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la bêche, l'ignoble bêche, disent nos députés, déshonore le sol, bonne tout au plus à nourrir une famille, et quelle famille en blouse, en guêtres, en sabots. Le pis, c'est la que terre morcelée, une fois dans les mains de la gent corvéable, n'en sort plus. Le paysan achète du monsieur, non celui-ci de l'autre, qui ayant payé cher, vendrait plus cher encore. L'honnête homme, bloqué chez lui par la petite propriété, ne peut acquérir aux environs, s'étendre, s'arrondir ( il en coûterait trop ), ni le château ravoir les champs qu'il a perdus. La grande propriété, une fois décomposée, ne se recompose plus. Un fief, une abbaye sont malaisés à refaire; et comme chaque jour les gens les mieux pensants, les plus mortels ennemis de la petite propriété, vendent pourtant leurs terres, alléchés par le prix, à l'arpent, à la perche, et en font les morceaux les plus petits qu'ils peuvent, la bêche gagne du terrain, la rustique famille bâtit et s'établit sans aller pour Amérique, aux Indes; les grandes terres disparaissent, et le capitaliste, las d'espérer, de craindre ou la hausse ou la baisse, ne sait comment placer. Il y aurait moyen de se faire un domaine sans acheter en détail, ce serait de défricher. Mais, diantre, il ne faut pas, et les lois s'y opposent, afin de conser

cela en

ver; on en viendra là cependant, si le morcellement continue: les landes, les bruyères périront. Quelle pitié! quel dommage ! 0 vous, législateurs nommés par les préfets, prévenez ce malheur, faites des lois, empêchez que tout le monde ne vive! Otez la terre au laboureur, et le travail à l'artisan, par de bons priviléges, de bonnes corporations ; hâtez-vous, l'industrie, aux champs comme à la ville, envahit tout, chasse partout l'antique et noble barbarie; on vous le dit, on vous le crie: que tardez-vous encore? qui vous peut retenir? peuple, patrie, honneur? lorsque vous voyez là emplois, argent, cor, dons, et le baron de Frimont.

AUX

AMES DÉVOTES

DE LA PAROISSE DE VERETZ,

DÉPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE.

ON recommande à vos prières le nommé Paul-Louis, vigneron de la Chavonnière, bien connu dans cette paroisse. Le pauvre homme est en grande peine, ayant eu le malheur d'irriter contre lui tout ce qui s'appelle en France courtisans, serviteurs, flatteurs, adulateurs, complaisants, flagorneurs et autres gens vivant de bassesse et d'intrigues, lesquels sont au nombre, dit-on, de quatre ou cinq cent mille, tous enrégimentés sous diverses enseignes et déterminés à lui faire un mauvais parti; car ils l'accusent d'avoir dit, en taillant sa vigne :

Qu'eux, gens de cour, sont à nous autres, gens de travail et d'industrie, cause de tous

Qu'ils nous dépouillent, nous dévorent au nom du Roi, qui n'en peut mais (1);

Que les sauterelles, la grêle, les chenilles, le charençon ne nous pillent pas tous les ans, au lieu que lesdits courtisans des hautes classes s'abattant sur nous chaque année, au temps du budget, enlèvent du produit de nos champs le plus clair, le plus net, le meilleur et le plus beau, dont bien fâche audit seigneur Roi, qui n'y peut apporter remède (2);

Que tous ces impôts qu'on lève sur nous en tant de façons, vont dans leur poche et non pas dans celle du Roi (3), étant par eux seuls inventés, accrus, multipliés chaque jour à leur profit comme au dommage du Roi non moins que des sujets (4);

4

Que lesdits courtisans veulent manger Chambord et le royaume et nous, et le peuple et le Roi devant lequel ils se prosternent, se disant dévoués à sa personne (5) :

(1) Voyez la page 301, de la brochure saisie; pag. 297.

(2) Voyez page 297, page 29 et page 301. (3) Voyez page 301.

(4) Même page.

(5) Même page.

Que les princes sont bons, charitables, humains, secourables à tous et bien intentionnés (1), mais qu'ils vivent entourés d'une mauvaise valetaille (2) qui les sépare de nous et travaille sans cesse à corrompre eux et nous;

Que c'est là un grand mal, et que pour y remédier, il serait bon d'élever les princes au collége, loin desdits courtisans (3), comme on voit à Paris le jeune duc de Chartres, enfant qui promet d'être quelque jour un homme de bien, et dont on espère beaucoup;

Que par ce moyen lesdits princes, instruits à l'égal de leur sujets, élevés au milieu d'eux, parlant la même langue, s'entendraient avec eux contre lesdits gens de cour, et peut-être parviendraient à délivrer le monde de cette engeance perverse, détestable, maudite;

Qu'ainsi, on ne verrait plus ni Saint-Barthélemy, ni frondes, ni dragonnades, ni révolutions, contre-révolutions (4), qui, après force coups et grand massacre de gens, tour

(1) Voyez page 318,
(2) Voyez page 319.
(3) Voyez page 307.
(4) Voyez page 308.

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