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Il y a plusieurs conteftations dans la Chambre du Clergé pour les préféances entre les Evêques, entre les autres dignités, entre les Eglifes féculieres & entre les Monafteres; le détail des conteftations qui fe font élevées à ce fujet, la maniere dont elles ont été décidées, les proteftations infructueufes qui fe renouvellent à chaque triennalité par les parties condamnées, n'intéreffent pas affez la curiofité publique pour qu'on doive s'en Occuper ici.

L'Ordre de la Nobleffe a le fecond rang; on entend affez ce que c'est que l'Ordre de la Nobleffe pour qu'il foit fuperflu d'en donner aucune explication particuliere. On obfervera feulement que la notoriété publique ne fuffit pas pour qu'un gentilhomme foit admis aux Etats-Généraux. Il eft tenu de remettre fes preuves & fes titres entre les mains de deux Commiffaires du même Ordre qui en rendent compte à la Chambre de la Noblesse, dont ils tiennent leur pouvoir. Ces preuves font des plus fimples, on demande quatre générations nobles qui rempliffent au moins un fiecle, de forte que le préfenté commence le fecond fiecle fur le rapport des Commiffaires vérificateurs.

Le Gentilhomme qui fe présente eft reçu & fon nom infcrit au Tableau de la Nobleffe, s'il eft reconnu avoir les qualités requifes par les Réglemens particuliers de ce Corps. On peut voir les principaux faits de cette Nobleffe refpectable, leurs noms & armoiries dans le Nobiliaire de Bourgogne que nous avons cité. Il n'entre aux Etats que les Gentilshommes poffédant fiefs dans la Province, & fi le Gentilhomme qui poffede fief n'en a pas encore prêté la foi & hommage, il n'a voix délibérative à la Chambre que lorsqu'il en a repréfenté l'acte. On a voulu avec raifon que cette Nobleffe, qui doit tenir fous fon bouclier les peuples & les habitans des campagnes, pour avoir droit d'entrer aux Etats, fût à portée par fes poffeflions de connoître les befoins des peuples, & d'examiner les abus qui les concernent. Les Gentilshommes jugent fans garder entr'eux aucun rang. On ne laiffe pas de les nommer fur des cahiers des Etats felon l'ordre des grands Baillages, qui font, Dijon, Autun, Chalon, Auxois, la Montagne, Charolois, Mâcon, Auxerre & Bar-fur-Seine; le Président de cet Ordre eft fon Elû.

Le Tiers-Etat eft représenté par les Mayeurs & Maires qui ont féance aux Etats, & par les Députés des villes qui les accompagnent; il étoit jufte de donner aux preniiers Citoyens la représentation & la voix du peuple. Ceux de cet Ordre qui affiftent aux Etats y font non-feulement pour veiller aux intérêts des Communes & des Villes; mais eux-mêmes souvent poffeffeurs de fief, ou étant les principaux Colons de la Province, ils peuvent perdre & équilibrer mieux que perfonne pour les peuples des campagnes, les avantages où les inconvéniens des délibérations qui font prifes. Le TiersEtat eft compofé de foixante & dix tant Maires que Députés des Villes & Confeillers de la Province qui ont le droit d'en envoyer aux Etats..

La ville de Dijon a trois députés; celles d'Autun, Beaune, Nuits-St.-Jeande Lône, Châlon, Semur en Auxois, Montbard, Avallon, Chatillon-furSeine, Auxonne, Seurre, Auxerre, Bar-fur-Seine & Charolles ont chacune deux députés & fourniffent l'Elu du Tiers-Etat chacune dans l'ordre où l'on vient de les nommer; c'eft ce qu'on appelle vulgairement la grande Roue; les Maires des autres villes qui députent aux Etats forment la petite Roue & ne peuvent prétendre à l'élection. Il y a des difficultés pour la préféance entre les villes, mais nous avons déjà prévenu que nous ne dirions rien de ces fortes de prétentions litigieufes qui intéreffent peu le lecteur les rangs n'étant qu'une chofe de pure convention. Le Maire de Dijon eft président de cet Ordre.

