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combat où le grand nombre l'emporte facilement fur le petit. Il les arma de boucliers, de cuiraffes, & d'épées ou de haches, pour les mettre en état de combattre de près, & d'en venir tout d'un coup aux mains avec les ennemis, dont, par ce moien, la multitude devenoit inutile. Iphicrate, célébre Général des Athéniens, fit plufieurs changemens utiles dans l'armure des foldats, pour ce qui regarde les boucliers, les piques, les épées,

les cuiraffes.

Philopémen de même, comme je Plut. in l'ai marqué en fon lieu, changea Par- pag. 360 Philop mure des Achéens, qui étoit, avant lui, très défectueufe; ce qui ne contribua pas peu à les rendre fupérieurs à tous leurs ennemis. On a vû beaucoup d'autres exemples pareils, qu'il feroit trop long de raporter ici; mais qui montrent de quel fecours eft pour une armée l'habileté d'un Général ap pliqué à reformer tout ce qui peut être défectueux, & combien il eft dangereux de vouloir toujours s'en tenir aux ufages établis de longue main ; & de n'ofer y faire aucun chan gement.

Nul peuple ne fut plus éloigné de
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cette

cette fcrupuleufe crainte que les Ro mains. Aiant étudié avec attention tout ce qui fe pratiquoit de plus utile chez leurs voifins & chez leurs ennemis, ils furent bien en profiter, & par les divers changemens qu'ils introduifirent dans leurs troupes tant pour l'armure que pour le refte de la milice, ils les rendirent invincibles.

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Soins préliminaires du Général.

TOUT ce que nous avons vu juf qu'ici, la levée des troupes, leur paie, leurs armes, leurs vivres, n'eft, pour ainfi dire, que le méchanifme de la guerre. Il eft d'autres foins encore plus importans, qui dépendent de la tête & de l'habileté du Général.

Ceux qui fe font le plus diftingués dans la fcience de l'art militaire, ont toujours cru que le Prince ou le Géné ral doit avant tout régler l'état de la guerre, examiner s'il faut attaquer ou fe tenir fur la défenfive, former fon plan pour l'un ou pour l'autre de ces partis,

Fartis, avoir une exacte connoiffance du pays où il porte fes armes, s'inftruire du nombre & de la qualité des troupes des ennemis, preffentir s'il fe peut leurs deffeins, prendre de loin les mefures capables de les déconcerter, prévoir tous les cas qui peuvent arriver pour s'y préparer, & tenir toutes fes réfolutions fi couvertes & fr cachées, que rien n'en échape & n'en tranfpire au dehors. Je ne fai f jamais le fecret a été gardé plus inviolablement qu'il l'a été parmi nous dans la guerre qui vient d'être termi née; ce qui n'eft pas une médiocre louange pour le Miniftere.

On a vû,* dans la guerre contre Philippe, les fages précautions que prit Paul Emile avant que d'entrer en campagne, pour le mettre au fait de tout précautions, qui furent la principale caufe de la victoire qu'il rem porta fur ce Prince.

C'eft de ces foins préliminaires que dépend le fuccès des entreprifes. Voi la par où commença Cyrus; dès qu'ill fut arrivé chez Cyaxare fon oncle qui n'avoit point fongé à prendre au cune de ces mesures.

C'est une chofe admirable de voir
* Liu. libi 44. n
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less

les ordres que donne ce même Cyrus avant que de marcher contre l'ennemi, & le détail immenfe où il entre fur tous les befoins de l'armée.

On devoit traverfer pendant quinze jours des pays qui avoient été ravagés, & où l'on ne trouveroit ni vivres ni fourages il ordonne qu'on en porte pour vingt jours, & que les foldats, au lieu de fe charger de bagage, convertiffent ce poids-là en une pareille charge de munition de bouche, fans s'embarraffer de lits ni de couvertures pour le fommeil, dont la fatigue leur tiendra lieu. Ils étoient accoutumés à boire du vin & de peur que le changement fubit de boiffon ne les rendit malades, il les avertit d'en porter une certaine quantité avec eux, & de s'accoutumer peu à peu à s'en paffer entiérement, & à fe contenter d'eau. II leur recommande auffi de porter des viandes falées, des moulins à bras pour faire le pain, des médicamens pour les malades: de mettre dans chaque chariot de bagage une faucille & un hoiau, & fur chaque bête de voiture une hache & une faux, & d'avoir foin de fe fournir de mille chofes dont on a befoin. Il fe charge de mener

avec

avec lui des maréchaux, des cordonniers, & d'autres ouvriers, avec toutes fortes d'outils convenables à leurs métiers. Au refte, dit-il publiquement, tout marchand qui aura foin de faire apporter des vivres dans le camp, fera honoré & récompenfé de moi & de mes amis, & fi quelqu'un même manque d'argent pour faire des provifions, pourvû qu'il me donne des furetés, & qu'il s'oblige de fuivre l'armée, je l'affifterai de ce que j'aurai. Un tel détail, & j'en ai paffé une partie, n'est point indigne d'un Général, ni d'un grand Prince tel qu'étoit Cyrus.

On voit par la harangue de Périclès Thucyd aux Athéniens au fujet de la guerre du ↳. 9. Péloponnéfe, combien ce grand homime, qui gouvernoit avec tant de fageffe les affaires de fa République, excelloit dans la fcience des armes, & combien fa prévoiance étoit vafte & profonde. Il régla l'état de la guerre, non pour une feule campagne, mais pour tout le tems que cette guerre dureroit, & il le régla fur la parfaite connoiffance qu'il avoit, & qu'il donna aux Athéniens, des forces de La cédémone. Il les détermina à fe ren

fer

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