Page images
PDF
EPUB

fon difcours. Ainfi l'entreprise échoua, & n'eut d'autre effet que de découvrir la baffe jaloufie des Lacédémo. niens, & de les couvrir de honte.

Hippias, déchu de fon efpérance, fe retira en Afie chez Artapherne Gouverneur de Sardes pour le Roi de Perfe, & n'oublia rien pour l'engager à porter fes armes contre Athénes, en lui faifant entendre que la prise d'une ville fi puissante le rendroit maître de toute la Gréce. Artapherne fomma les Athéniens de rétablir fur le trône Hippias: à quoi ils ne répondirent que par un refus net & abfolu, Voila quelle fut l'origine & l'occafion des guerres des Perfes contre les Grecs, lefquelles feront la matière des volumes fuivans.

[blocks in formation]

HOMMES ILLUSTRES, qui fe font diftingués dans
Les fciences.

Je commence

par les Poétes, parce qu'ils ont l'ancien neté fur les autres.

HOME RE.

LE PLUS célébre de tous les poètes, & dont le mérite a jetté un plus grand éclat, eft en même tems celui dont la patrie, & le tems où il a vécu, font le moins connus. Des fept villes de la Gréce qui fe difputent entr'elles l'honneur de lui avoir donné la naiffance, Smyrne eft celle qui femble être à plus jufte titre en poffeffion de ce glorieux privilége. Hérodote marque qu'Homére étoit quatre cens ans avant lui, c'est-à-dire trois cens quarante ans après la prise de Troie : car Herodote fleuriffoit sept cens quarante ans après cette expédition.

Quelques auteurs ont prétendu qu'il fut appellé Ho. mére, , parce qu'il étoit aveugle-né. Velleius Paterculus rejette avec mépris ce conte. » a Si quelqu'un, dit-il, croit a Quem fi quis cœcum genitum Paterc. lib. 1. cap. 5. putat, omnibus fenfibus orbus eft.

Lib. 2. cap. 53.
AN. M. 3160.

Av. J. C. 844.

[ocr errors]

qu'Homére eft né aveugle, il faut qu'il le foit lui-même, » & privé de tous les fens. » En effet, felon la remarque Tufc. Quaf. de Cicéron, la poéfie d'Homére eft plutôt une peinture lib. 5.n. 114. qu'une poésie, tant il fait peindre au naturel, & mettre comme fous les yeux du lecteur, les images de tout ce qu'il entreprend de décrire ; & il fembloit avoir pris à tâche de faire paffer comme en revûe dans fes ouvrages tout ce que la nature a de plus riant & de plus gracieux.

que

a Ce qu'il y a de plus étonnant dans ce Poéte, c'est s'étant appliqué le premier, du moins de ceux qui font connus, au genre de poéfie le plus fublime & le plus difficile de tous, il l'a porté tout d'un coup, comme par un vol rapide, à un fi haut degré de perfection, ce qui dans les autres arts n'arrive prefque jamais que par de lents progrès, & par une longue fuite d'années.

Ce genre de poéfie eft le Poéme Epique, ainfi appellé du mot grec ἔπος, os, parce que l'action eft racontée par le poete. Le fujet de ce poeme doit être grand, inftructif, férieux; ne renfermer qu'un feul événement principal, auquel tous les autres fe raportent; & cette action principale doit s'être paffée dans un certain efpace de tems qui eft tout au plus d'une année.

Homére a compofé deux poèmes de ce genre, favoir l'Iliade & l'Odyffée: dont le premier a pour fujet la colére d'Achille, fi pernicieuse aux Grecs qui affiégeoient Ilion ou Troie; & l'autre, les voiages & les avantures d'Ulysse après la prife de cette ville.

