Page images
PDF
EPUB

ARTICLE SECOND.

Choix du Général

des Officiers. Le

vée des Soldats.

S. I.

Choix du Général des Officiers. C'EST un grand avantage pour les Rois d'être maîtres abfolus du choix des Généraux d'armée, & des Officiers; & une des plus grandes louanges qu'on puiffe leur donner, eft de dire, que la réputation connue, & le mérite folide, font les feuls motifs qui les y déterminent. En effet, peut-on apporter trop d'attention à un choix, qui égale en quelque forte un particulier à fon Souverain, en le rendant dépofitaire de toute fa puif fance, de toute fa gloire, & de toute la fortune de fes Etats ? C'eft principalement à ce caractère qu'on reconnoit les Princes capables de gou. verner, & c'est ce qui a toujours fait le fuccès de leurs armes. On ne voit point que le Grand Cyrus, que Philippe, qu'Alexandre fon fils, aient jamais confié le commandement de leurs troupes, à des Généraux fans mérite & fans expérience. Il n'en est pas ainfi fous les Succeffeurs de Cyrus,

'Herod.

lib. 5.

ni fous ceux d'Alexandre, où l'intrigue, la cabale, le crédit d'un Favori préfidoient ordinairement à ce choix, & donnoient préfque toujours exclufion aux meilleurs fujets. Auffi le fuccès des guerres répondoit-il à de tels commencemens. Je n'ai pas befoin d'en citer des exemples: l'Histoire en eft remplie.

Je paffe aux Républiques. A Sparte les deux Rois étoient, par leur rang cap. 75, même, en droit & en poffeffion de commander & dans les premiers. tems ils marchoient enfemble à la tête des armées : mais une divifion arrivée entre Cléomène & Démarate, donna lieu à une loi, qui ordonnoit qu'un feul des Rois commanderoit les troupes ; & elle fut obfervée dans la fuite, fi ce n'eft dans des cas extraordinaires. Les Lacédémoniens comprirent que l'autorité s'affoiblit dès quelle eft partagée, qu'il est rare que deux Généraux puiffent long tems s'accorder, que les grandes entreprifes ne peuvent guères réüffir que fous la conduite d'un feul homme, & que rien n'eft plus funefte à une armée que le partage du commandement.

Cet inconvénient devoit être bien

plus

[ocr errors]

* C'étoit

plus grand à Athènes, où, par la conftitution même de l'Etat, il devoit toujours y avoir dix Commandans, parce qu'Athènes étant compofée de dix Tribus, chacune fourniffoit le fien & le commandement rouloit par jour entre ces dix Chefs. D'ailleurs c'étoit le peuple qui les choififfoit, & cela chaque année. C'est ce qui donna lieu à un bon mot de Philippe, qui admiroit le bonheur des Athéniens, de pou voir trouver chaque année à point -nommé dix Capitaines, au lieu qu'à peine avoit-il pu, pendant tout fon règne, en trouver un * feul. Il faloit pourtant bien que les Athé Parmé nion. niens, fur tout dans des tems de crife, fuffent attentifs à ne nommer pour Généraux que des citoiens d'un vrai mérite. Depuis Miltiade jufqu'à Dé. métrius de Phalère, c'eft-à dire pen. dant près de deux cent ans, on comp te un nombre confidérable de grands hommes, qu'Athènes mit à la tête de fes armées, qui porterent la gloire de leur patrie à un fi haut point de réputation. Pour lors toute jaloufie ceffoit, & l'on n'avoit en vûe que le bien public. On en voit un bel exemple dans la guerre que Darius porta contre les

Grecs

lib. 6.

cap. 109. & 110.

Herod. Grecs. Le danger étoit extrême. Les Athéniens fe trouvoient feuls contre une armée innombrable. Des dix Gé. néraux, cinq étoient pour donner le combat, cinq pour fe retirer. Miltia de, qui étoit à la tête des premiers, aiant engagé dans fon parti le Polémarque, (c'étoit un Officier qui avoit droit de fuffrage dans le Confeil de guerre, & qui décidoit en cas de partage) la bataille fut réfoluë. Tous ces Généraux, reconnoiffant la fupériorité de Miltiade fur eux, quand leur jour fut venu, lui cédérent le commandement. Ce fut pour lors que fe donna la célèbre bataille de Marathon.

Il arrivoit quelquefois que que le peu. ple, fe laiffant gouverner à fes Orateurs, & fuivant en tout leur caprice, mettoit en place des fujets indignes. On peut le fouvenir du crédit abfolu qu'avoit fur les efprits de la multitude le fameux Cléon, qui fut chargé du commandement dans les premieres années de la guerre du Péloponnèse, quoique ce fut un homme brouillon, emporté, violent, fans têre & fans mérite. Mais ces exemples font rares, & ils ne fe multiplièrent à Athènes que dans les derniers tems: & ce fut

une

Antiftb.

P. 369.

une des principales caufes de fa ruine. Le philofophe Antifthène fit fentir Diog. un jour aux Athéniens, d'une maniere Laert. in plaifante mais fpirituelle, l'abus qui fe commettoit parmi eux,dans les promotions aux charges publiques. Il leur propofa d'un air férieux en pleine affemblée,d'ordonner par un Décret que deformais les ânes feroient emploiés à labourer la terre auffi bien que les bœufs & les chevaux. Comme on lui répondit que les ânes n'étoient point nés pour le labour: Vous vous trompez, leur dit-il, c'est tout-un. Ne voiez vous pas que des citoiens, d'ânes & d'ignorans qu'ils étoient, deviennent tout d'un coup d'habiles Généraux, par cette rai fon feule que vous les avez nommés ? AROME, c'étoit auffi le peuple qui nommoit les Généraux, c'eft àdire, les Confuls, & les Préteurs. Ils n'étoient en place qu'un an. Quelquefois on leur continuoit le com. mandement fous le nom de Proconfuls ou de Propréteurs. Ce a change.

a Interrumpi tenorem rerum, in quibus peragendis continuatio ipfa efficaciffima effet,minimè convenire. Inter traditionem imperii,novitatemque fuccefforis, quæ nofcendis priùs quàm agendis rebus imbuenda fit, fæpe bene gerendæ rei occafiones intercidere. Liv. lib. 41. n. 15.

« PreviousContinue »