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Flat. lib. 3. de leg. p. 680.

villes, colonies des Grecs. C'est celui qui a été fuivi par Sapho & Alcée, dont il refte peu de chose. On le trouve auffi mélé dans Théocrite, Pindare, Homére, & dans plufieurs autres.

ARTICLE VI

Gouvernement Républicain, établi prefque généralement dans toute la Gréce.

ON A PU remarquer dans le peu que j'ai dit des divers établissemens de la Gréce, que le fonds primordial de tous ces différens Etats étoit le gouvernement monarchique, le plus ancien de tous, le plus univerfellement répandu, le plus propre à entretenir la paix & la concorde, comme l'obferve Platon, formé fur le modèle de l'autorité paternelle, & de cet empire doux & modéré que les peres exerçoient dans leur famille.

&,

les

Les chofes aiant dégénéré peu-à-peu par l'injuftice des ufurpateurs, par la dureté des maîtres légitimes, par foulèvemens des peuples, & par mille autres révolutions qui arrivérent dans ces Etats; un efprit tout contraire au premier s'empara de la Gréce entiére; y alluma un defir violent de la liberté, & établit par tout, excepté dans la Macédoine, un gouvernement républicain, mais varié en prefque autant de maniéres qu'il y avoit de différentes villes, felon le génie & le caractère de chacun des peuples..

Il refta toujours néanmoins je ne fai quel levain de l'ancienne domination, qui réveilla de tems en tems l'ambition de plufieurs citoiens, & leur infpira le defir de fe rendre maîtres de leur patrie. Dans prefque tous ces petits Etats de la Gréce on vit fouvent des particuliers, qui n'aiant aucun droit au trône ni par leur naiffance, ni par le choix des citoiens, cherchérent à s'y élever par cabale, par trahifon, par violence; & qui, fans refpect pour les loix, fans égard pour le bien public, exercérent l'autorité fouveraine avec un empire defpotique & un pouvoir arbitraire. Pour fe maintenir dans leur injufte ufurpation au milieu des défiances & des allarmes, ils fe crurent obligés

de prévenir de fauffes conjurations, ou de réprimer des confpirations réelles par les plus cruelles profcriptions, & de facrifier à leur fûreté tous ceux que leur mérite, leur rang, leurs richesses, leur zêle pour la liberté, leur amour pour la patrie, rendoient fufpects à un gouvernement foupçonneux & mal affermi, qui fentoit bien qu'il étoit haï de tous, & qu'il méritoit de l'être. C'eft cette conduite inhumaine qui rendit ces hommes fi odieux fous le nom de Tyrans, & qui fournit une fi ample matiére aux déclamations des orateurs, & aux représentations tragiques du théatre.

*

De toutes ces villes & de toutes ces parties de la Gréce, féparées entiérement, ce femble, les unes des autres par leurs loix, leurs coutumes, leurs intérêts, fe forma néanmoins un feul tout & un corps unique, dont les forces s'accrurent jufqu'au point de faire trembler la puiffance formidable des Perfes fous Darius & Xerxès, & qui l'auroit peut-être abfolument détruite dès lors, fi la Gréce avoit pu fe maintenir dans cette union & cette concorde qui la rendoit invincible. C'eft le fpectacle qui va nous occuper dans la fuite, & qui mérite certainement toute l'attention des Lecteurs. Nous verrons, dans les volumes qui fuivront, un petit peuple, renfermé dans l'enceinte d'un pays qui n'égaloit pas le quart de la France, aux prifes avec le plus puiffant Empire qui fût alors fur la terre; & nous le verrons, non feulement tenir tête aux armées in. nombrables des Perfes, mais les diffiper, les mettre en fuite, les tailler en pièces, & réduire quelquefois l'orgueil Perfan à accepter des conditions de paix aussi honteufes pour les vaincus, que glorieufes pour les vainqueurs.

Parmi les villes de la Grèce, deux fe diftinguérent particuliérement, & s'acquirent une autorité & une forte de fupériorité fur toutes les autres, que le mérite feul leur attira: c'eft Lacédémone & Athénes. Comme elles foutiendront un grand personnage dans l'histoire qui va fuivre, avant que d'entrer dans ce détail, je croi devoir donner par avance quelque idée du génie, du caractére, *Cenom, dans fon origine, figni- aux Princes légitimes. froit Roi, & fe donnoit anciennement

des mœurs, du gouvernement de ces deux peuples. Plutarque, dans les vies de Lycurgue & de Solon, me fournira la principale partie de ce que j'ai à dire sur ce sujet.

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Gouvernement de Lacédémone: Loix établies par
Lycurgue.

IL N'Y A peutêtre rien dans toute l'hiftoire profane de plus attesté, ni en même tems de plus incroiable, que ce qui regarde le gouvernement de Lacédémone, & la Plat. in vit. difcipline que Lycurgue y avoit établie. Ce Législateur Lycurg. P. 40. étoit fils d'Eunomus, l'un des deux rois qui commandoient enfemble à Sparte. Il lui eût été facile de monter fur le trône, après la mort de fon frere aîné qui n'avoit point laiffé d'enfant mâle; & il fut roi en effet pendant quelques jours. Mais, dès que la groffeffe de fa belle-foeur fut connue, il déclara que la roiauté appartenoit à l'enfant qui en naîtroit, si c'étoit un fils, & dès ce moment il adminiftra le roiaume comme fon tuteur. Cependant la veuve lui envoia dire fous main, que s'il vouloit lui promettre de l'époufer quand il feroit roi, elle feroit périr fon fruit.Une propofition fi déteftable fit horreur à Lycurgue: il diffimula néanmoins, & amufant cette femme par différens prétextes, il la mena jufqu'à fon terme. Quand l'enfant fut né, il le déclara roi, & le fit nourrir avec grand soin. La joie que fa naissance caufa au peuple, le fit nommer

Pag. 41.

