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Macédoine, pour lui demander qu'il donnât la terre & DARIUS. l'eau à Darius fon maître : c'étoit la formule ordinaire de foumiffion. Amyntas accorda fans peine ce qu'on defiroit de lui, & fit à ces envoiés tout l'honneur poffible. Dans un repas qu'il leur donna, ils demandérent vers la fin qu'on fit venir les Dames, ce qui étoit contre l'ufage du pays: cependant le Roi n'ofa le leur refufer. Echaufés le vin, & fe croiant tout permis comme dans leur pays, ils gardérent peu de mefures à l'égard de ces Princeffes. Le fils du Roi, nommé Alexandre, n'avoit pu voir fans une extrême indignation la maniére dont on avoit traité sa mere & fes foeurs. Il les fit fortir de la falle fous quelque prétexte, comme pour y revenir bientôt après, & eut auffi la précaution de faire retirer le Roi fon pere. Dans l'intervalle il fit habiller en femmes de jeunes gens, qu'il arma de poignards fous leurs habits. Quand les prétendues Dames furent rentrées, & que les Députés fe mirent en état de les traiter comme ils avoient déja fait auparavant, alors les poignards furent tires, & l'on fit main-baffe fur les Seigneurs Perfans & fur toute leur fuite, fans qu'un feul de leurs gens fût épargné. On n'ignora pas cette exécution à Sufe, & l'on y nomma des Commiffaires pour en infor mer: mais Alexandre, à force de préfens, étoufa l'affaire, & elle n'eut point de suites.

cap. 40.

Les Scythes, pour fe venger de l'invafion que Darius Herod. lib. 6. avoit faite dans leur pays, pafférent le Danube, & ravagerent toute cette partie de la Thrace qui s'étoit foumife aux Perfes jufqu'à l'Hellefpont. Miltiade, pour éviter leur fureur, abandonna la Cherfonnéfe: mais après la retraite des ennemis il y retourna, & fut rétabli dans le même pouvoir qu'il avoit auparavant fur les habitans du pays.

§. V. Darius fait la conquête de l'Inde.

AN. M. 3496.
Av. J. C. 508.

VERS le même tems, ( c'étoit la treizième année du régne de Darius) ce Prince voulant étendre fa domina tion du côté de l'orient, pour se faciliter la conquête de ces pays-là forma le deffein d'en faire auparavant la décou verte. Pour cet effet il fit conftruire & équiper une flote à Herod. lib. 3.

cap. 44.

* Il entend la

Scythie Afati

que.

DARIUS. Cafpatyre, ville fituée fur l'Inde, & en plufieurs autres endroits fur le même fleuve, jufques aux frontières de * Scythie. Il en donna le commandement à Scylax, Grec de Caryandie ville de Carie, qui entendoit parfaitement bien la marine. Il lui donna ordre de defcendre ce fleuve, & de découvrir, autant qu'il lui feroit poffible, tous les pays qui étoient le long de fes bords d'un & d'autre côté, jufqu'à fon embouchure, de paffer de là dans l'océan méridional, & de prendre enfuite fa route vers l'occident, pour retourner par là dans fon pays. Scylax * aiant exacte. ment exécuté fes ordres, & parcouru le fleuve de l'Inde, entra par le détroit de Babelmandel dans la mer rouge, & après un voiage de trente mois depuis fon départ de Caf Herod. lib.3. patyre, il aborda en Egypte dans le même port, d'où autrefois Néchao roi d'Egypte avoit fait partir les Phéniciens qui étoient à fon fervice, pour faire le tour des côtes d'Afrique. Il y a beaucoup d'apparence que ce port eft le même que celui où eft aujourd'hui fituée la ville de Suez au fond de la mer rouge. De là il se transporta à Suse, où il rendit compte à Darius de fes découvertes. Après cela Darius entra dans les Indes avec une armée, & réduifit tout ce grand pays fous fa domination. On s'attendroit naturellement à connoitre les circonftances d'une guerre fi Lib. 3. cap. importante. Hérodote n'en dit pas un mot. Il nous apprend feulement que le pays des Indes faifoit le vingtiéme des gouvernemens de l'empire de ce Prince, & qu'il lui raportoit tous les ans trois cens foixante talens d'or, ce qui montë à près d'onze millions.

cap. 42.

