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pas laissé de me divertir en même façon que deux ou trois mouches qui volent autour du visage d'un homme qui s'est couché à l'ombre dans un bois pour s'y reposer sont quelquefois capables de l'en empêcher. Mais j'espère qu'ils y mettront bientôt fin, ou, s'ils y manquent, je l'y mettrai : car je crois les avoir déjà tant de fois désarmés, que je ne semal fondé à leur refuser le combat.

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Pour la philosophie de M. Vander Scotten, je la trouve fort rare et ne la juge pas néanmoins impossible.

Les eaux fortes communes dissolvent les métaux, bien que la cire leur résiste; même elles dissolvent plus aisément le fer ou l'acier que le plomb; et le vif argent résoud l'or, l'étain et le plomb, bien qu'il ne se puisse presque pas attacher aux autres métaux et encore moins aux corps qui ne sont point métalliques. De quoi les raisons sont assez faciles à imaginer, pour ceux qui savent que tous les corps sont composés de petites parties diversement jointes et de diverses grosseurs et figures. Car tout de même que, frappant à coups de bâton sur un tas de verres ou de pots de terre, on les peut briser en mille pièces, au lieu que, frappant du même bâton sur un tas de foin ou de laine, on n'y fera aucun changement, et au contraire avec des ciseaux ou des couteaux, qui ne sauroient mordre sur le verre ni sur cette terre,

on peut aisément couper cette laine, il n'est pas difficile d'imaginer quelque corps dont les parties soient telles, et tellement mues, qu'elles puissent agir contre celles de l'or plutôt que contre celles des autres corps. Mais je trouve étrange qu'une même matière serve à dissoudre de l'or et des diamants; et puisqu'il vous en offre l'épreuve, je crois que, sans faire la dépense d'un fin diamant, s'il peut seulement dissoudre une pièce de gros verre de vitre, ce sera beaucoup; je dis de gros verre, cause qu'il y a quelquefois tant de salicot dans le cristallin, que la seule humidité de l'air le peut fondre. Et quoique c'en soit, s'il est vrai, comme je n'en doute point, puisque vous l'assurez, qu'il a coupé en un quart d'heure une barre de fin acier assez grosse, le secret qu'il a pour cela est fort rare, et vaut bien la peine que vous tâchiez d'en avoir la communication. Je suis, etc.

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J'avoue qu'il y a un grand défaut dans l'écrit que vous avez vu, ainsi que Vous le remarquez, et que je n'y ai pas assez étendu les raisons par lesquelles je pense prouver qu'il n'y a rien au monde qui soit de soi plus évident et plus certain que l'existence de Dieu et de l'âme humaine, pour les rendre faciles à tout le monde; mais je n'ai osé tâcher de le faire, d'autant qu'il m'eût fallu expliquer bien au long les plus fortes raisons des sceptiques, pour faire voir qu'il n'y a aucune chose matérielle de l'existence de laquelle on soit assuré, et par même moyen accoutumer le lecteur à détacher sa pensée des choses sensibles, puis montrer que celui qui doute ainsi de tout ce qui est matériel ne peut aucunement pour cela douter de sa propre existence; d'où il suit que celui-là, c'est-à-dire

'La date de cette lettre n'est fixée ni dans l'imprimé ni dans les notes de l'exemplaire de la bibliothèque de l'Institut. J'ai cru pouvoir, à cause du sujet, qui se rapporte évidemment au Discours de la Méthode, la placer ici.

l'âme, est un être ou une substance qui n'est point du tout corporelle, et que sa nature n'est que de penser, et aussi qu'elle est la première chose qu'on puisse connoître certainement; même en s'arrêtant assez long-temps sur cette méditation, on acquiert peu à peu une connoissance très claire, et, si j'ose ainsi parler, intuitive, de la naturel intellectuelle en général; l'idée de laquelle étant considérée sans limitation, est celle qui nous représente Dieu, et limitée, est celle d'un ange ou d'une âme humaine; or il n'est pas possible de bien entendre ce que j'ai dit après de l'existence de Dieu, si ce n'est qu'on commence par là, ainsi que j'ai assez donné à entendre en la page 48. Mais j'ai eu peur que cette entrée, qui eût semblé d'abord vouloir introduire l'opinion des sceptiques, ne troublât les plus foibles esprits, principalement à cause que j'écrivois en langue vulgaire de façon que je n'en ai même osé mettre le peu qui est à la page 41 qu'après avoir usé de préface: et pour vous, monsieur, et vos semblables, qui sont des plus intelligents, j'ai espéré que s'ils prennent la peine, non pas seulement de lire, mais aussi de méditer par ordre les mêmes choses que j'ai dit avoir méditées, en s'arrêtant assez long-temps sur chaque point pour voir si j'ai failli ou non, ils en tireront les mêmes conclusions que j'ai fait ; je serai bien aise, au premier loisir que j'aurai, de faire un effort pour

tâcher d'éclaircir davantage cette matière et d'avoir eu en cela quelque occasion de vous témoigner que je suis, etc.

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Je sais que vous avez tant d'occupations qui valent mieux que de vous arrêter à lire des compliments d'un homme qui ne fréquente ici que des paysans, que je n'ose m'ingérer de vous écrire que lorsque j'ai quelque occasion de vous importuner. Celle qui se présente maintenant est pour vous donner sujet d'exercer votre charité en la personne d'un pauvre paysan de mon voisinage qui a eu le malheur d'en tuer un autre. Ses parents ont dessein d'avoir recours à la clémence de son altesse, afin de tâcher, d'obtenir sa grâce, et ils ont désiré aussi que je vous en écrivisse pour vous supplier de vouloir seconder leur requête d'un mot favorable en cas que l'occasion s'en présente. Pour moi, qui ne cherche rien tant que la sécurité et le repos, je suis bien aise d'être en un pays où les

'Aucune indication sur la date précise de cette lettre et de la suivante.

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