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Adieu, qu'un ange t'accompagne
Et te garde dans le chemin !
Adieu tu chercheras demain
Ta pauvre mère de Bretagne.
Pourquoi n'es-tu pas mon enfant ?
Ici, le bon Dieu nous défend
D'éloigner les fils qu'il nous donne ;
Pour eux il nous dit de souffrir:
Aussi nous aimons mieux mourir
Que de les céder à personne.

Va cependant, va, mon chéri,
Puisque ta mère te réclame;
Va réjouir une autre femme,
Dont le sein ne t'a pas nourri.

EN LIMOUSIN.

Les

Voici un doux pays, un pays aux douces montagnes. Alpes sont tristes, les Pyrénées joyeuses. Dans les Alpes le soleil parfois semble s'éteindre; il ne peut descendre au

fond de ces vallées qui pleurent et de ces ravins d'où monte le froid. Il rit dans les Pyrénées; il teint de rose des sommets qui se laissent fouler par le pied de l'homme, mais qui refusent le labeur de ses mains. Les douces montagnes du Limousin.sont humaines. Elles appartiennent à l'homme, elles produisent pour lui. D'échelon en échelon, il y fait monter ses troupeaux, il y mène sa charrue.

La haute partie du Limousin, serviable encore, mais plus sauvage, est celle qui tire son nom de la Corréze, rivière bien nommée, Corrèze coureuse. Elle court. Elle prend son élan, bondit et se remet à courir. On pourrait aussi l'appeler la Chanteuse; elle ne court pas sans chanter. Quel chant vivant, aimable, parfois éclatant! Lorsqu'elle s'élance pour franchir un obstacle, ou lorsqu'un rocher du bord veut l'arrêter, sa robe verte s'entr'ouvre, il en jaillit des perles; la coureuse les laisse, et elle court. Elle s'enfonce sous les berceaux de châtaigniers, elle tourne aux flancs des hautes collines, elle caresse les grandes herbes, courant, dansant, chantant, et les grands bestiaux la regardent courir. Oh! la belle coureuse ! On voit sur la route l'eau s'échapper de rochers en filets d'argent, et courir, et se précipiter, et la rejoindre. Et elle va toujours, presque contente, et nous ne pouvons nous tenir de lui jeter des genêts fleuris, des bruyères, des mauves, pour qu'elle les emporte. A quelle fête vas-tu si joyeusement? Prends du moins ces parures. L. Veuillot.

LOUIS XIV. ET LE COURTISAN.

Il faut que je vous conte une petite historiette qui est très vraie, et qui vous divertira. Le roi se mêle depuis peu de faire des vers M.M. de Saint-Aignan et Dangeau lui apprennent comment il faut s'y prendre. Il fit l'autre jour un petit madrigal que lui-même ne trouva pas joli. Un matin, il dit au maréchal

de Gramont: "Monsieur le Maréchal, lisez, je vous prie, ce petit madrigal, et voyez si vous en avez jamais vu de si impertinent: parce qu'on sait que depuis peu j'aime les vers, on m'en apporte de toutes les façons." Le maréchal, après avoir lu, dit au roi: "Sire, votre Majesté juge divinement bien de toutes choses; il est vrai que voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que j'ais jamais lu." Le roi se mit à rire et lui dit: "N'est-il pas vrai que celui qui l'a fait est bien fat? Sire, il n'y a pas moyen de lui donner un autre nom. Oh! bien, dit le roi, je suis ravi que vous m'en ayez parlé si bonnement: c'est moi qui l'ai fait. Ah! Sire, quelle trahison! Que votre Majesté me le rende, je l'ai lu brusquement. — Non, monsieur le Maréchal; les premiers sentiments sont toujours les plus naturels." Le roi a fort ri de cette folie, et tout le monde trouve que voilà la plus cruelle chose que l'on puisse faire à un vieux courtisan. Pour moi, qui aime toujours à faire des réflexions, je voudrais que le roi en fît là-dessus, et qu'il jugeât par là combien il est loin de connaître jamais la vérité. Mme. Sévigné.

