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Ni mon sommeil ne sont en proie.

Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux;
Sur des fronts abattus mon aspect dans ces lieux
Ranime presque de la joie.

Mon beau voyage encore est si loin de la fin!
Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin
J'ai passé les premiers à peine;

Au banquet de la vie à peine commencé
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
La coupe en mes mains encore pleine.

Je ne suis qu'au printemps: je veux voir la moisson, Et, come le soleil, de saison en saison,

Je veux achever mon année.

Brillante sur ma tige, et l'honneur du jardin,

Je n'ai vu luire encor que les feux du matin :

Je veux achever ma journée.

Ô mort! tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi :
Va consoler les cœurs que la honte, l'effroi,
Le pâle Désespoir dévore.

Pour moi Pales encore a des aisiles verts,
Les vallons des échos, les muses des concerts:
Je ne veux pas mourir encore.

Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S'éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix,
Ces vœux d'une jeune captive;

Et secouant le joug de mes jours languissants,
Aux douces lois des vers je pliais les accents
De sa bouche aimable et naïve.

Ces chants, de ma prison témoins harmonieux,
Feront à quelque amant des loisirs studieux

Chercher quelle fut cette belle.

La grâce décorait son front et ses discours ;

Et comme elle, craindront de voir finir leurs jours,
Ceux qui les passeront près d'elle.

LA PAUVRE FILLE QUI N'A PAS CONNU SA MERE.

SOUMET (ALEXANDRE).

1794-1845.

Dès l'âge de sept ans Soumet fit des vers.

Poète lyrique,

dramatique et épique, il s'est distingué par un coloris brillant et une harmonie soutenue. On a de lui un poème sur l'Incrédulité son premier ouvrage - Saul, Clytemnestre, Cléopâtre, mais La divine Epopée est répréhensible pour la foi.

J'ai fui ce pénible sommeil

Qu'aucun songe heureux n'accompagne ;

J'ai devancé sur la montagne

Les premiers rayons du soleil.

S'éveillant avec la nature,

Le jeune oiseau chantait sur l'aubépine en fleurs; Sa mère lui portait sa douce nourriture;

Mes yeux se sont mouillés de pleurs !

Oh! pourquoi n'ai-je pas de mère?

Pourquoi ne suis-je pas semblable au jeune oiseau Dont le nid se balance aux branches de l'ormeau ? Rien ne m'appartient sur la terre;

Je n'ai pas même de berceau;

Et je suis un enfant trouvé sur une pierre

Devant l'église du hameau.

Loin de mes parents exilée,

De leurs embrassements j'ignore la douceur, Et les enfants de la vallée

Ne m'appellent jamais leur sœur !

Je ne partage point les jeux de la veillée;
Jamais sous son toit de feuillée

Le joyeux laboureur ne m'invite à m'asseoir :
Et de loin je vois sa famille,
Autour du sarment qui pétille,

Chercher sur ses genoux les caresses du soir.

Vers la chapelle hospitalière

En pleurant j'adresse mes pas;

La seule demeure ici-bas

Où je ne sois point étrangère,

La seule devant moi qui ne se ferme pas !

Souvent je contemple la pierre

Où commencèrent mes douleurs :

J'y cherche la trace des pleurs

Qu'en m'y laissant peut-être y repandit ma mère.

Souvent aussi mes pas errants

Parcourent des tombeaux l'asile solitaire ;

Mais pour moi les tombeaux sont tous indifférents, La pauvre fille est sans parents

Au milieu des cercueils, ainsi que sur la terre.

J'ai pleuré quatorze printemps

Loin des bras qui m'ont repoussée ;

Reviens, ma mère, je t'attends

Sur la pierre où tu m'as laissée.

La pauvre fille, hélas! n'attendit pas longtemps: Plaintive, elle mourut en priant pour sa mère.

On dit qu'une femme étrangère

Un jour, le front voilé, parut dans le hameau.
On conduisit ses pas vers l'humble cimetière ;
Mais, parmi les gazons et l'épaisse bruyère,
On ne put découvrir la trace du tombeau.

L'ADIEU DE LA NOURRICE.

VIOLEAU (HIPPOLYTE).

1818.

Tous les ouvrages de ce vrai Breton révèlent une âme pure et chretienne. Son inspiration, c'est le saint amour du foyer, animé par une religion simple et forte. Tous ses écrits sont pleins des plus nobles sentiments.

Voici l'heure! Au seuil de ma porte
S'arrête l'âne du meunier.

A ta mère, dans son panier,

Pauvre ange, il faut qu'on te rapporte.

Hélas! tes frères affligés,

Autour de ton berceau rangés

Pleurent et ne peuvent comprendre

Pour quoi celle qui m'a donné

Son petit enfant nouveau-né
Veut aujourd'hui me le reprendre !

Va cependant, va, mon chéri,
Puisque ta mère te réclame ;
Va réjouir une autre femme
Dont le sein ne t'a point nourri.

Devant le fagot de bruyère

Où je réchauffais tes pieds nus,

!

Avec toi je ne viendrai plus
M'asseoir au foyer sur la pierre.
Ta mère prendra soin de toi;
Mais saura-t-elle, comme moi,
D'eau bénite asperger tes langes
Et renouveler chaque soir
Le petit morceau de pain noir
Qui préserve des mauvais anges?

Va cependant . .

Tu me regretteras sans doute,

Et, lorsqu'aux champs tu reviendras,

Peut-être tu reconnaitras

Ma cabane au bord de la route.
Si tu pouvais te souvenir !
Tiens, regarde bien le men-hir,
Et la croix où l'oiseau se pose!
Là, des genêts aux grappes d'or!
Ici, des champs de trèfle rose !

Va cependant

Mais ta mère craint ma tendresse :
Ah! tu ne reviendras jamais!
En disant combien je t'aimais

Elle accuserait sa faiblesse.
On ne voit point l'oiseau léger
Livrer au soin d'un étranger
Son nid caché sous la charmille.
En vain tout refleurit aux champs,
Parmi les trésors du printemps
Il ne voit que sa famille.

Va cependant . . .

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