La Roue dont nous venons de parler eft un tableau qui regarde les trois Ordres; elle eft gardée au Greffe des Etats & fert auffi à indiquer la fuite des villes qui doivent fournir l'Elû du Tiers-Etat; c'est ce qu'on appelle le tour de la Roue. St. Julien de Balleure nous apprend qu'on la renouvella en l'an 1533; les divifions les plus voifines de la circonférence font pour l'Ordre Eccléfiaftique; il y a neuf cafes qui montrent le tour de l'élection pour un Evêque, un Abbé & un Doyen ainfi repété trois fois. Deux cercles concentriques forment l'efpace de la Roue qui regarde la Nobleffe. Cependant, à proprement parler, la Nobleffe n'a point de tour dans cette Roue, puifqu'il y eft dit, les Nobles élifent un d'entr'eux à leur difcrétion, & au bout de trois ans le peuvent continuer, ou en élire un autre, fi bon leur femble. Les divifions intérieures qui approchent du centre, portent le nom des villes dont les Maires parviennent à l'élection en un certain ordre qui n'a point encore été interverti; mais en parvenant à l'élection ils n'y font que comme Elus fubordonnés. Le Vicomte Mayeur de la ville de Dijon préfide toujours le Tiers-Etat, & eft lui-même comme Elu per pétuel.

Il y avoit encore un autre Elu perpétuel, dont l'office étoit une charge; c'étoit l'Elu du Roi qui affiftoit à toutes les délibérations de la Chambre des Elus où il avoit un fuffrage à lui feul. Mais les Officiers du Bureau des Finances ont réuni cette charge à leur Compagnie, & l'un d'entr'eux a la voix & l'affiftance au Bureau des Elus. Autrefois les Membres de l'Ordre Eccléfiaftique décidoient à la pluralité des voix fuivant le tour de dignité qu'indiquoit la roue de l'Evêque, de l'Abbé ou du Doyen qui devoit

être élu.

La Nobleffe fe choififfoit de même un Elu de fon corps, au lieu que la roue décidoit toujours le Maire, qui dans la triennalité devoit être élu pour le tiers-Etat, fans qu'il fût queftion de voter par fuffrage. Les chofes subfiftent encore aujourd'hui de même pour le tiers-Etat : mais les fuffrages de l'ordre de l'Eglife & ceux de l'ordre de la Nobleffe, font à-préfent dirigés fur les fujets qui obtiennent du Roi la permiflion de les folliciter. Ces Adminif trateurs nommés tous les trois ans, & tirés de chacun des trois' ordres font

qualifiés Elus généraux, parce qu'ils font nommés par voie d'élection sur la défignation que le Roi fait de leurs perfonnes.

Les Etats ne s'affemblent point fans convocation; le Roi adreffe des lettres de cachet à tous ceux qui ont le droit d'y affifter, pour leur indiquer le jour déterminé auquel on les ouvre dans la principale falle du pa lais à Dijon. C'eft tous les trois ans dans le mois de Mai ou dans celui de Juin qu'ils fe tiennent ordinairement. Le jour de l'ouverture étant are rivé, les trois ordres, chacun rangé dans les places qui lui font affectées, s'affemblent dans la falle des Etats, après une meffe du St. Efprit en mu fique qu'on célébre à la Ste. Chapelle. Il eft peu de fpectacles plus majeftueux que celui de cette augufte affemblée, on peut voir le récit de ce cérémonial, l'ordre de la marche, ceux qui la compofent, la difpofition intérieure de la falle, &c. dans Expilly, dans Garreau, & dans les tablettes de Bourgogne qui entrent à ce fujet dans le plus grand détail, que l'envie d'abréger nous fait fupprimer.

