Page images
PDF
EPUB

qui engagea les habitans de ces deux villes à lui décerner LONGUEaprès la mort les honneurs qu'on rendoit aux Héros ou MAIN. demi-dieux, parce qu'ils le regardoient comme leur fondateur.

7

Il témoigna beaucoup de bonté aux enfans d'Anaxilaüs, ibid.pag. 59. qui avoit été tyran de Zancle, & grand ami de Gélon fon frere. Comme ils étoient parvenus à l'âge viril, il les exhorta à prendre en main les rénes du gouvernement, après s'être fait rendre compte par leur tuteur, qui s'appelloit Micythe. Celui-ci, aiant assemblé les plus proches parens & les meilleurs amis des jeunes Princes, rendit en leur préfence un fi bon compte de fa tutéle, que tous ravis en admiration, donnérent des louanges extraordinaires à fa prudence, à fa bonne foi, & à fa juftice. La chofe alla fi loin, que les jeunes Princes même le prefférent très vivement de vouloir bien continuer à fe charger du gouvernement comme il avoit fait jufques-là. Mais le fage Tuteur, préférant la douceur du repos à l'éclat du commandement, & d'ailleurs perfuadé que l'intérêt de l'Etat demandoit que les jeunes Princes gouvernaffent par eux-mêmes, prit le parti de la retraite. Hiéron mourut après avoir régné onze ans.

III. T H RAS Y BULE.

SON FRERE Thrafybule lui fuccéda; & contribua Diod. lib. 11; beaucoup par fa mauvaise conduite à le faire regretter, pag. 51. 52. Plein d'orgueil, & d'une fierté brutale, il comptoit pour rien les hommes, croiant qu'ils n'étoient faits que pour lui, & qu'il étoit d'une autre nature qu'eux. Il fe livra entiérement au confeil flateur des jeunes infenfés qui l'environnoient. Il traitoit tous fes fujets avec la derniére dureté, banniffant les uns, confifquant le bien des autres, & en faifant mourir un grand nombre. Les Syracufains ne purent fouffrir lontems une fi dure fervitude. Ils appellérent à leur fecours les villes voifines, intéreffées comme eux à fecouer le joug de la tyrannie. Thrafybule fut affiégé dans Syracufe même, dont il avoit retenu une partie fous fa domination, favoir l'Achradine, & l'Ile, qui étoit très

V u iij

ART A- fortifiée; le troifiéme quartier de la ville, nommé Tyque, XERXE étoit entre les mains de fes ennemis. Après une affez foible résistance, aiant demandé à capituler, il quitta la ville, & fe retira en exil chez les Locriens. Il n'avoit été fur le trône qu'un an. Syracufe rentra ainfi en liberté. Elle délivra auffi les autres villes de Sicile de la tyrannie, établit par tout le gouvernement populaire, & s'y maintint ellemême pendant foixante ans jufqu'au tems de Denys le Tyran, qui l'affervit de nouveau.

AN. M. 3544.

Diod. lib. 11,

2.35.06.

DEPUIS que la Sicile eut été délivrée de la dominaAv. J. C. 460. tion des Tyrans, & que la liberté eut été rendue à toutes les villes, comme le pays par lui-même étoit extrêmement fertile, & que la paix dont on jouiffoit par tout laiffoit tout le loifir de s'appliquer à la culture des terres, & à la nourriture des troupeaux, les peuples de cette île devinrent fort puiffans, & amafférent de grandes richeffes. Pour conferver à jamais la mémoire de l'heureux jour où ils avoient fecoué le joug de la fervitude par l'exil de Thrafybule, ils ordonnérent dans l'affemblée générale de la nation, que l'on érigeroit une ftatue coloffale à Jupiter Libérateur; que tous les ans, dans ce jour-là, on célébreroit une fête folennelle en action de graces du rétablissement de la liberté, & qu'on immoleroit aux dieux quatre cens cinquante taureaux, qui ferviroient auffi à traiter le peuple dans un feftin commun.

