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Répète, en cheminant, les chansons de ta mère,
Que ta mère chantait autour de ton berceau.

"Si ma force première encor m'était donnée,
J'irais, te conduisant moi-même par la main :
Mais je n'atteindrais pas la troisième journée,
Il faudrait me laisser bientôt sur ton chemin ;
Et moi, je veux mourir aux lieux où je suis née.

"Maintenant de ta mère entends le dernier vœu :
Souviens-toi, si tu veux que Dieu ne t'abandonne,
Que le seul bien du pauvre est le peu qu'on lui donne.
Prie, et demande au riche: il donne au nom de Dieu.
Ton père le disait; sois plus heureux: adieu."

Mais le soleil tombait des montagnes prochaines;
Et la mère avait dit: Il faut nous séparer;
Et l'enfant s'en allait à travers les grands chênes,
Se tournant quelquefois et n'osant pas pleurer.

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"J'ai faim: vous qui passez, daignez me secourir.
Voyez; la neige tombe, et la terre est glacée.
J'ai froid: le vent se lève, et l'heure est avancée,
Et je n'ai rien pour me couvrir.

"Tandis qu'en vos palais tout flatte votre envie,
A genoux sur le seuil, j'y pleure bien souvent.
Donnez: peu me suffit; je ne suis qu'un enfant;
Un petit sou me rend la vie.

"On m'a dit qu'à Paris je trouverais du pain ;
Plusieurs ont raconté dans nos forêts lointaines
Qu'ici le riche aidait le pauvre dans ses peines;
Eh bien, moi, je suis pauvre, et je vous tends la main.

"Faites-moi gagner mon salaire :

Où me faut-il courir? Dites, j'y volerai.

Ma voix tremble de froid; eh bien, je chanterai,
Si mes chansons peuvent vous plaire.

"Il ne m'écoute pas, il fuit;

Il court dans une fête (et j'en entends le bruit)
Finir son heureuse journée ;

Et moi, je vais chercher, pour y passer la nuit,
Cette guérite abandonnée.

"Au foyer paternel quand pourrai-je m'asseoir
Rendez-moi ma pauvre chaumière,

Le laitage durci qu'on partageait le soir,
Et, quand la nuit tombait, l'heure de la prière
Qui ne s'achevait pas sans laisser quelque espoir.

"Ma mère, tu m'as dit, quand j'ai fui ta demeure : Pars; grandis et prospère, et reviens près de moi. . . Hélas! et tout petit, faudra-t-il que je meure

Sans avoir rien gagné pour toi?

"Non, l'on ne meurt point à mon âge;

Quelque chose me dit de reprendre courage.

Eh! que sert d'espérer ? . . que puis-je attendre enfin? ... J'avais une marmotte; elle est morte de faim."

Et, faible, sur la terre il reposait sa tête ;
Et la neige, en tombant, le couvrait à demi,
Lorsqu'une douce voix, à travers la tempête,
Vint réveiller l'enfant par le froid endormi.

"Qu'il vienne à nous celui qui pleure, Disait la voix au murmure des vents;

L'heure du péril est notre heure,

Les orphelins sont nos enfants."

Et deux femmes en deuil recueillaient sa misère.
Lui, docile et confus, se levait à leur voix ;
Il s'étonnait d'abord; mais il vit dans leurs doigts
Briller la croix d'argent au bout de leur rosaire ;
Et l'enfant les suivit en se signant deux fois.

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Avec leurs grands sommets, leurs glaces éternelles,
Par un soleil d'été, que les Alpes sont belles !
Tout dans leurs frais vallons sert à nous enchanter,
La verdure, les eaux, les bois, les fleurs nouvelles :
Heureux qui sur ces bords peut longtemps s'arrêter!
Heureux qui les revoit, s'il a pu les quitter !

Seul, loin dans la vallée, un bâton à la main,
Qui va de France à la Savoie?

Quel est ce voyageur que l'été leur renvoie?
C'est un enfant : il marche, il suit le long chemin.

Bientôt de la colline il prend l'étroit sentier :
Il a mis, ce matin, la bure du dimanche,

Et dans son sac de toile blanche,

Est un pain de froment qu'il garde tout entier.

Pourquoi tant se hâter à sa course dernière?
C'est que le pauvre enfant veut gravir le coteau,
Et ne point s'arrêter qu'il n'ait vu son hameau
Et n'ait reconnu sa chaumière.

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Les voilà! tels encor qu'il les a vus toujours, Ces grands bois, ce ruisseau qui fuit sous le feuillage.

Il ne se souvient plus qu'il a marché dix jours:
Il est si près de son village!

Tout joyeux il arrive et regarde. . . . Mais quoi !
Personne ne l'attend! sa chaumière est fermée !
Pourtant du toit aigu sort un peu de fumée ;

Et l'enfant plein ne trouble: "Ouvrez, dit-il, c'est moi."

La porte cède; il entre: et sa mère attendrie,
Sa mère, qu'un long mal près du foyer retient,
Se relève à moitié, tend les bras, et s'écrie:
"N'est-ce pas mon fils qui revient?"

Son fils est dans ses bras, qui pleure et qui l'appelle :
"Je suis infirme, hélas! Dieu m'afflige, dit-elle ;
Et depuis quelques jours je te l'ai fait savoir,
Car je ne voulais pas mourir sans te revoir."

Mais lui: "De votre enfant vous étiez éloignée,
Le voilà qui revient; ayez des jours contents;
Vivez je suis grandi, vous serez bien soignée;
Nous sommes riches pour longtemps."

Et les mains de l'enfant, des siennes détachées,
Jetaient sur ses genoux tout ce qu'il possédait,
Les trois pièces d'argent dans sa veste cachées,
Et le pain de froment que pour elle il gardait.

Sa mère l'embrassait et respirait à peine;
Et son œil se fixait, de larmes obscurci,
Sur un grand crucifix de chêne

Suspendu devant elle et par le temps noirci.

"C'est lui, je le savais, le Dieu des pauvres mères Et des petits enfants, qui du mien a pris soin;

Lui, qui me consolait quand mes plaintes amères
Appelaient mon fils de si loin.

"C'est le Christ du foyer, que les mères implorent,
Qui sauve nos enfants du froid et de la faim.
Nous gardons nos agneaux, et les loups les dévorent;
Nos fils s'en vont tout seuls, et reviennent enfin.

"Toi, mon fils, maintenant me seras-tu fidèle ?
Ta pauvre mère infirme a besoin de secours ;
Elle mourrait sans toi." L'enfant, à ce discours,
Grave et joignant ses mains, tombe à genoux près d'elle,
Disant: "Que le bon Dieu vous fasse de longs jours!"

LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE.

Un mal qui répand la terreur,

Mal que le ciel en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,

Faisait aux animaux la guerre.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'envoyait point d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante vie :

Nuls mets n'excitaient leur envie

Ni loup, ni renard n'épiaient
La douce et l'innocente proie:

Les tourterelles se fuyaient;

Plus d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit: Mes chers amis

Je crois que le ciel a permis

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