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fin s'il arrive qu'ils descendent aussi vite qu'elle se meut, elle ne les poussera plus du tout, et s'ils descendent plus vite, elle leur résistera. D'où vous pouvez voir qu'il y a beaucoup de choses à considérer avant qu'on puisse rien déterminer touchant la vitesse, et c'est ce qui m'en a toujours détourné: mais on peut aussi rendre raison de beaucoup de choses, par le moyen de ces principes, auxquelles on n'a pu ci-devant atteindre. Au reste, je ne vous écrirois pas si librement de ces choses, que je n'ai point voulu dire ailleurs, à cause que la preuve en dépend de mon Monde, si je n'espérois que vous les interprèterez favorablement, et si je ne désirois passionnément vous témoigner que je suis, etc.

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A M. DE BEAUNE

(Lettre 26 du tome II. Version.)

MONSIEUR,

Vous avez un extrême pouvoir sur moi, et j'ai grande honte de ne pas faire ce que vous témoignez désirer; mais il faut, s'il vous plaît, que vous excusiez ma désobéissance, puisque c'est l'estime que je fais de vous qui la cause; et que vous me permettiez de vous dire que, bien que les raisons pour lesquelles vous me mandez que je dois publier mes rêveries soient très fortes pour l'intérêt de mes rêveries mêmes, c'est-à-dire pour faire qu'elles soient plus aisément reçues et mieux entendues, je n'examinerai point celles que vous apportez, car votre autorité est suffisante pour me les faire croire très fortes: mais je dirai seulement que les raisons' qui m'ont ci-devant empêché de faire ce que vous

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Cette lettre est antérieure à la 28° et 29° de ce 2o vol., qui est fixe>> ment datée du 19 juin 1639, puisque dans cette lettre du 28 il dit qu'il

» n'a rien répondu à M. de Beaune que telle chose, qui n'a aucun rap

port évident avec cette 26o lettre. Donc on ne peut mal fixer cette lettre » en la mettant le 10 juin 1639. »

2 « La prison de Galilée. »

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me voulez persuader n'étant point changées, je ne saurois aussi changer de résolution sans témoigner une inconstance qui ne doit pas entrer en l'âme d'un philosophe; et cependant je n'ai pas juré de ne permettre point que mon Monde voie le jour pendant ma vie; comme je n'ai point aussi juré de faire qu'il le voie après ma mort; mais que j'ai dessein, tant en cela qu'en toute autre chose, de me régler selon les occurrences et de suivre autant que je pourrai les conseils les plus sûrs et les plus tranquilles. Et pour la mort dont vous m'avertissez, quoi que je sache assez qu'elle peut à chaque moment me surprendre, je me sens toutefois encore, grâces à Dieu, les dents si bonnes et si fortes, que je ne pense pas la devoir craindre de plus de trente ans, si ce n'est qu'elle me surprenne : et comme on laisse les fruits sur les arbres aussi long-temps qu'ils y peuvent devenir meilleurs, nonobstant qu'on sache bien que les vents et la grêle, et plusieurs autres hasards, les peuvent perdre à chaque moment qu'ils y demeurent, ainsi je crois que mon Monde est de ces fruits qu'on doit laisser mûrir sur l'arbre, et qui ne peuvent trop tard être cueillis. Après tout, je m'assure que c'est plutôt pour me gratifier que vous m'invitez à le publier que pour aucune autre occasion : car vous jugez bien que je n'aurois pas pris la peine de l'écrire, si ce n'étoit à dessein de le faire voir, et que par conséquent je

n'y manquerai pas, si jamais j'y trouve mon compte, et que je le puisse faire sans mettre au hasard la tranquillité dont je jouis. C'est pourquoi, encore que cela n'arrive pas sitôt, vous ne laisserez pas, s'il vous plaît, de me croire, etc.

AU R. P. MERSENNE.

(Lettre 28 du tome II.)

MON RÉVÉREND PÈRE.

Je' suis bien aise que M. de Beaune ait refusé de faire voir au sieur de Roberval et aux autres ce que je lui ai envoyé touchant la ligne courbe, car il sera assez à temps de leur montrer, lorsqu'ils avoueront qu'ils ne la peuvent trouver. Je vous prie de laisser causer le sieur P. 2, et de ne me point envoyer son antidioptrique sans que M. de Beaune l'ait vue, s'il lui plaît d'en prendre la peine, et qu'il ait jugé qu'elle mérite que je la voie. En effet, j'ai un puissant défenseur en M. de Beaune, et dont la voix

1 Je reviens à une autre de vos lettres, où vous mandez m'avoir envoyé ce carême deux lettres de mon frère, l'une par Cramoisie et l'autre par Lemaire, desquelles je n'en ai reçu qu'une, qui est venue, je crois, par Lemaire. Je suis bien aise...

« Petit. >>

est plus croyable que celle de mille de mes adversaires : car il ne juge que de ce qu'il entend fort ́ bien, et eux de ce qu'ils n'entendent point. Je crois vous avoir écrit ci-devant touchant les parties de la matière subtile, que bien que je les imagine rondes, ou presque rondes, je ne suppose aucun vide autour d'elles, mais que j'ai voulu réserver à mon Monde à expliquer ce qui remplit leurs angles. Je n'ai nullement trouvé mauvais que le P. Niceron ait imprimé mon nom, car je vois qu'il est si connu, que je sernblerois vouloir faire le fin de mauvaise grâce si je témoignois avoir envie de le cacher. Vous m'avez obligé de m'excuser envers M. de Laleu : car enfin je ne saurois en bonne conscience lui mander aucune chose de son livre qui ne le désobligeât davantage que mon silence. Je n'ai rien répondu à M. de Beaune touchant la publication de mon Monde, car je n'avois rien à répondre, sinon que les causes qui m'en ont empêché ci-devant n'étant point changées, je ne dois pas changer de résolu

tion.

Mais à ce propos je vous prie de me mander si les exemplaires que M. le nonce vous avoit promis de faire tenir au cardinal de Baigne, etc., ont été enfin adressés: car j'ai sujet de me douter que la difficulté qu'ils ont eue à être portés vient de ce qu'on a craint qu'ils ne traitassent du mouvement de la terre; et il y a plus de deux ans que le Maire

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