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droit rentrent en quelque forte dans mon plan.

6. Batimens célebres à Rome.. L'ART DE BATIR a été presque auffitôt connu dans l'Italie que dans la Gréce, s'il eft vrai que les Tofcans n'euffent pas encore eu de commerce avec les Grecs, lorfqu'ils inventérent la compofition d'un Ordre particulier, qui s'appelle encore aujourd'hui de leur nom. Le tombeau que Porfenna roi d'Etrurie fe fit élever proché de Clufium pendant qu'il vivoit, marque la grande connoiffance qu'on y avoit alors de cet art. Cet édifice étoit de pierre, & conftruit à peu près de la même maniere que le Labyrinthe bâti par Dédale dans l'ile de Créte, fi le tombeau étoit tel que Varron l'a décrit dans un passage que Pline raporte.

Le premier Tarquin avoit un peu auparavant fait faire à Rome des travaux fort confidérables. Car ce fut lui qui le premier environna cette ville d'une muraille de pierre. Il jetta auffi les fondemens du temple de Jupiter Capitolin, que fon petit fils Tarquin le fuperbe acheva avec beauC 3

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Plin.1 36.

cap. 13.

coup de dépenfe, aiant pour cela fait venir les meilleurs ouvriers d'Etrurie. Les citoiens Romains ne furent point difpenfés de ce travail; &, a quoiqu'il fût trés pénible & très accablant, étant ajouté aux fatigues de la guerre, ils ne s'en trouvérent point furchargés, tant ils avoient de joie & fe croioient honorts de conftruire de leurs propres mains les temples deleurs dieux.Ce même Tarquin l'Ancien fit deux autres ouvrages, moins écla tans à la vérité pour le dehors, mais d'un travail & d'une dépenfe encore plus confidérables: ouvrages, dit Tite Live, auxquels la magnificence de nos jours, portée ce femble au fuprême degré, n'a prefque pu rien faire d'égal.

L'un de ces ouvrages étoit les décharges & les conduits fouterrains destinés à recevoir toutes les ordures

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a Qui cùm haud parvus & ipfe militiæ adderetur labor, minùs tamen plebs gravabatur, fe templa deûm exædificare manibus fuis. Liv. lib. n. 96.

b Quæ (plebs) poft hac & ad alia, ut fpecie minora, fic laboris aliquanto majoris, traducebatur opera: foros in circo faciendos, cloacamque maximam receptaculum omnium purgamentorum urbis fub terram agendam; quibus duobus operibus vix nova hæc magnificentia quicquam adæquare potuit. Liv. ibid.

& toutes les iminondices de la ville, dont les reftes donnent encore aujourd'hui de l'admiration, & étonnent par la hardieffe de l'entreprise, & par la grandeur des dépenfes qu'il a falu faire pour la conduire à fa fin. En effet, de quelle épaiffeur & de quelle folidité devoient être ces voutes, conduites depuis l'extrémité de la ville jufqu'au Tibre, pour avoir pu foutenir pendant tant de fiécles, fans s'ébranler le moins du monde, l'énorme poids des grandes rues de Rome bâties de fus, dans lesquelles paffoient des voitutes fans nombre, & d'une charge immense !

M. Scaurus, pour orner pendant Plin. 1.36. fon Edilité la fcéne d'un Théatre cap. 2. qui ne devoit durer qu'un mois tout au plus, avoit fait préparer trois cent foixante colonnes de marbre, dont plufieurs avoient trente huit piés de hauteur. Quand le tems du fpectacle fut fini, il fit conduire toutes ces colonnes dans fa maifon. L'Entrepreneur,chargé de l'entretien des Egouts, exigea de cet Edile, qu'il s'engageât à paier le dommage que le transport de tant de colonnes fi pefantes pourroit caufer à ces voutes, qui depuis C4

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Tarquin l'Ancien, c'eft à dire depuis près de huit cent ans, étoient toujours demeurées immobiles : & elles fourtinrent encore une fi violente fecouf fe fans s'ébranler.

Au refte, ces conduits fouterrains contribuoient infiniment à la propreté des maisons & des rues, auffi bien qu'à la pureté & à la falubrité de l'air. Les eaux de fept ruiffeaux qu'on avoit réunies enfemble, & qu'on lachoit fréquemment, nettoioient parfaitement ces foffes fouterraines en fort peu de tems, & entraînoient avec elles toutes les immondices dans le Tibre.

De pareils travaux, quoique cachés fous la terre & enfevelis dans les ténebres, paroitront fans doute à tout juge équitable plus dignes de louanges que les édifices les plus magnifiques & que les palais les plus fuperbes. Ceux-ci conviennent à la majefté des Rois, mais ne rehauffent point leur mérite, & à proprement parler, ne font honneur qu'à l'habileté de l'Architecte au lieu que les autres marquent des Princes qui connoiffent le vrai prix des chofes, qui ne fe laiffent point éblouir à un vain

éclat

éclat, qui font plus occupés de l'utilité publique que de leur propre gloire, & qui cherchent à étendre leurs fervices & leurs bienfaits jufques dans la poftérité la plus reculée: digne objet de l'ambition d'un Prince!

Après que les Tarquins eurent été chaffés de Rome, le peuple aiant aboli le gouvernement monarchique, & repris la fouveraine autorité, ne fongea plus qu'à étendre les bornes de fon Etat. Lorfque dans la fuite il eut plus de commerce avec les Grecs, il commença à élever des bâtimens plus fuperbes & plus réguliers. Car ce fut des Grecs que les Romains apprirent l'excellence de l'Architecture. Avant cela leurs édifices n'avoient rien de recommandable que leur folidité & leur grandeur. De tous les Ordres, ils ne connoiffoient que l'Ordre Tofcan. Ils ignoroient prefque entiére- Plin. 1. ment la Sculpture, & n'avoient pas même l'ufage du marbre: du moins ne favoient-ils ni le polir, ni en faire des colonnes, ou d'autres ouvrages, qui, par leur éclat & l'excellence du travail, fiffent paroitre de la richeffe dans les lieux où ils pouvoient être emploiés.

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