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Sculpture, & leur ote le nom d'Arts libéraux, dès qu'elles prêtent leur ministere au Vice. Pline le Naturalifte, tout enthousiasmé qu'il eft pour la beauté des Ouvrages antiques, traite d'action deshonorante & criminelle la liberté licentieufe que s'étoit donné fur ce point à Rome un Peintre d'ailleurs fort célebre: Fuit Aurellius Rome celeber, Plin. lib. nifi FLAGITIO INSIGNI corrupisset ar-35. c. 10. tem. Il fait paroitre une jufte indignation contre des Sculpteurs qui gravoient d'infames images fur des coupes & fur des gobelets, pour ne plus boire, en quelque forte, qu'à travers des obfcénités; comme fi, dit-il, l'yvreffe ne portoit pas déja affez par elle-même à la débauche, & qu'il falût encore l'éguillonner par de nouveaux attraits. Vafa adulteriis calata, quafi per fe pa- Id.lib. 14. rum doceat libidinem temulentia... Itacap. 22. vina ex libidine hauriuntur, atque etiam præmio invitatur ebrietas.

Il n'eft pas jufqu'aux Poétes qui fe déclarent vivement contre ce defor dre. Properçe s'étonne qu'on érige en public des temples à la Pudeur, Propert. I. pendant que l'on fouffre dans les. Eleg. 5. maifons particulieres des tableaux immodeftes, qui ne peuvent que cor1 6

rom.

DE LA PEINTURE rompre l'efprit des jeunes vierges, qui fous l'amorce d'un fpectacle agréable aux yeux, cachent un poifon mortel qui pénétre jufqu'au coeur, & qui femblent donner des leçons publiques d'impureté. On ne voioit point, dit-il en finiffant, ces indécentes figures chez nos Ancêtres ; & les murailles de leurs appartemens, peintes par des mains impures, ne mettoient point ainfi le crime en honneur, & ne le donnoient point en fpectacle. L'endroit eft trop beau, pour n'être pas ici raporté en entier.

Templa Pudicitiæ quid opus ftatuiffe puellis,

Si cuivis nuptæ quidlibet effe licet ? Quæ manus obfcoenas depinxit prima tabellas,

Et pofuit caftâ turpia vifa domo : Illa puellarum ingenuos corrupit ocellos Nequitiæque fuæ noluit effe rudes. Ah! gemat in terris, ifta qui protulit

arte

Jurgia fub tacita condita lætitia. Non iftis olim variabant tecta figuris : Tum partes nullo crimine pictus

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le choix de deux ftatues de Vénus, toutes deux de la main de Praxitéle, c'est tout dire, l'une voilée, & l'autre nue, préferer la premiere quoique beaucoup moins eftimée, parce qu'elle étoit plus conforme à la modellie & à la pudeur. Que pourrois-je ajouter à un tel exemple? Que le condannation pour nous, fi nous rougiffions

de le fuivre !

RRRRRRRRR

CHAPITRE SIXIEM E.

DE

LA MUSIQUE.

LA

A Mufique des Anciens étoit une science bien plus étendue qu'on ne le penfe ordinairement. Outre la compofition des chants Muficaux, & l'exécution de ces chants avec la voix & fur les inftrumens, à quoi fe borne la nôtre, l'Ancienne comprenoit l'Art poétique, qui enfeignoit à faire des vers de toute forte, auffi bien qu'à mettre en chant ceux qui en étoient fufceptibles; l'Art de la Saltation ou du gefte, qui enfeignoit les pas & l'attitude, foit de

la

la danfe proprement dite, foit de la marche ordinaire,& les geftes qui doivent être emploiés dans la déclamation; enfin elle renfermoit l'Art de compofer & d'écrire en nottes la fimple déclamation, pour régler par ces nottes tant le fon de la voix, que la mesure & les mouvemens du gefte, Art fort ufité chez les Anciens,& qui nous eft abfolument inconnu. Toutes ces différentes parties, qui ont réellement entr'elles une liaison naturelle, compofoient dans l'origine un feul & même Art, exercé par les mêmes Artifles; quoique dans la fuite elles fe foient sé parées, fur tout la Poéfie, qui a fait un ordre à part.

Je traiterai ici légérement toutes ces parties, excepté celle qui regarde la ftructure des vers qui trouvera ailleurs fa place; & je commencerai par la Mufique proprement dite, & telle qu'elle eft connue parmi nous.

ARTICLE PREMIER. De la Mufique proprement dite. A Mufique eft un Art qui enfeigne les proprietés des fons, capables de produire quelque mélodie & quelque harmonie.

§. I. Ori

§ I.

Origine effets merveilleux de la
Mufique.

QUELQUES Auteurs prétendent que ce font les oifeaux qui ont appris à l'homme à chanter, en lui faifant remarquer par leur ramage & leur gazouillement, combien les différen tes inflexions, & les divers tons de la voix font capables de flater agréablement l'oreille. L'homme a eu un plus excellent maitre, auquel feul il doit faire remonter fa reconnoiffance.

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L'invention de la Mufique, & des inftrumens qui en font une principale partie, eft un préfent de Dieu, comme l'invention des autres arts. Elle ajoute au fimple don de la parole déja bien précieux par lui-même quelque chofe de plus vif, de plus animé, & de plus propre à produire au dehors les fentimens de l'ame. Lorfqu'elle eft faifie & pénétrée de la vûe de quelque objet qui l'occupe fortement, le langage ordinaire ne fuffit pas à fes tranfports. Elle s'élance pour ainfi dire hors d'elle même, elle fe livre fans mefure aux

mou

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