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Droit au logis s'en retourna :

Que bien, que mal, elle arriva. Sans autre aventure fâcheuse.

Voilà nos gens rejoints, et je laisse à penser De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines. Amis, heureux amis, voulez-vous voyager?

Que ce soit aux rives prochaines.

Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau.

La Fontaine.

LA TABLE.

Bernardine, est-ce que la table est mise?-Oui, Madame; il y a tout ce qu'il faut des verres, des tasses, des couteaux, des fourchettes, des cuillers, une grande cuillère à soupe. Où avez-vous mis le porte-bouteille et la carafe? - Tout près de la place de Monsieur. Il faut mettre une serviette avec une rond de serviette à chaque place. Ensuite, vous mettrez l'huilier et le moutardier au milieu de la table. - Il faut une salière et une poivrière pour chaque convive. - Vous mettrez sur la petite table un sucrier et les pinces à sucre, des tasses et des soucoupes, un pot au lait, une théière; ensuite vous rangerez l'argenterie sur le buffet. Maintenant, en guise de récréation, je vais vous lire la carte du déjêuner d'un Ministre :

Consommé aux perles de Japon.
Eufs brouillés aux truffes.

Tourne-dos de filets grillés à la Bordelaise.
Poulets du Mans à l'estragon.
Riz aux Carik.

Cailles rôties sur canapés.

Salade de laitues.

Mouisses de foies gras en Bellevue.
Poinies d'asperges au suprème.

Glace marquise au chocolat.

-Ce serait fort à désirer que notre cuisinier apprît à lire.Et surtout à faire la cuisine.

LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS.

Autrefois le rat de ville

Invita le rat des champs,
D'une façon fort civile,

A des reliefs d'ortolans.

Sur un tapis de Turquie

Le couvert se trouva mis;

Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.

Le régal fut fort honnête,

Rien ne manquait au festin
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étaient en train.

A la porte de la salle

Ils entendirent du bruit;

Le rat de ville détale,

Son camarade le suit.

Le bruit cesse, on se retire;
Rats en campagne aussitôt,

Et le citadin de dire:

Achevons tout notre rôt.

C'est assez, dit le rustique;
Demain, vous viendrez chez moi;
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi;

Mais rien ne vient m'interrompre ;
Je mange tout à loisir.

Adieu donc. Fi du plaisir

Que la crainte peut corrompre.

La Fontaine,

PRESENCE D'ESPRIT D'ESOPE.

Xantus avait envoyé Ésope en certain endroit. Celui-ci rencontra en chemin le magistrat qui lui demanda où il allait. Soit qu'Esope fût distrait, ou pour quelque autre raison, il répondit qu'il n'en savait rien. Le magistrat, tenant à mépris et irrévérence cette réponse, le fit mener en prison. Comme les 'huissiers le conduisaient: Ne voyez-vous pas, dit-il, que j'ai très-bien répondu! Savais-je qu'on me ferait aller où je vais? Le magistrat le fit relâcher, et trouva Xantus heureux d'avoir un esclave si plein d'esprit. Xantus, de sa part, voyait par là de quelle importance il lui était de ne point affranchir Ésope et combien la possession d'un tel esclave lui faisait honneur. Même, un jour qu'il faisait la débauche avec ses disciples, Ésope, qui les servait, vit que les fumées leur échauffaient déjà la cervelle, aussi bien au maître qu'aux écoliers. La débauche de vin, leur dit-il, a trois degrés : le premier, de voluptés; le second, d'ivrognerie; le troisième, de fureur. On se moqua de son observation, et on continua de vider les pots. Xantus s'en donna jusqu'à perdre la raison, et à se vanter qu'il boirait la mer. Cela fit rire la compagnie. Xantus soutint ce qu'il avait dit, gagea sa maison qu'il boirait la mer entière; et, pour assurance de la gageure, il déposa l'anneau qu'il avait au doigt.

Le jour suivant, quand les vapeurs de Bacchus furent dissipées, Xantus fut extrêmement supris de ne plus trouver son anneau, lequel il tenait fort cher. Ésope lui dit qu'il était perdu, et que sa maison l'était aussi, par la gageure qu'il avait faite. Voilà le philosophe bien alarmé; il pria Ésope de lui enseigner une défaite. Ésope s'avisa de celle-ci :

Quand le jour que l'on avait pris pour l'exécution de la gageure fut arrivé, tout le peuple de Samos accourut au rivage de la mer pour être témoin de la honte du philosophe. Celui de ses disciples qui avait gagé contre lui triomphait déjà. Xantus dit à l'assemblée: Messieurs, j'ai gagé véritablement que je boirais toute la mer, mais non pas les fleuves qui entrent dedans; c'est pourquoi, que celui qui a gagé contre moi, détourne leur cours, et puis je ferai ce que je me suis engagé de faire.

Chacun admira l'expédient que Xantus avait trouvé pour sortir, à son honneur, d'un si mauvais pas. Le disciple confessa qu'il était vaincu, et demanda pardon à son maître. Xantus fut reconduit jusqu'en son logis avec acclamation. La Fontaine. Planude.

LA FLEUR.

ARNAULT (ANTOINE-VINCENT).

1766-1834.

Arnault joua un certain rôle politique sous le consulat et l'empire. Il a publié un recueil de Fables assez estimé; mais il doit sa célébrité littéraire surtout à ses tragédies: Marius à Minturnes les Vénitiens Germanicus. Ces pièces parurent sous la Restauration ; les allusions politiques qu'elles contiennent, leur obtinrent un grand succès.

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De ta tige détachée,

Pauvre feuille desséchée,

Où vas-tu? Je n'en sais rien.
L'orage a brisé le chêne.
Qui seul était mon soutien.
De son inconstante haleine,
Le zéphyr ou l'aquilon,
Depuis ce jour, me promène
De la forêt à la plaine,
De la montagne au vallon;
Je vais où le vent me mène,
Sans me plaindre ou m'effrayer ;
Je vais où va toute chose,
Et la feuille de rose,

Et la feuille de laurier.

LE CORDONNIER.

...

Bonjour, Monsieur. Bonjour, Monsieur. Je voudrais une paire de souliers, ou une paire de bottes. -Très bien; voici des bottes surfines; voulez-vous les essayer? - L'entrée est un peu étroite. - Laissez-moi mettre un peu de poudre, et vous entrerez facilement. Tirez plus fort. - Je crains de casser les tirants. – N'ayez pas peur; tirez et frappez du pied . . . c'est cela . . . vous y êtes. - Ne sontelles pas un peu trop longues? - Elles sont comme on les porte à présent. Il faut que les doigts du pied puissent se mouvoir librement, si vous ne voulez pas avoir des cors aux pieds. — Donnez-moi le tire-botte; je vais me débotter. — Voyez comme elles sont bien faites — quelles tiges — quelle empeigne et quelles semelles! Donnez-moi toujours de la bonne marchandise et vous aurez toujours ma pratique. Ne vous ai-je pas commandé aussi une paire de souliers? - Pardon, Monsieur, les voici. Donnez-moi le chausse-pied . . . ils sont trop étroits du talon et du cou-de-pied: ils me blessent

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