbarie commencée du Ive siècle, et à laquelle Apulée donna aussi le nom de fable milésienne, soit qu'il fut l'inventeur ou le traducteur de ce charmant récit.

Il nous est resté un petit recueil composé sous l'empire d'Auguste par un Grec, Parthénius de Nicée, qui paraît avoir puisé dans les récits de conteurs plus anciens. Mais le style de ce Grec et le choix de ses histoires ne peuvent donner qu'une bien faible idée des originaux perdus avec tant de chefs-d'œeuvre d'un caractère plus grave et plus digne de nos regrets. Parthénius est un abréviateur assez maladroit. Il a cependant conservé, parmi plusieurs contes mythologiques d'un intérêt

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