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et pour ce sujet me persuadent que M. Voëtius (ou rector magnificus, ou recteur magnifique, etc.; donnez-lui les titres les plus obligeants et les plus avantageux que vous pourrez), ayant été averti de cette calomnie, en a voulu toucher un mot ici en passant, afin de me donner occasion de m'en purger; ce que je ferai facilement, en faisant voir que je ne manque pas d'expliquer tous les termes de ma profession, lorsque les occasions s'en présentent, bien que j'aie encore plus de soin d'expliquer les choses; et je veux bien confesser que d'autant que je me sers de raisons qui sont très évidentes et très intelligibles à ceux qui ont seulement le sens commun, je n'ai pas besoin de beaucoup de termes étrangers pour les faire entendre; et ainsi, qu'on peut bien plus tôt avoir appris les vérités que j'enseigne, et trouver son esprit satisfait touchant les principales difficultés de la philosophie, qu'on ne peut avoir appris tous les termes dont les autres se servent pour expliquer leurs opinions touchant les mêmes difficultés de la Philosophie, et avec tous lesquels ils ne satisfont jamais ainsi les esprits qui se servent de leur raisonnement naturel, mais les remplissent seulement de doutes et de nuages; et enfin que je ne laisse pas d'enseigner aussi les termes qui me sont inutiles, et que, les faisant entendre en leur vrai sens, celerius a me quam vulgo

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ab aliis discuntur, on les apprend en moins de temps de moi que du commun des philosophes : ce que je puis prouver par l'expérience que plusieurs de mes auditeurs ont faite, et dont ils ont rendu preuve en disputant publiquement, après n'avoir étudié que tant de mois, etc. Or je m'assure qu'il n'y a personne de bon sens qui ose dire qu'il n'y a rien à blâmer en tout ceci, ni même qui ne soit grandement à priser: etsi enim sæpe hinc contingat, ut qui mea audiverunt, ea quæ ab aliis in contrarium docentur ut minus rationi consentanea, contemnant, vel etiamsi placet exsibilent: et s'il arrive souvent de là que ceux qui ont pris mes leçons méprisent ou, si vous voulez, sifflent ce que les professeurs enseignent de contraire à mes sentiments, comme moins conforme à la raison, on n'en doit pas rejeter la faute sur ma manière d'enseigner, mais plutôt sur celle des autres, et les conduire à suivre la mienne autant qu'il leur sera possible, plutôt que de la calomnier, et velle ipsam calumnia sua obruere, et vouloir l'ensevelir sous des ruines si odieuses.

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RÉPONSE A LA PREMIÈRE THÈSE, etc.

(Version.)

Je souscris ici volontiers au sentiment de M. le recteur, qui dit qu'il ne faut pas chasser sans su

jet de leur ancien domaine de pauvres innocents, c'est-à-dire ces êtres qu'on appelle formes substantielles et qualités réelles; pour nous jusqu'ici nous ne les avons pas encore absolument rejetés. Nous déclarons seulement que nous n'avons pas besoin d'eux pour rendre raison des choses naturelles, et nous croyons que nos sentiments sont particulièrement recommandables, en ce qu'ils sont indépendants de ces êtres supposés incertains, et dont on ignore la nature : mais comme en cette occasion c'est presque la même chose de dire qu'on ne veut pas se servir de ces êtres, et de dire qu'on les rejette, parceque la seule raison qui les fait admettre aux autres est qu'ils les croient nécessaires pour expliquer la cause des effets naturels, nous ne ferons pas difficulté d'avouer que nous les rejetons entièrement, et M. le recteur ne nous fera pas un crime de cela, comme je l'espère; car y a déjà long-temps que nous sommes instruits, sinon parfaitement, du moins médiocrement, de la philosophie des colléges, et nommément de la logique, de la métaphysique ; et nous avons reconnu que ces misérables êtres ne sont d'aucun autre usage que d'aveugler l'esprit de la jeunesse, et de mettre à la place de cette docte ignorance, que M. le recteur rend si fort recommandable, une autre espèce d'ignorance pleine de vanité et de présomppour n'être pas en reste de libéralité

il

tion : mais

avec M. le recteur, je le loue aussi de vouloir ramener à l'étude de la philosophie les jeunes gens qui ajoutoient à l'éloignement et au mépris brutal qu'ils avoient pour elle une ignorance grossière, rustique et orgueilleuse; et il ne sauroit m'entrer dans l'esprit qu'il ait eu ici ́en vue les plaintes qu'il forme contre mes écoliers, comme je l'ai déjà dit, de ce qu'après avoir goûté ma philosophie ils n'ont que du mépris pour celle de l'école : car je croirois faire injure à sa piété, à l'éloignement infini qu'il a pour la médisance, et à l'amitié qu'il m'a toujours témoignée, de croire qu'il ait voulu se servir de termes si impropres pour mépriser la philosophie que j'enseigne, qui est sí véritable et si claire, que dès qu'on l'a apprise on méprise-les autres, pour la traiter d'idiote et de rustique et d'ignorance orgueilleuse; et pour appeler féroce et fuite de l'étude de la philosophie le mépris que l'on fait des opinions qui sont regardées comme très fausses et qui ne vient que de la connoissance d'une philosophie plus véritable, comme si par étude de la philosophie il ne falloit entendre que l'étude de ces controverses où ne se trouve jamais une vérité certaine, et non l'étude même de la vérité.

RÉPONSE A LA SECONDE THÈSE, etc.

On prouve ici douze points auxquels M. le rec

teur a donné à juste titre, un peu auparavant, le nom de préjugés et de doutes, parcequ'ils ne donnent occasion de rien assurer, mais seulement de, douter, à ceux qui sont plutôt entraînés par les préjugés que par les raisons, quoique ces doutes n'embarrassent pas beaucoup ceux qui examinent la force des raisons.

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Dans la première, il demande si on peut concilier avec l'Écriture sainte le sentiment de ceux qui nient les formes substantielles. On n'en sauroit douter, pourvu qu'on sache que les prophètes, les apôtres, et les autres écrivains sacrés, qui ont écrit par l'inspiration du Saint-Esprit, n'ont jamais pensé à ces êtres philosophiques et inconnus hors des écoles; et pour ôter toute équivoque dans les mots, il faut observer que, par les formes substantielles que nous nions, on entend une certaine substance jointe à la matière, et qui compose avec elle un certain tout purement corporel, et moins une substance ou un être qui lui-même, que la matière; et l'on peut encore à plus juste titre, puisque l'on dit qu'elle est un acte, et que la matière n'est appelée que puissance. Or nous croyons que l'Écriture sainte ne fait nulle part mention de cette substance ou de cette forme substantielle, différente de la matière dans les choses purement corporelles; et pour faire connoître aux autres combien ces passages de l'Écri

i n'est

pas

subsiste par

dire que

c'est

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