AN. M. 3500.

§. VI. Revolte des Ioniens,

DEPUIS que Darius fut revenu à Sufe après fon expédi Av. J. C.so tion de Scythie, il avoit donné le gouvernement de Sardes Herod. lib. 5. cap. 25. à Artapherne un de fes freres, & à Otane le commandement en chef de la Thrace, & des pays voifins le long de la mer, à la place de Mégabyse.

* Nous avons un ouvrage de géographie, intitulé Cires, & compofé par un Scylax de Caryandie, qu'on Groit être le même que celui dont il

eft parlé ici. Cette opinion fouffre pourtant quelques difficultés, qui ont donné lieu à plufieurs favantes disser

tations.

Une

Herod. lib. 5.

cap.28-34.

Une légére étincelle, formée par une fédition qui s'éleva DARIUS. à Naxe, alluma un grand incendie, & donna lieu à une guerre confidérable. Naxe étoit la plus puiffante île des Cyclades dans la mer Egée, aujourd'hui l'Archipel. Les principaux habitans aiant été accablés par le plus grand nombre, plufieurs des riches furent chaffès de l'île, & exilés. Ils fe réfugiérent à Milet, où ils implorérent l'affiftance d'Ariftagore, pour les faire rétablir dans leur patrie. Il gouvernoit alors cette ville comme Lieutenant d'Hyftiée dont il étoit neveu & gendre, & que Darius avoit emmené avec lui à Sufe. Ariftagore promit aux exilés tous les secours qu'ils demandoient.

Mais n'étant pas affez puiffant de lui-même pour exécuter ce qu'il avoit projetté, il se rendit à Sardes, & com muniqua l'affaire à Artapherne. Il lui repréfenta que c'étoit là une occafion très-favorable pour réduire Naxe fous la puiffance du Roi: que fi une fois il en étoit maître, toutes les autres Cyclades tomberoient d'elles-mêmes l'une après l'autre fous fa domination: qu'enfuite l'Ile d'Eubée, Négrepont) qui étoit auffi grande que celle de Cypre, en étant tout près, feroit fort facile à conquérir, ce qui donneroit au Roi un libre paffage en Gréce, & les moiens de foumettre tout ce pays à fon obéiffance : qu'au refte cette entreprise ne demandoit qu'une centaine de vaiffeaux pour être exécutée avec fuccès. Cette proposition plut si fort à Artapherne, qu'au lieu de cent vaiffeaux qu'Aristagore lui demandoit, il lui en promit deux cens, pourvû qu'il obtînt le confentement du Roi.

Le Roi, ébloui par les grandes efpérances dont on le AN. M. 3501. flatoit, ne manqua pas d'approuver extrêmement cette Av. J.C.503. entreprise, qui pourtant n'étoit qu'injustice, qu'ambition démefurée, que perfidie de la part d'Ariftagore & d'Artapherne. Aucune considération ne l'arréte un moment. Le projet le plus criant eft formé & accepté fans la moindre héfitation. L'utilité, la convenance, décident feules. Cette île eft à la bienféance des Perfes: c'eft un titre fuffifant pour y porter la guerre. Et il faut juger à peu près de même de prefque toutes les autres expeditions de ce Prince. Dès qu'Artapherne eut obtenu le confentement du Roi

Tome II.

Τ

1

DARIUS. pour cette entreprise, il fe mit en devoir de l'exécuter, Afin de cacher fon deffein, & de furprendre ceux de Naxe, il fit courir le bruit que la flote alloit vers l'Hellefpont, & il envoia au printems fuivant à Milet le nombre de vaiffeaux dont il étoit convenu, fous le commandement de Mégabate, noble Perfan de la famille roiale d'Achéméne. Mais fa commiffion portant qu'il obéiroit aux ordres d'Ariftagore, ce fier Perfan ne put fupporter d'être fous le commandement d'un Ionien, qui d'ailleurs agiffoit à fon égard avec hauteur & empire. Cette pique fit naître entre ces deux Généraux une divifion, qui alla fi loin, que Mégabate, pour se venger d'Ariftagore, fit favoir fous main aux Naxiens que c'étoit à eux qu'on en vouloit. Sur cet avis, ils pourvurent fi bien à leur défense, que les Perfes, après avoir emploié quatre mois au fiége de la capitale de l'Ile, & confumé toutes leurs provifions, furent obligés de fe retirer.

