Page images
PDF
EPUB

qu'elle ne fut pas mieux défendue devant le peuple. De NOTHUS. plus de trois mille citoiens qui compofoient l'affemblée, deux feulement en prirent la défenfe, Euriptolemus & Axiochus Platon nous en a confervé les noms, & il a donné celui du dernier au dialogue, d'où j'ai tiré une partie de mes réflexions.

que

La même année fe donna le combat des Arginuses, AN. M 3598. Denys s'empara de la tyrannie en Sicile. Je diffère à en Av.J.C.406. parler dans le Volume fuivant, où je raporterai de fuite l'histoire des Tyrans de Syracuse.

§. VI. Lyfandre commande la flote des Lacédémoniens. Cyrus eft rappellé à la Cour par fon pere. Lyfandre remporte près d'Ægos-potamos une célébre victoire contre les Athéniens.·

Année XXVII & derniére de la guerre du Péloponnéfe.

454..

Diod. lib. 13.

AN. M. 3599.

Av. J. C. 405.

APRÈS la défaite des Arginufes, les affaires des Pélo- Xenoph. Helponnéfiens étant allées en décadence, les alliés, appuiés len. lib. a. pag. en cela du crédit de Cyrus, envoiérent une ambassade à Plut. in Lyf. Sparte, pour demander qu'on donnât encore le comman- pag: 436 437. dement de la flote à Lyfandre, avec promeffe de fervir pag 223. avec plus d'affection & de courage s'il les commandoit. Comme il y avoit à Sparte une loi qui défendoit que le même homme fût deux fois Amiral, les Lacédémoniens qui vouloient faire plaifir aux alliés, donnérent le titre d'Amiral à un certain Aracus, & envoiérent avec lui Lyfandre, à qui ils ne donnérent en apparence que le titre de Vice-Amiral, mais qu'ils revétirent en effet de toute l'autorité de l'Amiral même.

Tous ceux qui dans les villes avoient le plus de part au gouvernement, & y étoient le plus en crédit, le virent arriver avec une extrême joie, le promettant tout de fon autorité pour achever de détruire par tout la Démocratie. Son caractére complaifant pour fes amis, & indulgent pour toutes leurs fautes, accommodoit bien mieux leurs vûes ambitieufes & injuftes, que l'austére équité de Callicratidas. Car Lyfandre étoit un homme profondément

Tome II.

Vuu

DARIUS Corrompu, & qui faifoit gloire de n'avoir nul prin. cipe fur la vertu & fur les devoirs les plus facrés. Il ne faifoit aucun fcrupule d'emploier en tout la rufe & la fourberie. Il n'eftimoit la juftice qu'autant qu'elle pouvoit lui fervir; & quand elle ne favorifoit point fes intérêts, il lui préféroit fans hésiter l'utile, qui chez lui étoit le feul beau & le feul honnête, perfuadé que la vérité n'avoit, par fa nature, nul avantage fur le menfonge, & qu'il faloit mefurer le prix de l'une & de l'autre au profit qui en revenoit, Et pour ceux qui lui repréfentoient que c'étoit une chofe indigne des descendans d'Hercule d'emploier le dol & la fraude, il s'en moquoit ouvertement. Car, difoit-il, par tout où la peau du lion ne peut atteindre, il faut y coudre la peau du renard.

Xenoph. Hel

454

On raporte de lui un mot, qui marque bien le peu de compte qu'il faifoit de fe parjurer. Il avoit coutume de dire * qu'on amufoit les enfans avec des offelets, & les hom mes avec les fermens, montrant par une irreligion fi déclarée qu'il faifoit encore moins de cas des dieux que de fes ennemis. Car celui qui trompe par un faux ferment, dé clare ouvertement par là qu'il craint fon ennemi, mais qu'il méprife Dieu.

