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à cause que ce sont des espèces de pensées sans lesquelles on peut concevoir l'âme toute pure. Pour ce qui est des animaux, nous connoissons bien en eux des mouvements semblables à ceux qui suivent de nos imaginations ou sentiments, mais non pas pour cela des imaginations ou sentiments; et au contraire, ces mêmes mouvements se pouvant faire sans imagination, nous avons raison de croire que c'est ainsi qu'ils se font en eux, ainsi que j'espère faire voir clairement en décrivant par le menu toute l'architecture de leur corps, et les causes de leurs mouvements. Mais je crains que je ne vous aie déjà ennuyé par la longueur de cette lettre ; je me tiendrai très heureux si vous me continuez l'honneur de votre bienveillance et la faveur de votre protection, comme à celui qui est, etc.

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A M. REGIUS'.

(Lettre go du tome I. Version.)

MONSIEUR,

Vous ne pouviez rien mettre de plus dur, et qui fût plus capable de réveiller les mauvaises intentions de vos ennemis, et leur fournir des sujets de plainte, que ce que vous avez mis dans vos theses, que l'homme est un être par accident. Je ne vois pas de plus sûr moyen pour corriger cela que de dire que dans votre neuvième thèse vous avez considéré tout l'homme par rapport aux parties qui le composent, et que dans la dixième vous avez considéré les parties par rapport au tout; que dans la neuvième, dis-je, vous avez dit que l'homme est composé d'une âme, et d'un corps par accident, pour marquer qu'on pourroit dire en quelque façon qu'il étoit accidentaire au corps d'être uni à l'âme, et à l'âme d'être unie au corps, puis

I

« La thèse dont parle ici M. Descartes fut soutenue par un des écoliers de M. Leroy, ce qui ayant excité un grand bruit dans l'Université, M. Leroy en donna avis à M. Descartes par une lettre que nous n'avons pas, et M. Descartes lui récrivit celle-ci vers le 15 décembre 1641.»

que le corps peut exister sans l'âme, et l'âme sans le corps: car nous appelons accident tout ce qui est présent ou absent sans la corruption du sujet, quoique considéré en soi-même ce soit peut-être une substance, comme l'habit est accidentel à l'homme; mais que vous n'avez pas prétendu dire que l'homme soit un être par accident, et que vous aviez assez fait voir dans votre dixième thèse que vous entendiez qu'il est un être par soi-même; car vous y avez dit que l'âme et le corps par rapport à lui étoient des substances incomplètes, et dès là qu'elles sont incomplètes, il s'ensuit que le tout qu'ils composent est un être par soi-même ; et pour faire voir que ce qui est un être par soi-même peut devenir un être par accident, les rats, qui sont engendrés ou faits par accident des ordures, sont cependant des êtres par eux-mêmes. On peut seulement vous objecter qu'il n'est point accidentel au corps humain d'être uni à l'âme, mais que c'est sa propre nature; parceque le corps ayant toutes les dispositions requises pour recevoir l'âme, sans lesquelles il n'est pas proprement un corps humain, il ne se peut faire sans miracle que l'âme ne lui soit unie. On nous objectera aussi qu'il n'est pas accidentel à l'âme d'être jointe au corps, mais seulement qu'il lui est accidentel après la mort d'être séparée du corps, ce qu'il ne faut pas absolument nier, de peur de choquer derechef les théologiens;

mais cependant il faut répondre qu'on peut appeler ces deux substances accidentelles, en ce que ne considérant que le corps seul, nous n'y voyons rien qui demande d'être uni à l'âme, et rien dans l'âme qui demande d'être uni au corps; c'est pourquoi j'ai dit un peu auparavant que l'homme est en quelque façon, et non absolument parlant, un être accidentel. L'altération simple est celle qui ne change point la forme du sujet, comme quand le bois s'échauffe, et la génération est celle qui change la forme, comme quand le bois est consumé par le feu; et en effet, quoique l'un ne se fasse pas d'une autre manière que l'autre, il y a cependant une grande différence, soit dans la manière de concevoir, soit dans la vérité de la chose; car les formes, du moins les plus parfaites, sont un amas de plusieurs qualités qui ont la force de se conserver mutuellement ensemble; mais dans le bois c'est seulement une chaleur modérée à laquelle il retourne de soi-même, après qu'il s'est échauffé dans le feu; c'est une chaleur véhémente qu'il conserve toujours tant qu'il est feu. Vous ne devez pas être fâché contre le collègue qui vous conseilloit d'ajouter un corollaire pour expliquer votre thèse, il me paroît qu'il vous donnoit un conseil d'ami. Vous avez oublié un mot dans vos thèses manuscrites. Dans la dixième thèse, vous mettez ces mots toutes les autres, et vous ne dites point ce que c'est.

Vous voulez dire toutes les autres qualités. Je n'ai rien à dire sur tout le reste, car je vois qu'elles ne contiennent presque autre chose que ce que vous avez déjà mis autre part; vous avez raison, car ce seroit un très grand travail de vouloir inventer toujours quelque chose de nouveau. Si vous venez me voir, vous me ferez toujours un très grand plaisir. Adieu.

A M. REGIUS '.

(Lettre 89 du tome I. Version.)

MONSIEUR,

2

J'ai eu l'honneur de posséder toute cette aprèsdînée l'illustre M. Al. 2; il m'a entretenu fort longtemps des affaires d'Utrecht, avec une bonté et une sagesse qui m'ont charmé; je suis tout-à-fait de son avis que vous devez vous abstenir durant

1 << D'abord Descartes reçut la lettre de Leroy du 24 février, examina l'écrit qu'il lui envoyoit, lui en dit son sentiment, et fit lui-même une autre réponse à ces thèses de Voëtius; pendant qu'il travailloit à cela, M. Leroy, qui s'impatientoit, récrivit à M. Descartes une seconde lettre, datée du 2 février. Cela hâta M. Descartes, et dès le 6 février il lui ener volume. » voya son écrit et sa lettre, qui font la 89o de ce 1

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