Page images
PDF
EPUB

cune liaison concevable. De là vient que nous avons tant de penchant à nous figurer que ce sont des ressemblances de quelque chose qui existe réellement dans les objets mêmes; parce que les sens ne nous montrent pas que la grosseur, la figure, ou le mouvement des parties, contribuent en rien à leur production; et que d'ailleurs la raison ne peut faire voir comment les corps peuvent produire dans l'esprit les idées du bleu, ou du jaune, etc., par le moyen de la grosseur, figure et mouvement de leurs parties. Au contraire, dans l'autre cas, je veux dire, dans les opérations des corps dont les qualités se changent ou s'altèrent réciproquement, nous voyons clairement que la qualité produite par ce changement, n'a ordinairement aucune res semblance avec quoi que ce soit qui existe dans le corps qui a produit cette nouvelle qualité. C'est pourquoi nous la regardons comme un

j

pur effet de la puissance qu'un corps a sur un autre corps. Gar, bien qu'en recevant du soleil l'idée de la chaleur, ou de la lumière, nous soyons portés à croire que c'est une perception et une ressemblance d'une pareille qualité qui existe dans le soleil; cependant, lorsque nous voyons que la cire, ou un beau visage reçoivent du soleil un changement de couleur, nous ne saurions nous figurer que ce soit une émanation,

ou ressemblance d'une pareille chose qui soit actuellement dans le soleil, parce que nous ne trouvons point ces différentes couleurs dans le soleil même. Comme nos sens sont capables de remarquer la ressemblance ou la dissemblance des qualités sensibles qui sont dans deux diffé rents objets extérieurs, nous ne faisons pas difficulté de conclure, que la production de quelque qualité sensible dans un sujet n'est que l'effet d'une certaine puissance, et non la communication d'une qualité qui existe réellement dans celui qui la produit, quand nous n'y trouvons point une telle qualité sensible. Mais lorsque nos sens ne nous font découvrir aucune dissemblance entre l'idée qui est produite en nous et la qualité de l'objet qui la produit, nous sommes portés à croire que nos idées sont des ressemblances de quelque chose qui existe dans les objets, et non les effets d'une certaine puissance, qui consiste dans la modification de leurs qualités premières, avec lesquelles les idées produites en nous n'ont aucune ressemblance.

[merged small][ocr errors]

$ 26.

Distinction qu'on peut mettre entre les secondes qualités.

Enfin, excepté ces premières qualités, qui sont réellement dans les corps, je veux dire, la grosseur, la figure, l'étendue, le nombre et le mouvement de leurs parties solides, tout le reste par où nous connaissons les corps et les distinguons les uns des autres, n'est autre chose que différents pouvoirs qui sont en eux, et qui dépendent de ces premières qualités, par le moyen desquelles ils sont capables de produire en nous plusieurs différentes idées en agissant immédiatement sur nos corps, ou d'agir sur d'autres corps, en changeant leurs premières qualités, au point de les rendre capables de faire naître en nous des idées différentes de celles que ces corps y excitaient auparavant. On peut appeler les premières de ces deux sortes de puissances, secondes qualités qu'on aperçoit immédiatement, et les dernières, secondes qualités qu'on apercoit médiatement.

[merged small][merged small][ocr errors]

La perception est la première idée simple produite par la réflexion.

[ocr errors]

L'A perception étant la première faculté de l'ame qui est occupée de nos idées, est ausși la première et la plus simple idée que nous recevions par le moyen de la réflexion. Quelques-uns la désignent par le nom général de pensée. Mais comme ce dernier mot signifie proprement une opération de l'esprit sur ses idées, dans laquelle il est actif et considère une chose avec un certain degré d'attention volontaire, il vaut mieux employer ici le terme de perception, qui fait mieux comprendre la nature de cette faculté. Car dans ce qu'on nomme simplement perception, l'esprit est pour l'ordinaire, purement passif,

ne pouvant éviter de percevoir ce qu'il perçoit actuellement (53).

§ 2.

Il n'y a de la Perception que lorsque l'impression agit sur l'esprit.

Chacun peut mieux connaître ce que c'est que perception, en réfléchissant sur ce qu'il fait lui-même, lorsqu'il voit, qu'il entend, qu'il sent, etc., ou qu'il pense, que par tout ce que je lui pourrais dire sur ce sujet. Quiconque réfléchit sur ce qui se passe dans son esprit, ne peut éviter d'en être instruit; et s'il n'y fait aucune réflexion, tous les discours du monde ne sauraient lui en donner aucune idée.

§ 3.

Ce qu'il y a de certain, c'est que, quelques altérations, quelques impressions qui se fassent dans notre corps ou sur ses parties extérieures,

(53) « On pourrait peut-être ajouter que les bêtes ont « de la perception, et qu'il n'est point nécessaire qu'elles « aient de la pensée, c'est-à-dire qu'elles aient de la réflexion, ou ce qui en peut être l'objet; aussi avons-nous << de petites perceptions nous-mêmes, dont nous ne nous << apercevons point dans notre état présent.

[ocr errors]

>>

« PreviousContinue »