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tons dont ils n'auraient aucune idée. Eten effet, quand même j'accorderais que le son peut exciter mécaniquement un certain mouvement d'esprits animaux dans le cerveau de ces oiseaux, tandis qu'on leur joue actuellement un air, et que le mouvement peut être continué jusqu'aux muscles des ailes, en sorte que l'oiseau soit poussé mécaniquement par certains bruits à prendre la fuite, parce que cela peut contribuer à sa conservation; on ne saurait pourtant supposer cela comme une raison pourquoi, en jouant un air à un oiseau, et moins encore après qu'on a cessé de le jouer, cela devrait produire mécaniquement, dans les organes de la voix de cet oiseau, un mouvement qui l'obligeât à imitèr les notes d'un son étranger, dont l'imitation ne peut être d'aucun usage à la conservation de ce petit animal. Mais, qui plus est, on ne saurait supposer avec quelque apparence de raison, et moins encore prouver que des oiseaux puissent, sans sentiment ni mémoire, conformer peu à peu et par degrés les inflexions de leur voix, à un air qu'on leur joua hier; puisque s'ils n'en ont aucune idée dans leur mémoire, il n'est présentement nulle part; et, par conséquent, il ne peut être pour eux un modèle à imiter, ou dont ils cherchent à approcher par des essais réitérés. Car il n'y a point de raison

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pour que le son du flageolet laissât dans leur cerveau des traces qui ne devraient point produire de pareils sons dans le premier moment; mais seulement après certains efforts, que les oiseaux sont obligés de faire, lorsqu'ils ont entendu le flageolet: et d'ailleurs, il est impossible de concevoir pourquoi les sons qu'ils rendent eux-mêmes, ne feraient pas des traces qu'ils devraient suivre, tout aussi bien que celles que produit le son du flageolet.

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CHAPITRE XI.

DE LA FACULTÉ DE DISTINGUER LES IDÉES, ET DE QUELQUES AUTRES OPÉRATIONS DE L'ESPRIT.

$ 1.

Il n'y a point de connaissance sans Discer

nement.

UNE autre faculté que nous pouvons remarquer dans notre esprit, c'est celle de discerner ou distinguer ses différentes idées. Il ne suffit pas que l'esprit ait une perception confuse de quelque chose en général; s'il n'avait pas, outre cela, uné perception distincte de divers objets et de leurs différentes qualités, il ne serait capable que d'une très-petite connaissance, quand même l'action des corps qui nous environnent serait aussi vive et aussi constante qu'elle l'est présentement, et quoique l'esprit fût continuellement occupé à penser. C'est de cette faculté, de distinguer une chose d'avec une autre,

que dépend l'évidence et la certitude de plusieurs propositions, de celles-là même qui sont le plus générales, et qu'on a regardées comme, des vérités innées; parce que les hommes, ne considérant pas la véritable cause qui fait recevoir ces propositions avec un consentement universel, l'ont entièrement attribuée à une impression naturelle et uniforme, quoique dans le fond ce consentement dépende proprement de cette faculté que l'esprit a de discerner nettement les objets, par où il aperçoit que deux idées sont les mêmes, ou différentes entre elles. Mais c'est de quoi nous parlerons plus au long dans la

suite.

S 2.

Différence entre l'Esprit et le Jugement.

Je n'examinerai point ici combien l'imperfection dans la faculté de bien distinguer les idées, dépend de la grossièreté ou du défaut des organes, ou du manque de pénétration, d'exercice et d'attention du côté de l'entendement, ou d'une trop grande précipitation naturelle à certains tempéraments. Il suffit de remarquer que cette faculté est une des opérations sur lesquelles l'ame peut réfléchir, et qu'elle peut obdiver en elle-même. Elle est, au reste,

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d'une

telle conséquencé par rapport à nos autres con

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naissances, que plus cette faculté est grossière, ou mal employée à marquer la distinction d'une chose d'avec une autre, plus nos notions sont confuses, et plus notre raison s'égare. Si la vivacité de l'esprit consiste à rappeler promptement et à point nommé les idées qui sont dans la mémoire, c'est à se les représenter nettement, et à pouvoir les distinguer exactement l'une de l'autre (lorsqu'il y a de la différence entre elles, quelque petite qu'elle soit), que consiste, pour la plus grande part, cette justesse et cette netteté de jugement, en quoi l'on voit qu'un homme excelle au-dessus d'un autre. Et par-là on pourrait, peut-être, rendre raison de ce qu'on observe communément, que les personnes qui ont le plus d'esprit, et la mémoire la plus prompte, n'ont pas toujours le jugement le plus net et le plus profond. Car, au lieu que ce qu'on appelle esprit, consiste pour l'ordinaire à assembler des idées, et à joindre promptement, et avec une agréable variété, celles en qui on peut observer quelque ressemblance ou quelque rapport, pour

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faire de belles peintures qui divertissent et frappent agréablement l'imagination; au contraire, le jugement consiste à distinguer exactement une idée d'avec une autre, si l'on peut y trouver la moindre différence, afin d'éviter qu'une similitude, ou quelque affinité, ne nous donne

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