LE CHAT ET LE VIEUX RAT.

J'ai lu chez un conteur de fables,

Qu'un second Rodilard, l'Alexandre des chats,
L'Attila, le fléau des rats,

Rendait ces derniers misérables:

J'ai lu, dis-je, en certain auteur,

Que ce chat exterminateur,

Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde :
Il voulait de souris dépeupler tout le monde.
Les planche qu'on suspend sur un léger appui,
La mort aux rats, les souricières,

N'étaient que jeux au prix de lui.

Comme il voit que dans leurs tanières,

Les souris étaient prisonnières;

Qu'elles n'osaient sortir; qu'il avait beau chercher;
Le galant fait le mort, et, du haut d'un plancher,
Se pend la tête en bas; la bête scélérate

A de certains cordons se tenait par la patte.
Le peuple des souris croit que c'est châtiment,
Qu'il à fait un larcin de rôt ou de fromage,
Egratigné quelqu'un, causé quelque dommage;
Enfin, qu'on a pendu le mauvais garnement.
Toutes, dis-je, unanimement

Se promettent de rire à son enterrement,
Mettent le nez à l'air, montrent un peu la tête,
Puis rentrent dans leurs nids à rats,
Puis, ressortant, font quatre pas,

Puis enfin se mettent en quête.
Mais voici bien d'une autre fête ;

Le pendu ressucite, et, sur ses pieds tombant,
Attrape les plus paresseuses.

Nous en savons plus d'un, dit-il, en les gobant:

C'est tour de vieille guerre; et vos cavernes creuses Ne vous sauveront pas, je vous en avertis ;

Vous viendrez toutes au logis.

Il prophètisait vrai; notre Maître Mitis, Pour la seconde fois les trompe et les affine, Blanchit sa robe et s'enfarine;

Et, de la sorte déguisé,

Se niche et se blottit dans une huche ouverte.

Ce fut à lui bien avisé :

La gent trotte-menu s'en vient chercher sa perte.
Un rat, sans plus, s'abstient d'aller flairer autour:
C'était un vieux routier, il savait plus d'un tour;
Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille,
S'écria-t-il de loin au général des chats:

Je soupçonne encor dessous quelque machine,
Rien ne te sert d'être farine ;

Car, quand tu serais sac, je n'approcherais pas.

Il était expérimenté,

Et savait que la méfiance

Est mère de la sûreté.

La Fontaine.

LA BENEDICTION D'UN VIEILLARD.

THIERS (ADOLPHE).

1797-1877.

Orateur célèbre, illustre homme d'état, il travailla à la chute de la Restauration. Louis-Philippe lui confia plusieurs offices importants; en 1863, il défendit le pouvoir temporel du pape; en 1871, il fut choisi président de la République française par l'Assemblée nationale. Il publia l'histoire de la Révolution française, ouvrage entaché de fatalisme; l'histoire du Consulat et de l'empire, quoique meilleur, est loin de mériter les éloges qu'on lui a donnés.

Pie VII. était logé aux Tuileries, libre de se livrer à ses goûts, modestes et religieux, mais environné, quand il sortait, de tous les attributs de la souveraine puissance, escorté par la garde impériale, comblé en un mot des plus grands honneurs. Son intéressante figure, ses vertus presque visibles dans sa personne avaient touché vivement la population parisienne, qui le suivait partout avec un mélange de curiosité, de sympathie et de respect. Il parcourait tour à tour les paroisses de Paris, où il officiait au milieu d'une affluence extraordinaire. Sa présence augmentait l'impulsion religieuse que Napoléon s'était attaché d'imprimer aux esprits. Le saint pontife en était heureux. Il visitait les monuments publics, les musées enrichis par Napoléon, et semblait s'intéresser lui-même aux

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