CHARILAÜS.

L'Etat étoit pour lors dans un grand défordre, l'autorité des Rois étant abfolument méprifée, & celle des Loix encore plus. Nul frein ne pouvoit retenir l'audace du peuple, qui alloit tous les jours en croiffant.

Lycurgue conçut le hardi deffein de réformer en tout le gouvernement de Lacédémone : & pour être en état d'y établir de plus fages réglemens, il jugea à propos de faire plufieurs voiages, afin de connoitre par lui-même les différentes mœurs des peuples, & de confulter ce qu'il y avoit de perfonnes plus habiles & plus expérimentées dans

l'art de gouverner. Il commença par l'île de Créte, dont les loix dures & auftéres étoient fort célébres: il paffa de là en Afie, où régnoit une conduite toute oppofée: & enfin il fe rendit en Egypte, le domicile des fciences, de la fageffe, & des bons confeils.

Sa longue abfence ne fervit qu'à le faire plus defirer Pag. 4ыi de fes citoiens; & les Rois mêmes prefférent fon retour, fentant bien qu'ils avoient befoin de fon autorité pour contenir le peuple dans le devoir & dans l'obéiffance. Dès qu'il fut retourné à Sparte, il travailla à changer toute la forme du gouvernement, perfuadé que quelques loix particuliéres ne produiroient pas un grand effet.

Mais avant que d'exécuter fon deffein, il alla à Delphes pour confulter Apollon ; & après avoir offert fon facrifice, il reçut cet oracle fi célébre, dans lequel la Prétreffe l'appelloit Ami des dieux, & dieu plutôt qu'homme. Et quant à la grace qu'il avoit demandée de pouvoir établir de bonnes loix dans fon pays, elle lui déclaroit que le dieu avoit exaucé fes prières, & que la République qu'il alloit former, feroit la plus excellente République qui eût ja

mais été.

Etant revenu à Lacédémone, il commença par gagner les principaux de la ville, à qui il communiqua fes vues; & s'étant affuré de leur confentement, il vint dans la place publique accompagné de gens armés, pour étonner & pour intimider ceux qui voudroient s'oppofer à fon entreprise. On peut rappeller à trois principaux établiffemens la nouvelle forme de gouvernement qu'il introduifit à La

cédémone.

1. ETABLISSEMENT. Sénat.

DE TOUS les nouveaux établissemens de Lycurgue, Plut. in Lye. le plus grand & le plus confidérable fut celui du Sénat, pag. 42. lequel, comme dit Platon, tempérant la puiffance trop abfolue des rois par une autorité égale à la leur, fut la principale caufe du falut de cet Etat. Car au lieu qu'au paravant il étoit toujours chancelant, & qu'il panchoit tantôt vers la tyrannie par la violence des rois, tantôt vers la Démocratie par le pouvoir trop abfolu du peuple, ce

gnifie Control

teur.

*

Sénat lui fervit comme d'un contrepoids qui le maintint dans l'équilibre, & qui lui donna une affiette ferme & affurée: les vingt-huit Sénateurs qui le compofoient fe rangeant du côté des Rois quand le peuple vouloit se rendre trop puissant, & fortifiant au contraire le parti du peuple quand les Rois vouloient porter trop loin leur autorité.

Lycurgue aiant ainfi tempéré le gouvernement, ceux qui vinrent après lui trouvérent la puiffance des Trente, qui compofoient le Sénat, encore trop forte & trop abfolue: c'eft pourquoi ils lui donnèrent un frein en lui oppo* Ephore fi fant l'autorité des Ephores environ cent trente ans après Leur, Infpec- Lycurgue. Les Ephores étoient au nombre de cinq, & ne demeuroient qu'un an en charge. Ils étoient tous tirés du peuple, & par là reffembloient affez aux Tribuns du peuple chez les Romains. Ils avoient droit de faire arréter les Rois, & de les faire mener en prifon, comme cela arriva à l'égard de Paufanias. Ce fut fous le roi Théopompe que commencérent les Ephores. Sa femme lui aiant reproché qu'il laifferoit à ses enfans la roiauté beaucoup moindre qu'il ne l'avoit reçûe, il lui répondit: Au contraire, je la leur laisserai plus grande, parce qu'elle fera plus

durable.

Le gouvernement de Lacédémone n'étoit donc pas purement monarchique: les Grands y avoient beaucoup de part, & le peuple n'en étoit pas exclus. Toutes les parties de ce corps politique, à mesure qu'elles confpiroient au bien général, y trouvoient le leur: en forte que, malgré l'inquiétude & l'inconftance du cœur humain, qui foupire toujours après le changement, & ne fe guérit jamais de fon dégoût pour l'uniformité, Lacédémone pendant plus de fept cens ans fe maintint dans l'obfervation de fes loix.

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