Il eft remarquable qu'aucune des nations les plus éclairées n'a rien imaginé de pareil; & que celles qui ont produit quelques poèmes en ce genre, en ont toutes pris l'idée d'Homére, en ont emprunté les réglès, fe le font proposé pour modéle, & n'ont eu de fuccès qu'autant qu'elles en ont approché. C'eft qu'Homére étoit un efprit

a Clariffimum deinde Homeri illuxit ingenium, fine exemplo maximum: qui magnitudine operis, & fulgore carminum, folus appellari poeta meruit. In quo hoc maximum eft, quòd neque ante illum, quem ille imitaretur; neque poft

illum, qui imitari eum poffit, inventus eft: neque quemquam alium, cujus operis primus auctor fuerit; in eo perfectiffimum, præter Homerum & Archilochum, reperiemus. Vell. Paterc. lib. x. cap. 5.

original,

original, & propre à former les autres: Fons ingeniorum

Homerus.

* Dans la vie

Tout ce qu'il y a eu de plus grands hommes & de plus Plin. lib. 17. forts génies depuis deux mille cinq ou fix cens ans en cap. 5 Gréce, en Italie, & ailleurs; ceux dont on est forcé encore aujourd'hui d'admirer les écrits, ceux qui font encore nos maîtres, & qui nous enseignent à penser, à raisonner, à parler, à écrire, tous ces gens-là, dit Me. * Dacier, reconnoiffent Homére pour le plus grand des poètes, & fes poémes comme le modéle du bon goût. Après cela y a-t-il aucun homme, quelque habile qu'il fe croie, qui puiffe raifonnablement préfumer que fes décifions prévaudront fur celles de tant de juges fi éclairés & fi refpectables?

d'Homere,

qui eft a la téte

de la traduc

tion de l'Ilia

[ocr errors]

Plin. lib. 7.

Des témoignages fi anciens, fi conftans, fi universels, juftifient pleinement le jugement avantageux qu'Alexandre le Grand portoit des ouvrages d'Homère, qu'il confidéroit comme la production la plus rare & la plus précieuse de l'efprit humain: pretiofiffimum humani animi opus. Quintilien, après avoir fait un éloge magnifique d'Ho- cap.29. mére, nous donne une jufte idée de fon caractére & de fon ftile dans ce peu de mots: Hunc nemo in magnis fublimitate, in parvis proprietate fuperaverit. Idem lætus ac preffus, jucundus & gravis, tum copia tum brevitate mirabilis. » Dans les grandes chofes, rien de plus fublime fon expreffion; dans les petites, rien de plus propre. Etendu, ferré, grave, & doux, également admirable "par fon abondance, & par fa briéveté.

[ocr errors]

HESIODE.

que

Quintil. lib.

10.cap. 1.

L'OPINION la plus commune le fait contemporain d'Homére. On dit qu'il étoit né à Cumes ville d'Eolie, mais qu'il fut nourri & élevé à Ascra, petite ville de Béotie, qui depuis a paffé pour fa patrie. Aufsi Virgile l'ap- Eclog. 6. v.70; pelle-t-il le Vieillard d'Afcra. Il n'eft gueres connu que par le peu de poéfies qui nous font reftées de lui toutes en vers hexametres, qui font, 10. Les Ouvrages & les Jours ; 20. La Theogonie. ou Généalogie des dieux ; 3°. Le Bouclier d'Hercule. On doute pourtant que ce dernier foit de lui.

[blocks in formation]

1. Dans le premier de ces poèmes, intitulé Les Ouvrages &les Jours, Héfiode traite de l'Agriculture, qui demande, outre beaucoup de travail, qu'on obferve les tems, les faifons, les jours. Ce poéme eft rempli de fentences & de maximes excellentes pour la conduite de la vie. Il le commence par une courte mais vive description de deux fortes de Difputes: l'une funefte au genre humain, & fource des querelles, des difcordes, des guerres; l'autre infiniment utile & falutaire aux hommes, qui aiguife leur efprit, qui excite parmi eux une noble émulation, & qui donne lieu à l'invention & à la culture des arts. Il fait dans la fuite une admirable description des quatre différens âges du monde, d'or, d'argent, d'airain, de fer. Ce font ceux de ce premier âge d'or, que Jupiter, après leur mort, changea en Aaiores autant de Génies & d'Efprits, qu'il établit gardiens des hommes, & qu'il chargea du foin de parcourir la terre cachés dans un nuage obfcur, & d'obferver les bonnes & les mauvaises actions de ceux qui l'habitent.