Les Etats ont toujours été tenus par les Gouverneurs de la Province, pour le Roi, ou par un des Lieutenants-Généraux qui y commandent; le premier Prefident du Parlement eft à côté de lui à la feconde place, comme chef d'une compagnie auffi chere à la Province que fes Etats mêmes. Il affifte à l'ouverture des Etats, deux Confeillers du bureau des finances. Les Officiers de cette Cour, qui n'étoient que quatre autrefois, & qui, outre les prérogatives les plus diftinguées, ont eu l'administration de police, juftice & finance dans la province, avant qu'il y eût des Intendans, fe font maintenus dans la poffeffion de préfenter les lettres-patentes pour la convocation des Etats. Le plus ancien des deux ouvre la féance par un difcours qui roule fur l'objet des lettres de convocation, qu'il remet à l'un des Commis du Greffe pour en faire lecture à haute voix. Le Gouverneur, ou celui qui le repréfente, parle enfuite pour affurer en peu de mots les Etats, qu'il rendra compte au Roi de leur fidélité & de leur zele, & qu'il n'oubliera rien pour leur procurer des marques de la fatisfaction de Sa Majefté. La harangue du premier Préfident vient immédiatement après; ce Magiftrat y traite d'ordinaire quelque fujet relatif aux intérêts de l'affemblée, & finguliérement ceux qui ont plus de rapport à l'adminiftration de la juftice. Le rôle de l'Intendant eft d'expliquer dans fa harangue les intentions du Roi, & les fecours que Sa Majefté demande aux Etats; elle eft précédée de la lecture à haute voix, d'une commiffion particuliere qu'il a du Roi pour affifter aux Etats, & pour faire les réquifitions conformes aux ordres qu'il en a reçus, commiffion expédiée à chaque triennalité pour cet effet; après quoi l'Evêque d'Autun en qualité de Préfident d'Etat, ferme la féance par un difcours, où il eft fouvent obligé de représenter la mifere des peuples, & les befoins de la province : matiere qui malheureufement ouvre quelquefois une trop vafte carriere à l'Orateur.

On voit par ce détail, qu'il ne fe forme aucune délibération dans la

premiere féance des Etats, où les trois ordres fe trouvent réunis. Ils fe Téparent incontinent après, & fe retirent chacun dans la chambre qui lui eft destinée, pour y vaquer aux affaires générales & particulieres de la province, & pour délibérer fur les propofitions de l'Intendant, lequel n'affiste point aux affemblées particulieres non plus que le premier Préfident. Communément ils entrent le matin & l'après midi, à l'exception des jours de fêtes & dimanches : les féances durent quinze jours ou trois semaines.

La premiere opération de chacune des trois chambres eft la nomination des nouveaux Elus, & celle des Commiffaires Alcades, terme que les Arabes donnoient aux Juges des villes, & que les Efpagnols ont confervé comme les Alcades des Etats ne font point Juges, mais de fimples examinateurs, il eft difficile de dire, comment ce mot étranger d'origine Arabe a pu s'introduire dans la Bourgogne, qui n'a jamais été fous la domination des Maures ni des Espagnols: les Alcades font au nombre de fept, deux du Clergé qui fe prennent dans les chapitres des Cathédrales & des Collégia les & dans le nombre des Prieurs; deux de la Nobleffe qui font choifis dans deux des grands Bailliages alternativement, & trois pour le tiers-Etat, dont le premier fe prend à tour de rôle dans l'une des trois villes qui ont droit de nommer l'Elu; le fecond eft auffi choifi à tour de rôle dans l'une des villes qui fuivent, & le troifieme eft pris auffi par tour de l'un des Comtés de Charolois, de Mâconois & de Bar-fur-Seine. Les fept Alcades ont les fonctions de cenfeurs dans la république, ils font des obfervations fur l'administration, & fur tout ce que les Elus ont fait & ordonné pendant leur triennalité: ils examinent les abus, offrent les moyens de les prévenir ou de les arrêter ils portent leur vue fur l'administration générale & particuliere, &c. Ils s'affemblent pour cela une premiere fois dans le mois de Novembre ou Décembre qui précede la convocation des Etats, & une feconde fois quinze jours ou trois femaines avant l'ouverture. L'examen que les Commiffaires Alcades font de l'adminiftration des Elus, & de tout ce qui fe paffe d'une tenue d'Etat à l'autre, les met en état de faire des remarques utiles pour la province; ils dreffent des cahiers & des inftructions qu'on lit à chaque chambre avant la féparation des Etats; la présentation de ces cahiers eft accompagnée d'un difcours approprié au fujet, que prononce l'un de ces Commiffaires. Les Elus & les Alcades qui font nommés au commencement de la tenue des Etats, n'entrent en fonction qu'après leur clôture, du jour de laquelle commence la triennalité.

