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§ 5.

Deux sortes de Modes, les uns simples, et les autres mixtes.

Il y a deux sortes de ces modes qui méritent d'être considérés à part. 1. Les uns ne sont que des combinaisons d'idées simples de la même espèce, sans mélange d'aucune autre idée, comme une douzaine, une vingtaine, qui ne sont autre chose que des idées d'autant d'unités distinctes, jointes ensemble (61). Et ces modes, je les nomme modes simples, parce qu'ils sont renfermés dans les bornes d'une seule idée simple, 2. Il y en a d'autres qui sont composés d'idées simples de différentes espèces, qui, jointes ensemble, n'en font qu'une: telle est, par exemple,

(61) « Peut-être que dixaine et vingtaine ne sont que <<< des relations, et ne sont constituées que par le rapport « à l'entendement. Les unités sont à part, et l'entende«ment les prend ensemble quelque dispersées qu'elles soient. << Cependant quoique les relations soient de l'entendement, <<< elles ne sont pas sans fondement et réalité. Car le pre«<mier entendement est l'origine des choses; et même la << réalité de toutes choses, excepté les substances simples, <<< ne consiste que dans le fondement des perceptions des phénomènes des substances simples. Il en est souvent de « même à l'égard des modes mixtes, c'est-à-dire qu'il fau<«<drait les renvoyer plutôt aux relations. »

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Fidée de la beauté, qui est un certain assemblage de couleurs et de traits, qui fait du plaisir à voir. Ainsi le vol, qui est un transport secret de da possession d'une chose sans le consentement du propriétaire, contient visiblement une combinaison de plusieurs idées de différentes espèces, et c'est ce que j'appelle modes mixtes.

§ 6.

Substances singulières ou collectives.

En second lieu, les idées des substances sont certaines combinaisons d'idées simples, qu'on suppose représenter des choses particulières et distinctes, subsistant par elles-mêmes; parmi lesquelles idées, l'idée de substance, qu'on suppose sans la connaître (62), quelle qu'elle soit en elle-même, est toujours la première et la principale. Ainsi, en joignant à l'idée de substance celle d'un certain blanc pâle, avec certains degrés de pesanteur, de dureté, de malléabilité et de fusibilité, nous avons l'idée du plomb. De

(62) « L'idée de la substance n'est pas si obscure qu'on «pense. On en peut connaître ce qui se doit, et ce qui «se connaît en autres choses; et même la connaissance des a concrets est toujours antérieure à celle des abstraits. On << connaît plus le chaud que la chaleur. »

même une combinaison d'idées d'une certaine espèce de figure, avec la puissance de sé mouvoir, de penser et de raisonner, jointes avec la substance, forme l'idée ordinaire d'un homme.

Or, à l'égard des substances, il y a aussi deux sortes d'idées, l'une des substances singulières, en tant qu'elles existent séparément, comme celle d'un homme ou d'une brebis, et l'autre de plusieurs substances jointes ensemble, comme une armée d'hommes; et un troupeau de brebis: car ces idées collectives de plusieurs substances jointes de cette manière, forment aussi bien une seule idée, que celle d'un homme, ou d'une unité (63).

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La troisième espèce d'idées complexes, est ce que nous nommons relation d'une idée avec une autre, qui consiste dans la comparaison : comparaison qui fait que la considération d'une

(63) « Dans le fonds, il faut avouer que cette unité de collections n'est qu'un rapport ou une relation dont le << fondement est dans ce qui se trouve en chacune des « substances singulières à part. Ainsi ces étres par aggrégation n'ont point d'autre unité achevée que la mentale : « par conséquent leur entité aussi est, en quelque façon, << mentale ou de phénomène, comme celle de l'arc-en-ciel. »

chose enferme en elle-même la considération d'une autre. Nous traiterons par ordre de ces trois différentes espèces d'idées.

§ 8.

que de

Les idées les plus abstruses ne viennent deux sources, la sensation ou la réflexion.

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Si nous prenons la peine de suivre pied-àpied les progrès de notre esprit, et que nous nous appliquions à observer, comment il répète, ajoute et unit ensemble les idées simples qu'il reçoit par le moyen de la sensation ou de la réflexion, cet examen nous conduira plus loin que nous ne pourrions peut-être nous le figurer d'abord et si nous observons soigneusement les origines de nos idées, nous trouverons, à mon avis, que les idées même les plus abstruses, quelque éloignées qu'elles paraissent des sens ou d'aucune opération de notre propre entendement, ne sont pourtant que des notions que l'entendement se forme en répétant et combinant les idées qu'il avait reçues des objets des sens, ou de ses propres opérations concernant les idées qui lui ont été fournies par les sens. De sorte que les idées les plus étendues et les plus abstraites nous viennent par la sensation ou par la réflexion: car l'esprit ne connaît rien, et ne

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saurait rien connaître que par l'usage ordinaire de ses facultés, qu'il exerce sur les idées qui lui viennent par les objets extérieurs, ou par les opérations qu'il observe en lui-même, au sujet de celles qu'il a reçues par les sens. C'est ce que je tâcherai de faire voir à l'égard des idées que nous avons de l'espace, du temps, de l'infinité; et de quelques autres qui paraissent les plus éloignées de ces deux sources.

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