croi

Il refta toujours néanmoins dans l'efprit de plufieurs particuliers je ne fai quel levain fecret de tyrannie, qui troubla fouvent la douceur de cette paix, & caufa dans la Sicile divers mouvemens, dans le détail defquels je ne bid. pag. 65. pas devoir defcendre. Pour en prévenir l'effet, on établit à Syracufe le Pétalisme, qui étoit à peu près la même chofe que l'Oftracisme à Athènes, & qu'on appella ainfi du mot grec Troy qui fignifie une feuille, parce qu'on donnoit fon fuffrage fur une feuille d'olivier. Ce jugement s'exerçoit contre les citoiens dont la puiffance donnoit lieu de craindre qu'ils ne fongeaflent à fe faire tyrans, & les banniffoit pour dix ans : mais il ne fubfifta pas lontems, & fut bientôt aboli, parce que la crainte d'y fuccomber, aiant porté les plus gens de bien à fe retirer, & à renon

cer au gouvernement, les premiéres places n'étoient plus LONGUEremplies que par ceux des citoiens qui avoient le moins

de mérite.

MAIN.

DEUCETIUS, felon Diodore, étoit Chef des peuples Diod. p. 67-70. appellés proprement Siciliens. Les aiant tous réunis en un feul corps, excepté ceux d'Hybla, il devint fort puiffant, & forma plufieurs grandes entreprises. Ce fut lui qui bâtit la ville Palica, près du temple des dieux nommés Palici. Ce temple étoit fort célébre par quelques merveilles qu'on en raconte, & encore plus par la fainteté & la religion des fermens qu'on y prétoit, dont on dit que le violement étoit toujours fuivi d'une punition promte & exemplaire. C'étoit un afyle affuré pour tous ceux qu'une puiffance fupérieure accabloit, & fur-tout pour les efclaves véxés injuftement par leurs maîtres, ou traités par eux trop cruellement. Ils y demeuroient en fûreté, jusqu'à ce que des arbitres & des médiateurs euffent fait leur paix; & il n'y avoit point d'exemple que jamais aucun maître eût manqué à la parole qu'il avoit donnée de pardonner à fes efclaves, tant les dieux qui préfidoient à ce temple étoient en réputation de venger févérement le parjure.

Ce Deucétius, après plufieurs fuccès fort heureux, & plufieurs actions où il avoit remporté de grands avantages fur les ennemis, & en particulier fur les Syracufains, vit tout d'un coup changer fa fortune par la perte d'une bataille, & fut abandonné de prefque toutes fes troupes. Dans la confternation & l'abbattement où le jetta une défertion fi fubite & fi générale, il prit une réfolution que le défefpoir feul pouvoit lui infpirer. Il fe retira fur le foir & de nuit à Syracufe, avança jufques dans la place publique; & là, humble fuppliant profterné aux piés des autels, il abandonna fa vie & fes Etats à la merci des Syracufains, c'est-à-dire de fes ennemis déclarés. La fingularité du fpectacle attira un grand concours du peuple. Les Magiftrats auffitôt convoquérent l'affemblée, & mirent l'affaire en délibération. On commença par entendre les Orateurs, chargés ordinairement de haranguer le peuple, qui l'animérent extrêmement contre Deucétius, comme contre un ennemi public, que la Providence elle-même

[ocr errors]

