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23. 5.

pour les chanter d'une maniere vive, ardente, & pleine de zêle, avoient porté la fcience du chant jufqu'où elle pouvoit aller. C'étoit fans doute un genre de Mufique grand, noble, fublime, où tout étoit proportionné à la majefté du Dieu qui en étoit l'objet, & l'on peut ajouter qui en étoit l'auteur: car il avoit bien voulu former lui même fes miniftres & fes chantres, & leur enfeigner comment il vouloit que fes louanges fuffent célébrées.

Rien n'eft admirable comme l'ordre même que Dieu avoit établi parmi les Levites pour l'exercice de cet 1. Paral. augufte miniftere. Ils étoient au nombre de quatre mille, partagés en différens corps, dont chacun avoit fon Chef, & le genre auffi bien que le tems de fes fonctions marqués. Deux a cent quatre-vingt huit étoient def tinés à apprendre aux autres à chanter & à toucher les inftrumens. On voit un échantillon de cet ordre mer

veil.

in minifterium filios Afaph, &Heman,& Idithur: qui PROPHETARENT in eitharis, & pfalteriis, & cymbalis, fecundùm numerum fuum dedicato fibi officio fervientes. 1. Paralip. 25. 1.

a Fuit numerus eorum qui erudiebant canticum Domini, cuncti doctores, ducenti octo ginta octo. 1. Paralip. 25. 7.

veilleux dans la diftribution que David fit des parties de la Mufique fainte, avec laquelle il voulut folennifer le transport de l'Arche de la maison d'Obédédon dans la citadelle de Sion. Toute la troupe des Muficiens étoit 1. Paral. divifée en trois choeurs. Le premier 15.19-21. avoit des inftrumens de cuivre con-Phebreu. On a fuivi caves, fort retentiffans, femblables à nos timbales, finon qu'ils n'étoient pas couverts de peaux, mais étoient dans leur vuide traverfés de barres doublées, qu'on frapoit en différens endroits. Ces fons fe marioient fort bien avec les trompettes facerdotales qui précédoient; & par leurs mouvemens vifs, perçans, coupés, étoient très propres à réveiller l'attention des Spectateurs. La feconde troupe des Chantres facrés, compofée de deffus, touchoit un autre inftrument. Le troifiéme choeur étoit compofé de baffes, qui fervoient à nourrir & à foutenir ces deffus, avec lefquels ils étoient toujours d'accord, parce qu'ils étoient conduits par le même Maître des Chantres.

Il est aifé de comprendre que les Lévites, en auffi grand nombre qu'ils étoient, deftinés de peres en fils à

cet

cet unique exercice, inftruits par les plus favans Mitres, & formés par une longue & continuelle expérience, devcient acquerir une extrême habileté, & faifir enfin toutes les beautés & toutes les délicateffes d'un Art où ils paffoient leur vie entiere.

Voilà la vraie deftination de la Mufique. Le plus noble ufage que les hommes en puiffent faire, c'est de l'emploier à rendre un hommage con. tinuel de louange & d'adoration à la majefté fuprême du Dieu qui a créé & qui conduit l'univers. Un ministere fi faint eft réfervé à fes fideles enfans. Hymnus omnibus fanctis ejus.

ARTICLE SECOND. Des parties de la Mufique propres

aux Anciens.

JE TRAITERAI dans ce fecond Article des autres parties de la Mufique ufitées chez les Anciens, mais inconnues parmi nous, & je les confondrai fouvent ensemble ? parce qu'elles ont une liaifon naturelle, & qu'il feroit difficile de les féparer fans tomber dans des redites. Je ferai grand ufage de ce qui eft dit fur ces

ma

matieres dans les Réflexions Critiques de Mr. l'Abbé du Bos fur la Poéfie & fur la Peinture.

§. I.

Déclamation du Theatre compofée, réduite en notes.

LES ANCIENS avoient pour le théatre une déclamation compofée, & qui s'écrivoit en nottes, fans être pour cela un chant mufical: & c'eft dans ce fens qu'il faut prendre quel. quefois dans les Auteurs latins ces mots, canere, cantus, & même carmen, qui ne fignifient pas toujours un chant proprement dit, mais une certaine maniere de déclamer ou de lire.

Suivant Bryennius, la déclamation fe compofoit avec les accens, & par conféquent on devoit fe fervir pour l'écrire en nottes des caracteres mêmes qui fervoient à marquer ces accens. Il n'y en avoit d'abord que trois, l'aigu, le grave, & le circonflexe. Ils monterent enfuite jufqu'à dix, marqués chacun par un caractere diffe rent. On en voit les noms & les fi. gures dans les anciens Grammairiens.

L'AG

L'Accent eft la régle certaine qui enfeigne comment il faut élever ou abaiffer la voix dans la prononciation de chaque fyllabe. Comme on apprenoit l'intonation de ces accens en même tems qu'on apprenoit à lire, il n'y avoit prefque perfonne qui n'entendit cette efpece de nottes.

Outre le fecours des accens, les fyllabes avoient dans la langue Grecque & dans la langue Latine une quantité réglée, favoir des breves & des longues. La a fyllabe breve valoit un tems dans la mefure, & la fyllabe longue en valoit deux. Cette proportion entre les fyllabes longues & les fyllabes breves étoit auffi conftante que la proportion qui eft aujourd'hui entre les notes de différente valeur. Comme deux notes noires doivent, dans notre Mufique, durer autant qu'une blanche, dans la Mufique des Anciens deux fyllabes bréves ne duroient ni plus ni moins qu'une longue. Ainfi, lorfque les Muficiens Grecs ou Romains mettoient en chant quelque compofition que ce fût, ils n'avoient, pour la mefurer, qu'à fe

con

a Longam effe duorum temporum, brevem unius, etiam pueri fciunt. Quintil. 1. 9.14•

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