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HERRERRO

CHAPITRE QUATRIE ME.

DE LA

SCULPTURE.

§. I.

Des differentes efpeces renfermées dans la Sculpture.

L

SCULPTURE est unArt,qui, par le moien du deffein & de la matiere folíde, imite les objets palpables de la nature. Elle a pour matiere le bois, la pierre, le marbre, l'ivoire; différens métaux, comme l'or, l'argent, le cuivre, les pierres précieufes, comme l'agate, & autres pareilles. On travaille fur ces matieres, ou en creufant, ou en relief. Cet Art comprend auffi la fonte, qu'on fubdivife en l'art de faire des figures de cire & en celui de les fondre de toutes fortes de métaux. J'entends ici par Sculp. ture toutes ces différentes efpeces.

Les Sculpteurs & les Peintres ont eu fouvent parmi eux de grandes difputes fur la prééminence de leur profeffion les premiers fe voulant prévaloir de la durée de leurs ouvrages,

ges, les autres leur oppo ant l'effet du mélange & de la vivacité des couleurs. Mais, fans entrer dans une question qui n'elt pas facile à déci der, on peut confidérer la Sculpture & la Peinture comme deux Sœurs, qui n'ont qu'une origine, & dont les avantages doivent être communs ; je dirois prefque comme un même Art, dont le deffein eft l'ame & la regle, mais qui travaille diverfement, & fur différentes matieres.

Il eft difficile, & peu important, de déméler, dans l'obfcurité des fiécles éloignés, les premiers Inventeurs de la Sculpture. Son origine remonte jusqu'à celle du monde, & l'on peut dire que Dieu fut le premier Statuaire, lotfqu'aiant créé tous les Etres,

fembla redoubler d'attention pour former le corps de l'homme,à la beauté & à la perfection) duquel il parut travailler avec une forte de complaifance.

Longtems après qu'il eut achevé ce Chef d'œuvre de fes mains toutespuiffantes, il voulut être honoré principalement par le miniftere des Sculpteurs, dans la conftruction` de 'Arche d'Alliance, dont il donna lui

mê.

même l'idée au Législateur des Hé. breux. Mais en quels termes parle-t il de cet Ouvrier admirable qu'il y vouloit emploier? Je ne crains point Exod. 31. de les raporter une feconde fois. J'ai choifi, dit il à fon Prophéte, un homme de la tribu de Juda, que j'ai rempli de mon efprit, de fageffe, d'intelligence, de fcience en toute forte d'ouvrages, pour inventer ce qui fe peut faire d'or ou d'argent, de bronze ou de marbre, de bois différens ou de pierres précieuses. Ne femble t-il pas qu'il s'agit d'infpirer le Prophéte même pour donner des loix à fon peuple? Il parle de même des Ouvriers deftinés à bâtir & à orner le Temple de Jerufalem.

Rien ne releveroit tant le mérite de la Sculpture qu'une fi noble destination, fi elle l'avoit remplie fidélement. Mais, longtems avant la conft uction du Temple & même du Tabernacle, elle s'étoit vendue honteufement à l'Idolatrie, qui par fon moien remplit l'univers des ftatues de fes fauffes divinités, qu'elle expofoit à l'adoration des peuples. a On voit dans PEcriture qu'une des caufes

a Provexit ad horum culturam... artificis eximia diligentia.. Multitudo homi

fes qui ont donné le plus de cours à ce culte impie, a été l'extrême beauté que les Ouvriers s'efforçoient à l'envi de donner aux ftatues. L'admiration que caufoit la vue de ces excellens ouvrages de l'art, étoit une efpece d'enchantement, qui, en frapant les fens, faifoit illufion aux efprits, & entraînoit toute la multitude. C'eft Baruch. de cette féduction, générale dans VI. 3-5. ,, tout l'univers, que Jérémie aver

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tiffoit les Ifraélites de fe bien donner de garde, quand ils verroient à Babylone les ftatues d'or & d'argent portées avec pompe dans les grandes folemnités. Pour a lors, dit le Prophéte, pendant ,, que toute la multitude, pénétrée de vénération & de crainte, fe profternera devant ces idoles, dites en vous-mêmes, " (car la captivité où étoit réduit le peuple de Dieu dans une terre étrangere, ne lui permettoit pas de s'expliquer hautement) ,,dites en vous-mêmes : C'EST VOUS, SEI

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num abducta per fpeciem operis, eum, qui ante tempus tanquam homo honoratus fuerat, nunc deum æftimaverunt. Et hæc fuit humans vitæ deceptio. Sap. XIV. 18. 21.

a Vifa itaque turba de retro & ab antè adorantes, dicite in cordibus veftris: Te oportet adorari, Domino.

Plin.l.34. cap. 12.

,, SEIGNEUR, QU'IL FAUT ADORER. Il faut avouer auffi que la Sculpture a ne contribua pas peu à la corruption des mœurs, par la nudité des images, & par des repréfentations contraires à la pudeur, comme les payens même l'ont reconnu. J'en fais la remarque de bonne heure, afin que, dans tout ce que je dirai dans la fuite à la louange de la Sculpture, on voie que je diftingue l'excellence de l'Art en lui-même, de l'abus que les hommes en ont fait.

Les Sculpteurs ont commencé à travailler für de la terre, foit pour former des ftatues, foit pour faire des moules & des modéles. C'eft ce qui a fait dire au Statuaire Praxitéle, que les ouvrages en fonte, au cifeau, & au burin, devoient leur naiffance à P'Art de faire des figures de terre, appellé Plaftice. On prétend que Démarate, pere de Tarquin l'Ancien, qui fe réfugia de Corinthe dans l'Etrurie, y amena avec lui beaucoup d'Ouvriers habiles dans cet Art, & y en fit naître le goût, qui de la fe communiqua au refte de l'Italie. Les fta

a Auxere & artem vitiorum irritamenta. Plin. Præma. lib. 33.

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