ART A- fembloit leur préfenter, pour venger & punir par fa mort XERXE tous les torts qu'il avoit faits à la République. Un tel dif cours fit horreur à tout ce qu'il y avoit de gens de bien dans l'affemblée. Les plus fages & les plus anciens d'entre les Sénateurs représentérent, » Qu'il ne faloit pas confi » dérer ici ce que méritoit Deucétius, mais ce qui conve » noit aux Syracufains: Qu'ils ne devoient plus envisager » en lui un ennemi, mais un fuppliant, qualité qui ren, » doit fa perfonne facrée & inviolable: Qu'il y avoit une » déeffe (elle s'appelloit Néméfis ) vengereffe des crimes, » fur-tout de la cruauté & de l'impiété, laquelle fans » doute ne laifferoit pas celle ci impunie: Qu'outre qu'il y a de la baffeffe & de l'inhumanité d'infulter à » l'infortune des malheureux, & de vouloir écrafer ceux » qu'on trouve déja abbatus fous fes piés, il étoit de la » grandeur & du bon naturel des Syracufains de faire pa»roitre de la bonté & de la clémence à l'égard de ceux » même qui en font le moins dignes, » Tout le peuple fe rendit à cet avis, & d'un commun confentement conserva la vie à Deucétius. La ville de Corinthe, métropole & fondatrice de Syracufe, lui fut marquée pour lieu de sa retraite, & les Syracufains s'engagérent à lui fournir tout ce qui lui étoit néceffaire pour y vivre honorablement. Qui ne comprend pas, en comparant ces deux avis, quel côté eft le beau & le grand ?

de

§. II. De quelques perfonnes & de quelques villes célébres dans la grande Gréce. Pythagore, Charondas, Zaleucus, Milon l'Athléte: Crotone, Sybaris, Thurium.

1. Pythagore.

EN TRAITANT de ce qui regarde la Grande Grèce en Italie, je ne dois pas omettre Pythagore, qui en a fait Diog. Laer. l'honneur. Il étoit de Samos. Après avoir parcouru beauAN. M. 3480. Coup de pays, & s'être enrichi l'esprit d'un grand nombre Av. J. C. $24. de rares connoiffances, il revint dans fa patrie, où il ne fit pas un long séjour à cause du gouvernement tyrannique

in vit. Pythag.

qu'il y trouva établi par Polycrate, qui avoit néanmoins LONGUEpour lui tous les égards poffibles, & qui faifoit de fon MAIN. mérite le cas qu'il devoit. Mais l'étude des fciences, & fur-tout de la philofophie, ne peut guéres s'accorder avec la fervitude, même la plus douce & la plus honorable. Il paffa donc en Italie, & fit fa demeure ordinaire à Crotone,

à Métapont, à Héraclée, à Tarente. Servius Tullius, ou Liv. lib. 1. Tarquin le fuperbe, régnoit pour lors à Rome: ce qui dé- n. 18. truit abfolument l'opinion de ceux qui croioient que Numa Pompilius, fecond roi des Romains, qui vivoit plus de cent ans auparavant, avoit été difciple de Pythagore, opinion fondée apparemment fur la reffemblance de leurs mœurs, de leur caractére, & de leurs principes.

a Tout le pays fe reffentit bientôt de la préfence de ce grave Philofophe. Le goût de l'étude, & l'amour de la fageffe, s'y répandirent prefque généralement en fort peu de tems. On accouroit de toutes les villes voisines pour voir Pythagore, pour l'entendre, & pour profiter de fes falutaires avis. Tous les Princes du pays fe faifoient un plaifir & un honneur de l'avoir chez eux, de s'entretenir avec lui, & de prendre de fes leçons fur la maniére de gouverner fagement les peuples. Son école devint la plus célébre qui eût encore été. Il n'avoit pas moins de quatre ou cinq cens difciples. Avant que de les admettre dans ce il les éprouvoit dans une efpéce de noviciat qui duroit cinq ans, & pendant tout ce tems-là il les condannoit à un rigoureux filence, parce qu'il vouloit qu'ils fuffent inftruits avant que de parler. J'exposerai quels étoient fes dogmes & fes fentimens, lorfque je parlerai des différentes fectes des Philofophes: tout le monde fait que la métempsycofe en étoit un des principaux. Ses difciples avoient un grand respect pour tout ce qui fortoit de fa bouche, & fans autre examen, il fuffifoit qu'il eût parlé pour faire croire ; & pour affurer que quelque chofe étoit vrai ils avoient coutume de s'exprimer ainfi : Le Maitre l'a Auris qui dit. C'étoit porter trop loin la déférence & la docilité,

rang,

a Pythagoras, cùm in Italiam venifft, exornavit eam Graciam, quæ magna dicta est, & privatim Tome II

fe

[blocks in formation]
« PreviousContinue »