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AN. M, 3560,

ARTICLE SECOND. Hiftoire abrégée des Peintres de la Gréce les plus connus.

que

JE NE ME propose ici de parler des Peintures qui ont eu le plus de réputation, fans examiner qui font ceux qui les premiers ont fait ufage du pinceau. Pline, dans les chapitres 8. 9. & 10, du 35e. Livre de fou Hiftoire naturelle, me fournira la plus grande partie de ce que j'ai à dire. Je me contente d'en avertir une fois, après quoi je ne le citerai plus que rarement.

PHIDIAS ET PANENUS.

PHIDIAS, qui fleuriffoit dans la 84. Olympiade, a été Peintre avant que d'être Sculpteur. Il a peint, à Athénes, le fameux Péricles, furnommé l'Olympien, à cause de la majefté & des foudres de fon éloquence. J'ai parlé fort au long de Phidias dans l'article de la Sculpture. PANENUS fon frere fe diftingua auffi parmi les Peintres de fon tems. Il peignit la fameufe journée de Marathon, où les Athéniens défirent en

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bataille rangée toute l'armée des Perfes. Les principaux Chefs de part & d'autre étoient repréfentés dans ce tableau de grandeur naturelle, & d'après une exacte reffemblance.

POLYGNOTE.

POLYGNOTE, fils & difciple d'Aglaophon, étoit de Thafe, ile feptentrionale de la mer Egée. Il parut avant la 90e. Olympiade. Il eft AN. M. le premier qui ait donné quelque 3582. grace à fes figures: & il contribua beaucoup au progrès de l'Art. Avant lui on n'avoit pas beaucoup avancé cette partie qui regarde l'Expreffion. D'abord il jetta en fonte quelques ftatues: mais enfin il revint au pinceau, & s'y diftingua en diverses manieres.

Mais la peinture qui lui fit le plus d'honneur à tous égards, eft celle qu'il fit à Athénes dans le Pécile, où il représenta les principaux événemens de la guerre de Troie. Quelque important & quelque précieux que fût cet ouvrage, il en refufa le paiement, par une générofité d'autant

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plus

* C'étoit un Portique, ainfi appellé à caufe de la varieté des peintures des ornemens dont il étoit çuriobi.

AN. M.

3596,

leur art.

plus eftimable, qu'elle eft rare dans
les perfonnes qui tirent du gain de
Le Confeil des Amphic-
tyons, qui repréfentoit les Etats de
la Gréce, Pen remercia par un Decret
folennel au nom de la nation, & or-
donna que dans toutes les villes où
il pafferoit, il feroit logé & défraié
aux dépens du public. Mycon, autre
Peintre, qui travailla au même Por-
tique mais d'un côté différent, moins
généreux & peut-être moins riche que
Polygnote, reçut de l'argent, & par
ce contralte augmenta encore la gloi-
re de fon confrere.

APOLLODORE.

CE PEINTRE étoit d'Athénes, & vivoit dans la 93. Olympiade. C'est lui qui trouva enfin le fecret de repréfenter au vif, & dans leur plus grande beauté, les divers objets de la nature, non feulement par la correction du Deffein, mais principalement par l'entente du Coloris, & par la diftribution des ombres, des lumieres, & du Clair-obscur; en quoi il porta la Peinture à un degré de force & de douceur, où jufques-là elle n'avoit pu encore parvenir. Pline

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remarque, qu'avant lui il n'y avoit point de tableau qui appellât & retint le Spectateur: Neque ante eum tabula ullius oftenditur, qua teneat oculos. L'effet que doit produire toute peinture excellente, eft d'attacher les yeux du Spectateur, de les rappeller, de les tenir dans l'admiration. Pline le Plin. Epift. jeune, après avoir décrit d'une ma-6. lib. 3. niere fort vive une Antique de Corinthe qu'il avoit achetée, & qui repréfentoit un Vieillard debout, termine cette admirable defcription par ces mots : Enfin tout y eft d'une „force a arréter les yeux des Maîtres ,,de l'Art, & à charmer ceux des ,,ignorans. Talia denique omnia, ut point artificum oculos tenere, delectare imperitorum.

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ZEUXIS.

Zeuxis, natif
ZEUXIS,

d'Héraclée,

apprit les premiers élémens de la

Peinture vers la 85e. Olympiade.

A N. M. Pline dit, a qu'aiant trouvé la porte 3564

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de

* On ne fait point de quelle Héraclée parlent les Auteurs, car il y a plufieurs villes de ce nom. On panche davantage pour Héraclée de Macédoine, ou pour celle qui eft dans l'Italie proche de Crotone.

a Ab hoc (Apollodoro) fores apertas Zeuxis Heracleotes intravit, ... audentemque jam aliquid penicillum ad magnam gloriam perduxit.

de la Peinture ouverte par les foins & l'induftrie d'Apollodore fon Maitre, il y entra fans peine, & pouffa même le pinceau, qui commençoit déja à s'enhardir, à une gloire très diftinguée. La porte de l'Art eft ici Pentente des Couleurs & la pratique du Clair-obfcur, qui étoit la derniere perfection qui manquoit à la Peintu re, Apollodore y avoit déja fait d'heu reufes découvertes. Mais, comme ceux qui inventent, nè perfectionnent pas toujours, Zeuxis, aiant profité des lumieres de fon Maître, porta encore plus loin que lui ces deux excellentes parties. De là vient qu'Apollodore, indigné contre fon Difciple de cette efpece de larcin qui lui étoit fi honorable,ne put s'empecher de le lui reprocher fort aigrement dans une Satyre en vers, & de le traiter de Voleur, qui, non content de lui avoir dérobé fon art, ofoit encore s'en parer en tous lieux comme d'un bien légitime.

Toutes ces plaintes ne toucherent point l'Imitateur, & ne fervirent qu'à lui faire faire encore de plus grands efforts, pour tâcher de fe furpaffer lui même après avoir furpaffé fon

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