On nomme encore un Orateur & deux Rapporteurs des requêtes dans chaque chambre. Ces emplois qui ne fubfiftent que pendant l'affemblée des Etats, font donnés par le Président de chacune des trois chambres; les orateurs n'ont qu'une fimple cérémonie à remplir, celui du Clergé fait un difcours à la Nobleffe, & un autre au Tiers-Etat; celui de la Nobleffe au Clergé & au Tiers-Etat, celui du Tiers-Etat au Clergé & à la Nobleffe.

Tous

Tous ces difcours qui ne fe prononcent que quand l'affemblée eft à la veille de fe féparer, doivent avoir pour objet d'une maniere générale, les principales affaires qui fe font traitées pendant la tenue des Etats, & le zele que les trois ordres ont fait paroître pour l'intérêt des peuples de la Province & pour répondre à leur attente.

C'eft entre les mains des rapporteurs des requêtes que fe remettent toutes celles que l'on préfente aux Etats, foit pour les communautés, soit pour les particuliers qui ont des demandes à faire, des foulagemens à obtenir, des encouragemens à folliciter, des manufactures à établir ou d'autres établissemens à former fous la protection des Etats, qui fe font un devoir d'encourager l'induftrie & les talens dans la Province. Comme il y a trois ordres & trois chambres, il faut trois copies de chaque requête avec la même adreffe, à Noffeigneurs les Etats-Généraux du Duché de Bourgogne, Comtés pays adjacens.

On délibere dans chaque chambre fur les fins de chaque requête, & l'on fait un retenu de la délibération; les Secrétaires rédigent les délibé rations du Clergé & de la Nobleffe; un commis des mêmes Secrétaires fait le retenu de celles du Tiers-Etat. On en ufe de la même maniere pour toutes les autres affaires qui fe traitent aux Etats, comme par exemple pour chaque article compris dans les inftructions de la Cour dont le Gouverneur & l'Intendant de la Province font ordinairement chargés ; pour le don gratuit qui s'accorde au Roi; pour la ratification de tout ce qui a été fait, délibéré & ordonné par les Etats-Généraux pendant la triennalité précédente; pour les remarques des Commiffaires Alcades; pour celles des Confeils de la Province, de fes Procureurs-Syndics, &c. &c. Le cahier des remarques des Confeils & Procureurs Sindics eft auffi par eux préfenté dans chaque chambre; ils y entrent en robes & bonnets quarrés. L'un des Confeils porte la parole & fon difcours de même que celui du Commiffaire Alcade eft ordinairement relatif à l'objet des remarques. L'ufage eft de députer d'une chambre à l'autre lorfqu'il s'agit d'y faire quelques propofitions, ou d'y demander quelqu'avis fur les chofes qui intéreffent les trois ordres, ou même l'un d'entr'eux feulement. Il y a un Huiffier extérieur qui ouvre & ferme la porte des chambres, qui avertit dans les occafions & qui annonce les députations des autres ordres. Les députations du Clergé à la Nobleffe font recues & reconduites par quatre gentilshommes qui paffent, en reconduifant, le feuil de la porte; celles du Tiers-Etat ne font reçues & reconduites que par deux gentilshommes qui en reconduifant, reftent en-dedans. Quand la chambre de la Nobleffe députe à celle du Clergé & du Tiers-Etat, elle le fait par deux Députés qui font toujours reçus par quatre membres de l'une & l'autre chambres & reconduits au-dehors.

Indépendamment de l'Huiffier extérieur, il y a à la chambre de la Nobleffe un Capitaine de la porte tiré du corps des gentilshommes ancien Tome IX.

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