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tout le camp & de jour & de nuit, pour le mot du guet, pour les fentinelles, pour les corps de garde, & c'est ce qui en faifoit la fureté & le repos. Pour rendre la gárde plus fûre & moins accablante, on divifoit la nuit en quatre parties ou quatre veilles, & le jour en quatre ftations. Chacun avoit fa fonction marquée foit pour le lieu foit pour le tems; &, dans le camp, tout étoit compaffé & arrangé comme dans une famille bien réglée.

J'ai déja parlé ailleurs de la fimplicité des Anciens pour le vivre,& pour l'équipage. Le fecond Scipion l'Africain ne permettoit au foldat d'avoir qu'une marmite, une broche, & un pot de bois. On a n'en trouva pas davantage dans le meuble d'Epaminondas, ce fameux Général des Thébains. Les anciens Généraux de Rome n'étoient pas plus magnifiques. On b ne favoit à l'armée ce que c'étoit que

a Epaminondas, Dux Thebanorum, tante abftinentiæ fuit, ut in fupellectili ejus, præter alienum & veru unicum, nihil inveniretur. Fron- . tin. ftratag. lib. 4. cap. 3.

b Præter equos virofque, & fi quid argenti, quod plurimum in phaleris equorum, (nam ad vefcendum facto perexiguo, utique militantes utebantur) omnis cetera præda diripienda militi data eft. Liv. lib. 22. 3. 52.

vaiffelle d'argent : il n'y en avoit que pour les facrifices, une coupe & une faliére. L'argent brilloit auffi dans l'ornement des chevaux. L'heure du diner & du fouper étoit indiquée par un certain fignal. Nous avons vû que la plupart des Empereurs Romains prenoient leurs repas en public, & fouvent même en plein air. On a a remarqué que Pefcennius ne fe fervoit point du fecours des toits contre la pluie. Les repas de ces Empereurs, auffi bien que ceux des anciens Généraux dont parle Valére Maxime, étoient tels, qu'ils pouvoient les prendre librement en public: les mêts qu'on y fervoit n'avoient rien qu'il falût cacher aux yeux des foldats, qui voioient avec joie & admiration que leurs Maîtres n'étoient pas mieux nourris qu'eux.

b

Ce qu'il y avoit de plus admirable dans la difcipline des Romains, étoit

l'exer

a Idem, in omni expeditione, ante omnes militarem cibum fumpfit... nec fibi unquam, vel contra imbres, quæfivit tecti fuffragium. Capitol.

b Fuit illa fimplicitas antiquorum in cibo capiendo, humanitatis fimul & continentiæ certiffima index. Nam maximis viris prandere & cœnare in propatulo, verecundiæ non erat. Nec fanè ullas epulas habebant, quas oculis populi fubjicere erubefcerent. Val. Max. lib. 1. cap. 5.

T'exercice continuel où l'on tenoit les foldats, foit dans le camp, foit hors du camp, de forte que jamais ils ne demeuroient oififs, & on ne leur laiffoit prefque pas le tems de refpirer. Les foldats de nouvelle levée faifoient regulierement l'exercice deux fois le jour, & les Anciens une fois. On les formoit à toutes les évolutions & à toutes les parties de l'Art militaire. On les obligeoit de nettoier exactement leurs armes, & de les tenir toujours propres & luifantes. On leur faifoit faire des marches forcées pendant un affez long efpace, chargés de leurs armes & de plufieurs pieux, & fouvent dans des lieux difficiles & efcarpés. On les accoutumoit à garder toujours leurs rangs, même dans

a Opere faciendo milites fe circumfpiciendi non habebant facultatem. Hirt. in bello Afric..

b Ibi, quia otiofa caftra erant, crebrò decurre re milites cogebat (Sempronius,) utyrones affuefcerent figna fequi, & in acie cognofcere ordines fuos. Liv. lib. 23. n. 35.

Primo die legiones in arinis quatuor millium fpatio decurrerunt. Secundo die arma curare, & tergere ante tentoria juffit (Scipio Africanus.) -Tertio die fudibus inter fe in modum juftæ pugne concurrerunt, præpilatifque miffilibus ja culati funt. Liv. l. 26. n. 51.

c Acuere alii gladios; alii galeas, buculafque fcuta alii, loricafque tergere. Liv. lib. 44. n. 34 Tome XI.

T

le trouble & dans la confufion, & à ne perdre jamais de vue leurs étendards. On les mettoit aux mains les uns contre les autres dans des combats fimulés, dont les Officiers, les Généraux, & le Conful même étoient témoins, & auxquels ils faifoient gloire de prendre part en perfonne. Lorfqu'il n'y avoit point d'ennemi à combattre, on occupoit les troupes à des ouvra ges confidérables, tant pour les tenir en halaine que pour l'utilité publique, Tels font en particulier les grands chemins, appellés pour cette raison Stratum viæ militares, & qui font le fruit de jabore i cette fage & falutaire pratique.

militari

ter.

Qu'on juge fi, parmi ces exercices, Quintill qui étoient prefque continuels, on 2.cap, 14. pouvoit trouver lieu à ces indignes divertiffemens, qui entraînent également la perte du tems & du bien. Cette manie, cette fureur du jeu qui, à la honte de notre fiècle, a forcé les remparts du camp & les loix de la difcipline militaire, eût été regardée chez les Anciens comme le plus finiftre & le plus effraiant de tous les prodiges.

Fin de la premiere Partie du Onziema

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