Ici finit la vingt-fixième année de la guerre du Péloten. lib. 2. p. ponnése. C'est dans cette année que le jeune Cyrus, ébloui de l'éclat du commandement auquel il étoit. peu accoutu mé, & jaloux des moindres marques d'honneur qui pou voient relever fon rang & fon autorité, découvrit par une action éclatante le fecret de fon cœur. Elevé dès l'enfance dans la maison régnante, nourri à l'ombre du trône parmi les foumiffions & les profternemens des gens de Cour, entretenu de longue main, par les difcours d'une mere ambitieufe qui l'idolatroit, dans le defir & l'efpérance de la roiauté, il commençoit déja à en exercer les droits & à en exiger les refpects avec une hauteur & une rigidité qui

Le texte grec peut recevoir un autre fens, qui n'eft peut-être pas moins lon: Que les enfans pouvoient tromper, ufer de fupercherie (c'est ce qu'ils appellent tricher

au jeu des offelets, & les hommes dans les fermens. Εκέλευε τις μέν παῖδας ἀτραγάλους, τις δ' άνδρας όρχεις ἐξαπατῶν.

&

étonnent. Deux Perfes de la famille roiale, fes coufins ger- NOTHUS. mains, & dont la mere étoit foeur de Darius fon pere, avoient manqué de fe couvrir les mains de leurs manches en fa prefence, felon le cérémonial qui ne s'observoit qu'à l'égard des Rois de Perfe. Cyrus, choqué de cette omiffion comme d'un crime capital, les condanna à mort, les fit impitoiablement exécuter à Sardes. Darius, aux piés de qui les parens vinrent fe jetter pour lui demander justice, fut fort touché de la mort tragique de fes deux neveux, & regarda cette action de fon fils comme un attentat contre lui-même, à qui feul cet honneur étoit dû. Il prit la résolution de lui ôter fon gouvernement, & il le manda à la Cour fous prétexte qu'étant malade il avoit envie de le voir.

Avant que de partir pour s'y rendre, Cyrus fit venir Lyfandre à Sardes, & lui remit en main de groffes fommes d'argent pour paier fa flote, lui en promettant encore da vantage pour l'avenir. Et par une oftentation de jeune homme, pour lui faire voir combien il avoit envie de lui faire plaifir, il l'affura que quand le Roi fon pere ne lui fourniroit rien, il lui donneroit plutôt du fien propre; & que fi tout venoit à lui manquer, il feroit fondre fon trône d'or & d'argent maffif, fur lequel il s'affeioit pour rendre la justice. Enfin, sur le point de partir, il lui donna le pouvoir de recevoir les tributs & les revenus des villes, lui confia le gouvernement de fes provinces, & l'embraffant il le conjura de ne point donner de bataille en fon abfence s'il n'étoit fupérieur en force, parce que le Roi ni lui ne manquoient pas de pouvoir ni de volonté pour le rendre plus puiffant que fes ennemis, & il lui promit, avec les affurances les plus fortes de fon affection, de lui amener grand nombre de vaiffeaux de la Phénicie & de la Cilicie.

fes

len.lib.2.

.pag.

Id. in Alcib.

Après le départ de ce Prince, Lyfandre tourna du Xenoph.Hel côté de l'Hellefpont, & mit le fiége par mer devant 455-458. Lampfaque. Thorax s'y étant rendu en même tems avec Plut. in Lyf. troupes de terre, donna l'affaut de fon côté. La ville pag: 437-440 fut emportée de force, & Lyfandre l'abandonna au pilla- pag 212. ge. Les Athéniens, qui le fuivoient de près, mouillérent pag. 223-226. au port d'Eléonte dans la Cherfonnéfe avec cent quatre

Diod. lib. 13.

DARIUS vingts galéres. Mais fur la nouvelle de la prise de Lampfa que, ils allérent promtement à Sefte, & après s'y être fournis de vivres, ils firent voile, en remontant le long de *La rivière la côte, jufqu'à un lieu appellé * Agos-potamos, où ils de la chevre s'arrétérent vis-à-vis des ennemis qui étoient encore à l'ancre devant Lampfaque. L'Hellefpont n'a pas dans cet endroit deux mille pas de largeur. Les deux armées fe voiant fi proche, toutes les troupes ne penférent qu'à fe repofer ce jour-là, dans l'efpérance que dès le lendemain on en viendroit à une bataille.

