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de s'égaler aux derniers des foldats. On comprend aifement de quel poids. étoient de tels exemples, & combien ils contribuoient à diminuer l'attirail d'une armée, à entretenir parmi les troupes le goût de frugalité & de fimplicité, & à en écarter tout luxe & tout falte.

Ce n'eft point fans raifon que les Auteurs que j'ai cités à la marge, font tous remarquer que ces Empereurs affectoient de manger à découvert, & à la vûe de toutes les troupes. In propatulo... Ante papilionem... Apertis papilionibus... Sub columellis tabernaculi. Ce fp. ctacle attiroit, inftruifoit, confoloit le foldat, & annobliffoit la mauvaise chere qu'il faifoit par la reffemblance avec celle de fes Maitres Cunctis videntibus atque gaudentibus.

Comparons une armée de trente mille hommes, compofée d'Officiers & de Soldats tels qu'en avoient les Grecs & les Romains, robuftes, fobres, aguerris, & endurcis à toutes fortes de fatigues, avec nos armées de cent mille hommes, & l'attirail faftueux qui les fuit: y a-t-il un Général un peu fenfé & entendu qui re pré.

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préferât la premiere? C'eft avec de pareilles troupes que les Grecs ont arrété toutes les forces de l'Orient, & que les Romains ont vaincu & foumis tous les autres peuples. Quand reviendra-t-on à une fi louable coutume? Ne fe trouvera t-il point quelque Général d'armée d'un merite & d'un rang fuperieur, & en même tems d'un efprit folide & fenfible à la vraie gloire, qui comprenne combien il y auroit d'honneur de fe montrer liberal, généreux, magnifique pour les fentimens & les actions, & de répandre à pleines mains l'argent pour animer les foldats, ou pour aider 1 des Officiers dont le revenu ne répond pas toujours à leur naiffance ni à leur merite; & de fe réduire dans tout le refte, je ne dis pas à cette fimplicité & à cette pauvreté des anciens Maîtres du monde ( une fi fublime vertu eft au deffus des forces de notre fiécle) mais à une honnête & noble modeftie, qui pourroit peutêtre, par la force de l'exemple bien puiffant dans ceux qui commandent, donner le ton à tous les Généraux, & réformer le mauvais & pernicieux goût de la nation?

Le

Bellum

34. 22. I.

Le foin des vivres a toujours été, & fera toujours, ce qui doit occuper un bon Général. La maxime de Caton, inquit Ca- que la guerre nourrit la guerre, elt to, fe ip- bonne dans des pays abondans & fum alet. pour des petites armées: celle des Liv. lib. Grecs eft plus généralement vraie, que la guerre ne fournit point à l'ordre & à point nommé des vivres. Il faut en avoir fait provifion, & pour le préfent, & pour l'avenir. Un des principaux avis que Cambyfe roi des Perfes donna à fon fils Cyrus, qui devint fi celebre dans la fuite, fut de ne point s'engager dans aucune expédition, qu'il ne fe fût auparavant informé par lui-même fi l'on avoit pourvû à la fubfiftance des troupes. Paul Emile ne voulut point partir pour la Macédoine, qu'il ne fe füt affuré du transport des vivres. Si Cambyfe & Darius euffent pris ce foin, ils ne fe feroient point expofés à faire périr leurs armées, le premier dans l'Ethiopie, l'autre dans la Scythie. Celle d'Alexandre auroit été affamée, fi l'on avoit fuivi le fage confeil de Mémnon, le plus habile des Généraux de ce tems-là, qui vouloit qu'on ravageât dans l'Asie

Mineure

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Mineure une certaine étendue de païs, par où ce Prince devoit néceffairement paffer. Avant la bataille de Cannes, Annibal n'avoit pas pour dix jours de vivres un délai de quelques femaines le réduifoit à la derniere extrémité. Céfar, avant celle de Pharfale, étoit près de périr faute de vivres, Pompée eût voulu, ou plutôt s'il eût pu attendre encore dix ou douze jours. La famine eft un ennemi, contre lequel l'habileté & le courage des Commandans & des foldats ne peuvent rien, & que le nombre des troupes ne fait

que

§. II.

fortifier.

Paie des Soldats.

CHEZ les Grecs les foldats faifoient d'abord la guerre à leurs dépens. Cela étoit très naturel, puifque c'étoit les citoiens mêmes qui s'unifoient pour défendre leurs biens, leurs familles, & leurs vies, & qu'ils y étoient perfonnellement intéreffés.

La pauvreté dont Sparte fit longtems profeffion, donne lieu de croire qu'elle ne stipendioit point fes troupes. Tant que les Spartiates demeu Tome XI. e

roient

Plut. in

Agefil &

Lyf

roient en Grèce, la République leur fourniffoit la portion des repas publics, & un habit par an. Il entroit un peu de viande dans cette fourniture, & il y avoit un Officier particulier pour leur en faire la diftribution. Nous avons vû qu'Agefilas, pour mortifier Lyfandre, qui avoit rempli les premieres places de la République, lui fit donner cette charge qui n'étoit de nulle confidération. Les Spartiates, pendant la guerre, fe contentoient de cette fourniture, en y ajoutant les petits pillages pour fubfifter plus au large. Depuis que Lyfandre eut rouvert l'entrée de Sparte à l'or & à l'argent, & y eut formé un Tréfor public, comme les Lacédémoniens étoient fouvent tranfportés hors de leur territoire dans l'Afie Mineure, il n'y a pas de doute que la République n'ait été obligée alors de fournir à leur fubfiftance, par des fecours particuliers. On voit qu'à la prière du même Lyfandre, le jeune Cyrus augmenta à ceux qui fervoient fur les galères de Lacédémone, la folde que les Perfes avoient coutume de leur paier, & Desing que de trois oboles il la fit monter

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