Lucile, le premier, osa la faire voir; Soit qu'il fasse au conseil courir les sénateurs, De ses maîtres savans, disciple ingénieux, CHAPITRE III. DES POÉSIES FUGITIVES. Du Sonnet. D. Qu'est-ce que le Sonnet? R. Le sonnet qu'on a long-temps regardé comme le plus bel ouvrage poétique, est composé de quatorze vers, dont les huit premiers roulent sur deux rimes employées quatre fois chacune, et rangées en deux quatrains tous semblables. Les six vers restans forment deux tercets, qui doivent être sur trois rimes différentes. Il faut que chaque quatrain, et chiq ie tercet, renferme un sens parfait, et qu'ainsi il y ait un repos après les quatriènie, huitième et onzième vers. D. Quel doit en être le style? R. Tout doit être exact, poli, châtié dans ce petit poëme; on n'y souffre ni un vers faible, ni la répétition d'un même mot. Les sonnets graves et héroïques exigent les vers alexandrins; mais les vers de dix, et même de huit syllabes, ne conviennent pas mal à ceux qui sont moins sérieux. Le sonnet le plus fameux, en notre langue, est celui de Desbarreaux, que voici : Grand Dieu, tes jugemens sont remplis d'équité, Oui, mon Dieu, la grandeur de mon impiété Et ta clémence même attend que je périsse. Contente ton désir, puisqu'il t'est glorieux; J'adore en périssant la raison qui t'aigrit. Mais dessus quel endroit tombra ton tonnerre, D. N'y a-t-il pas des sonnets qu'on appelle irréguliers? R. Oui ce sont ceux où l'on diversifie les rimes des deux quatrains, et où l'ou emploie aussi des vers de mesure différente. Tel est celui-ci, du président Hónault sur un avorton: Toi qui meurs avant que de naître, Assemblage confus de l'être et du néant, Triste avorton, informe enfant, Rebut du néant et de l'être. Toi que l'amour fit par un crime, un crime à son tour, Et que l'honneur défait par De l'honneur funeste victime: Donne fin aux remords par qui tu t'es vengé, L'amour malgré l'honneur t'a fait donner la vie, D. N'y a-t-il pas aussi des sonnets en bouts rimés? R. Oui c'est un pur jeu d'esprit qui consiste à remplir quatorze rimes bizarres, données en blanc, et rangées à la façon de celles du sonnet. En voici un dont le sujet est l'or: Ce métal précieux, cette fatale... pluie Qui vainquit Danaé, peut vaincre... l'univers Il semble que sans lui tout le bonheur nous... fuie, Les lieux les plus charmans sont pour nous des... enfers; Il donne de l'esprit au plus lourd... animal; D. Quels auteurs se sont distingués en ce genre? R. Les sonnets ont été fort en vogue dans l'Italie, depuis Pétrarque, qui est reconnu pour le père de cette espèce de poésie. Ce fut, Dubellay, selon les uns, et Melin de St.-Gelais, selon d'autres, qui apporta le premier usage des sonnets en France. Il en existe plusieurs de Ronsard, de Malherbe, de Maynard, etc.... mais, comme l'a dit Boileau : A peine dans Gombaut, Maynard et Malleville, De l'Épigramme. D. Qu'est-ce que l'Épigramme? R. C'est une petite pièce de vers, qui doit se terminer par une pensée vive et brillante, ou par un mot ingénieusement tourné, dont la pointe, qu'on appelle chute, ait quelque chose qui pique notre esprit, l'intéresse, ou le surprenne agréablement. D. Quel doit en être le style? R. Les expressions doivent en être choisies, la versification châtiée, sans la moindre licence. On y pardonne d'autant moins les fautes, que l'ouvrage est court, et qu'on les y découvre plus aisément. Boileau a dit, après avoir parlé du sonnet : L'épigramme, plus libre en son tour plus borné, Il s'ensuit, que la brièveté et le sel sont ses deux principaux caractères. D. Y a-t-il plusieurs sortes d'épigrammes? R. On peut en distinguer de trois espèces : 1°. l'épigramme purement morale, telle que celle-ci, de Pelisson: Grandeur, savoir, renommée, Tout n'est que vent, que fumée; Pour mieux dire, tout n'est rien. Ou cette autre de Rousseau, qui est moins sérieuse : Ce monde-ci n'est qu'une œuvre comique, Là, sur la scène, en habit dramatique, |