Mais Lyfandre rouloit un autre deffein dans son esprit. Il commanda à fes matelots & à fes pilotes de monter fur leurs galéres, comme fi effectivement on eût dû combattre le lendemain à la pointe du jour, de fe tenir là, & d'y attendre fes ordres dans un profond filence. Il commanda de même à fon armée de terre de fe tenir tranquillement en bataille fur la côte en attendant le jour. Le lendemain, dès que le foleil fut levé, les Athéniens commencérent à voguer contre eux avec toute leur flote fur une ligne, & à les défier. Lyfandre, quoique les galéres fuffent bien rangées en bataille les proues tournées contre l'ennemi, fe tint en repos, & ne fit aucun mouvement. Sur le foir les Athéniens s'en étant retournés, il ne permit à fes foldats de defcendre à terre qu'après que deux ou trois galéres, qu'il avoit envoiées à la découverte, furent de retour, & qu'elles eurent raporté qu'elles avoient vû débarquer les ennemis. Le lendemain on fit la même manœuvre, le troifiéme jour encore, & jufqu'au quatrié me. Cette conduite, qui montroit de la réferve & de la timidité, augmenta extrêmement la confiance & l'audace des Athéniens, & leur infpira un grand mépris pour une armée, que la crainte, felon eux, empéchoit de paroitre & de rien tenter.

Sur ces entrefaites, Alcibiade, qui étoit près de là, montant à cheval, vint trouver les Généraux Athéniens, & leur représenta qu'ils fe tenoient fur une côte fort def avantageufe, où ils n'avoient ni ports, ni villes voifines; qu'ils étoient obligés de faire venir avec beaucoup de peine & de danger leurs provifions de Sefte; & qu'ils

avoient grand tort de fouffrir que les gens de l'équipage, NOTHUS. dès qu'ils étoient à terre, s'éloignaffent & s'écartaffent chacun de fon côté, pendant qu'ils voioient vis-à-vis d'eux une flote ennemie, accoutumée à exécuter avec une promte obéiffance & au plus léger fignal les ordres du Général. Il offroit même de venir attaquer par terre les ennemis avec de nombreuses troupes de Thrace, & de les forcer de combattre. Les Généraux, fur-tout Tydée & Ménandre, jaloux du commandement, ne fe contentérent pas de refuser ses offres, dans la pensée que fi le fuccès des armes étoit malheureux, tout le blâme en retomberoit fur eux, & que s'il étoit favorable, Alcibiade en auroit tout l'honneur: mais ils rejettérent encore avec infulte ces confeils fi fages & fi falutaires, comme fi un homme difgracié perdoit le fens & l'efprit en perdant la faveur de fa République. Alcibiade fe retira.

Le cinquième jour, les Athéniens fe préfentérent encore pour donner la bataille, & fe retirérent le foir comme de coutume avec des airs encore plus infultans que les premiers jours. Lyfandre détacha à l'ordinaire quelques galéres pour les obferver, avec ordre de retourner en toute diligence dès qu'ils auroient vû les Athéniens defcendus à terre, & d'élever fur chaque proue un bouclier d'airain quand ils feroient arrivés au milieu du canal. Lui cependant fur fa galére parcouroit toute la ligne, en exhortant les pilotes & les Officiers à tenir les matelots & les foldats prêts à voguer & à combattre au premier signal. Dès que le bouclier fut élevé fur la proue, & que de la galére Amirale le fon de la trompette eut donné le fignal, toute la flote en belle ordonnance partit. En même tems l'armée de terre se hâta de monter für le promontoi re pour voir le combat. En cet endroit le canal qui fépare les deux continens, n'a de largeur qu'environ quinze sta- 1875 pas des, c'est-à-dire trois quarts de lieue. Cet efpace fut bientôt franchi par les efforts & par la diligence des rameurs. Conon, Général des Athéniens, fut le premier qui aperçut de terre cette flote qui venoit l'affaillir en grand appareil. Il fe mit donc d'abord à crier qu'on s'embarquât. Saifi de douleur & de trouble, il appelle ceux-ci par leur nom, il

« PreviousContinue »