Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

QUOIQUE j'aie déja parlé fort souvent des idées

simples, qui sont en effet les matériaux de toutes nos connaissances, cependant comme je les ai plutôt considérées par rapport à la manière dont elles sont introduites dans l'esprit, qu'en tant qu'elles sont distinctes des autres idées plus composées, il ne sera peut-être pas hors de propos d'en considérer encore quelques-unes sous ce dernier rapport, et d'examiner les différentes modifications de la même idée, que l'esprit trouve dans les objets existants, ou qu'il est capable de former en lui-même, sans le secours d'aucun objet extérieur, ou d'aucune cause étrangère.

Ces modifications d'une idée simple, quelle qu'elle soit (auxquelles je donne le nom de modes simples, comme il a été dit), sont des idées aussi parfaitement distinctes dans l'esprit, que celles entre lesquelles il y a le plus de distance ou d'opposition. Car l'idée de deux, par exemple, est aussi différente et aussi distincte de celle d'un, que l'idée du bleu diffère de celle de la chaleur, ou que l'une de ces idées est distincte de celle de quelque autre nombre que ce soit. Cependant deux n'est composé que de l'idée simple de l'unité répétée; et ce sont les répétitions de cette espèce d'idée qui, jointes ensemble, font les idées distinctes ou les modes simples d'une douzaine, d'une grosse, d'un million, etc.

[blocks in formation]

Je commencerai par l'idée simple de l'espace. J'ai déjà montré dans le chapitre quatrième de ce second livre, que nous acquérons l'idée de l'espace et par la vue et par l'attouchement; ce qui est, ce me semble, d'une telle évidence, qu'il serait aussi inutile de prouver que les hommes aperçoivent par la vue la distance qui est entre des corps de diverses couleurs ou entre les parties du même corps, qu'il le serait de prouver

qu'ils voient les couleurs mêmes. Il n'est pas moins aisé de se convaincre que l'on peut apercevoir l'espace dans les ténèbres par le moyen de l'attouchement.

[merged small][ocr errors]

L'espace, considéré simplement par rapport à la longueur qui sépare deux corps, sans considérer aucune autre chose entre deux, s'appelle distance. S'il est considéré par rapport à la longueur, à la largeur, et à la profondeur, on peut, à mon avis, le nommer capacité (64). Pour

[ocr errors]

[ocr errors]

(64) « Pour parler plus distinctement, la distance de <«< deux choses situées (soient points ou étendues) est la grandeur de la plus petite ligne possible qu'on puisse tirer << de l'une à l'autre. Cette distance se peut considérer absolument, ou dans une certaine figure qui comprend les << deux choses distantes. Par exemple, la ligne droite est << absolument la distance entre deux points. Mais ces deux points étant dans une même surface sphérique, la distance <«< de ces deux points dans cette surface est la longueur du plus petit grand-arc de cercle qu'on y peut tirer d'un point à l'autre.... On peut dire que la capacité, ou plutôt « l'intervalle entre deux corps, ou deux autres étendus, ou << entre un étendu et un point, est l'espace constitué par << toutes les lignes les plus courtes, qui se peuvent tirer « entre les points de l'un et de l'autre. Cet intervalle est « solide, excepté lorsque les deux choses situées sont dans «< une même surface, et que les lignes les plus courtes entre « les points des choses situées, doivent aussi tomber dans <«< cette surface, ou y doivent être prises exprès.

[ocr errors]

le terme d'étendue, on l'applique ordinairement à l'espace, de quelque manière qu'on le considère.

$ 4.

L'Immensité.

Chaque distance distincte est une différente modification de l'espace, et chaque idée d'une distance distincte, ou d'un certain espace, est un mode simple de cette idée. Les hommes, pour leur usage, et par la coutume de mesurer, qui s'est introduite parmi eux, ont établi dans leur esprit les idées de certaines longueurs déterminées, comme sont un pouce, un pied (65), une aune, un stade, un mille, le diamètre de la terre, etc. qui sont tout autant d'idées distinctes, uniquement composées d'espace. Lorsque ces sortes de longueurs ou mesures d'es

(65) « Ils ne sauraient le faire; car il est impossible « d'avoir l'idée d'une longueur déterminée précise. On ne « saurait dire, ni comprendre par l'esprit, ce que c'est qu'un « pouce ou un pied; et on ne saurait garder la signification « de ces noms que par des mesures réelles, qu'on suppose « non changeantes, et à l'aide desquelles on la puisse re« trouver.... [C'est ainsi que, depuis la révolution, l'on a adopté, en France, la dix-millionième partie de la longueur du quart du méridien, ou de 5130740 toises, pour le mètre, ou pour l'unité des mesures linéaires.]

pace, leur sont devenues familières, ils peuvent les répéter dans leur esprit aussi souvent qu'il leur plaît, sans y joindre ou mêler l'idée du corps ou d'aucune autre chose; et se faire des idées de long, de carré ou de cubique, de pieds, d'aunes, ou de stades, pour les rapporter, dans cet univers, aux corps qui y sont, ou au-delà des dernières limites de tous les corps; et en multipliant ainsi ces idées par de continuelles additions, ils peuvent étendre leur idée de l'espace autant qu'ils veulent. C'est par cette puissance de répéter ou de doubler l'idée que nous avons de quelque distance que ce soit, et de l'ajouter à la précédente aussi souvent que nous voulons, sans pouvoir être arrêtés nulle part, que nous nous formons l'idée de l'Immensité.

$5.

La Figure.

}} y a une autre modification de cette idée de l'espace, qui n'est autre chose que la relation qui est entre les parties qui terminent l'étendue. C'est ce que l'attouchement découvre dans les corps sensibles lorsque nous en pouvons toucher les extrémités, ou que l'oeil aperçoit par les corps mêmes et par leurs couleurs, lorsqu'il en voit les bornes auquel cas venant

« PreviousContinue »