Herod. lib. 5. cap. 35. 36.

Cette entreprise aiant ainfi échoué, Mégabate en rejetta toute la faute fur Ariftagore, & le décria abfolument AN. M. 3502. auprès d'Artapherne. L'lonien fentit tout d'un coup que Av. J. C. so2. l'affaire entraîneroit, non feulement la perte de fon gouvernement, mais fa ruine entière. L'extrémité où il fe voioit réduit, lui fit naître la pensée de se revolter contre le Roi, n'envisageant point d'autre moien de fe tirer de cet embarras. A peine avoit-il formé ce deffein, qu'il recut un meffager de la part d'Hyftiée, qui lui confeilloit la même chofe. Hyftice, après avoir demeuré quelques années à la Cour de Perfe, dégouté des maniéres Perfanes, & defirant ardemment de retourner en fon pays, donna ce confeil à Ariftagore, comme le moien le plus apparent de parvenir à ses fins. Il fe flatoit, qu'en cas qu'il s'excitât quelques troubles en Ionie, il pourroit perfuader à Darius de l'envoier en ce pays-là pour les appaifer, comme cela arriva effectivement. Dès qu'Ariftagore eut vû fes deffeins appuiés des ordres d'Hyftiée, il les communiqua aux Chefs des Ioniens, qu'il trouva très difpofés à entrer dans fes vûes. Il ne délibéra donc plus, & déterminé à la revolte il ne fongea plus qu'à en préparer les voies.

AN. M. 350z.
Av. J. C. 5oz.

Les Tyriens, après la prife de leur ville par Nabuco

donofor, aiant été réduits dans l'efclavage, avoient gémi DARIUS. fous cette oppreffion pendant le cours de foixante-dix ans. Mais, ce terme expiré, ils furent rétablis, a felon la prédiction d'Ifaie, dans la jouiffance de leurs anciens priviléges, avec la liberté d'avoir leur propre roi; liberté dont ils jouirent jufqu'au tems d'Alexandre le Grand, Il femble que cette grace leur fut accordée par Darius, en confidération des fervices qu'il pouvoit tirer de cette ville, trèspuiffante fur mer, pour remettre les Ioniens fous fon obéiffance. C'étoit la dix-neuvième année de fon régne.

Herod. lib. 5.

L'année suivante Ariftagore, pour engager les Ioniens AN. M. 35037 à fe tenir plus fortement attachés à fon parti, les rétablit Av. J.C. sor. tous dans leurs priviléges & dans leur liberté. Il commen- cap. 37. 38. ça par Milet, où il renonça à fon autorité, & la remit entre les mains du peuple. Il parcourut enfuite toute l'Ionie, où il obligea tous les autres tyrans par fon exemple, par fon crédit, & peutêtre auffi par la crainte d'y être forcés malgré eux, à faire la même chose dans chaque ville. Ils s'y déterminérent avec d'autant plus de facilité, que la puiffance Perfane, depuis l'échec reçu en Scythie, étoit moins en état de les protéger contre les Ioniens, naturellement amateurs de la liberté & de l'indépendance, & ennemis de toute tyrannie. De cette maniére les aiant tous unis dans une commune ligue, & s'en étant fait déclarer le Chef, il leva l'étendart de la revolte contre le Roi, & arma puissamment par terre & par mer pour lui faire la

guerre.

Ariftagore, dans la vûe de pouffer plus vigoureusement Ibid. cap. 38cette guerre, fe rendit à Lacédémone au commencement 41.649-51. de l'année fuivante, pour engager cette ville à entrer dans fes intérêts, & à lui donner du fecours. Cléoméne étoit

pour

lors fur le trône. Son pere Anaxandride l'avoit eu d'une feconde femme, que les Ephores l'avoient obligé d'époufer, parce que la premiére étoit ftérile. Celle-ci, après la naiffance de Cléoméne, eut trois fils favoir Doriée, Léonide, & Cléombrote, dont les deux derniers régnérent dans la fuite. Ariftagore s'adreffa donc à Cléomene; & a Et erit poft feptuaginta annos, vifitabit Dominus Tyrum, & redu

cet eam ad mercedes fuas. Ifai. 23.
17.

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