Georg. lib. 2. ✯ 176.

Plin. in

Ce poéme a fervi de modéle à Virgile pour compofer fes Géorgiques, comme il le témoigne lui-même par ce

vers:

Afcraumque cano Romana per oppida carmen.

Le choix que ces deux illuftres Poétes ont fait de cette matiére pour la traiter en vers, nous marque en quel honneur étoient chez les anciens la culture des terres, & la nourriture des troupeaux, deux fources innocentes de richeffes & d'abondance pour un pays. Il est bien fâcheux que, dans les fiécles poftérieurs, on ait laiffé éteindre ce goût, fi conforme à la nature, & fi propre à conferver l'innocence des mœurs : l'avarice & la volupté l'ont entiérement étoufé. Nimirum alii fubiere ritus, circaque alia Proem. 1. 14. mentes hominum detinentur, & avaritiæ tantùm artes coluntur. 2. On peut regarder la Théogonie d'Héfiode, & les poèmes d'Homére, comme les archives & les monumens les plus fürs de la théologie des anciens, & de l'opinion qu'ils avoient de leurs dieux. Car il ne faut pas croire que ces poètes aient été les inventeurs des fables que nous lifons dans leurs ouvrages: ils n'ont fait que recueillir & transmettre à la poftérité les traces de la religion qu'ils

avoient trouvé établie & dominante dans leur tems & dans
leur
pays.

3. Le Bouclier d'Hercule, eft un morceau détaché d'un poéme, dans lequel on prétend qu'Héfiode célébroit les Héroïnes de l'antiquité les plus illuftres ; & il eft ainfi appellé, parce qu'on y trouve une longue description dụ bouclier d'Hercule, dont ce poéme raporte une avanture particuliére.

La poéfie d'Héfiode, dans les endroits qui font fufceptibles d'ornemens, eft fort belle & fort agréable, mais moins élevée & moins fublime que celle d'Homére. Quin- Lib. 1. cap.5. tilien lui donne le premier rang dans le genre d'écrire médiocre. Datur ei palma in illo medio dicendi genere.

ARCHILO QUE

LE POETE Archiloque, natif de Paros, inventeur des An. M. 3280. vers lambes; vivoit du tems de Candaule roi de Lydie. Il Av. J. C.724. a cela de commun avec Homére, felon Velleius Patercu- Lib. 10 cap. r. lus,d'avoir porté tout d'un coup à une très-grande perfetion le genre de poéfie qu'il avoit inventé. Les piés, qui donnérent leur nom à ces vers, & qui feuls d'abord y furent admis, font compofés d'une bréve & d'une longue. Il paroit que le vers Iambe, tel qu'Archiloque l'inventa, étoit fort propre pour un ftile véhément & énergique: auffi voions-nous qu'Horace en parlant de ce Poéte, dit que fa colère, ou plutôt fa rage, l'arma de l'Iambe pour exercer fa vengeance,

Archilochum proprio rabies armavit Iambo.

Et a Quintilien nous apprend qu'il avoit une force d'expreffion extraordinaire, des pensées hardies, de ces traits qui font cours, mais vifs & perçans, en un mot, un ftile plein de force & de nerfs. On difoit b de ses piéces de

a Summa in hoc vis elocutionis, cùm validæ tum breves vibrantefque fententiæ, plurimum fanguinis atque nervorum. Quintil. lib. 10. cap. I.

b Ut Aristophani Archiloci Iambus, fic epiftola longiffima quæque optima videtur. Cic. Epift. 11. lib, 16. ad Atticum.

Art. Poet.

« PreviousContinue »