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ce récit comme fabuleux. Sémiramis four-
nit à Ninus le moyen d'attaquer & de
prendre la citadelle, & par là de fe ren-
dre maître de la ville, où il trouva des
tréfors immenfes. Le mari de Sémiramis
s'étant donné la mort à lui-même, pour
prévenir l'effet des terribles menaces du Roi
qui avoit conçu une violente paffion pour
fa femme, Ninus l'époufa.

De retour à Ninive, il en eut un fils
qu'il nomma Ninyas. Bientôt après il mou-
rut, & laiffa à la Reine le gouvernement
du Royaume. Elle lui éleva un fuperbe
tombeau, qui fubfifta encore long-temps
après la ruine de Ninive.

Je ne trouve nulle vraisemblance à ce Plut. in mo-
que difent quelques Auteurs de la maniere ral. p. 753.
dont Sémiramis monta fur le trône. Si on
les en croit, fûre des Grands de l'Etat, que
fes bienfaits ou fes promeffes lui avoient
attachés, elle fupplia fon mari avec les
plus vives inftances de vouloir bien lui con-
fier pour cinq jours la puiffance fouve-
raine. Il fe rendit à fes prieres, & toutes
les provinces de l'Empire eurent ordre d'o-
béir à Sémiramis. On n'exécuta cet ordre
que trop exactement pour l'infortuné Ni-
nus, qui, fut mis à mort ou fur le champ
même, ou après quelques années de prison.
SÉMIRAMIS.

CETTE Princeffe ne fongeoit qu'à im- Diod. lib. 2.
mortalifer fon nom, & à couvrir la baf- pag. 95.
feffe de fa naiffance par la grandeur de
fes entreprises. Elle fe propofa de furpal-

Herod, l. 1.

fer en magnificence fes prédéceffeurs, &* bâtit Babylone, ayant employé à la conftruction de cette ville fuperbe deux millions d'hommes qu'elle ramaffa de toutes les parties de fon vafte Empire. Quelquesuns de fes fucceffeurs s'appliquerent encore à orner & à embellir cette ville par de nouveaux ouvrages. Je les réunirai tous ici pour en donner d'abord une idée plus jufte & plus fuivie.

Les principaux ouvrages qui ont rendu Babylone fi fameufe, font les murailles de la ville; les quais & le pont, le lac, les digues, & les canaux faits pour la déchar ge du fleuve les palais & les jardins fufpendus; enfin le temple de Bel: ouvrages d'une magnificence qu'on a peine à comprendre. M. Prideaux a traité cette matiere avec beaucoup d'étendue & d'érudition: je n'ai prefque fait ici que le copier ou l'abréger.

I. Les murailles.

BABYLONE étoit fituée dans une vafte c. 178-180. plaine, dont le terroir étoit extrêmement pag. 95-96. gras & fertile. Ses murailles étoient d'une Q. Curt. lib. grandeur prodigieufe. Elles avoient cinquan

Diod. lib. 2..

S. c. I.

te coudées d'épaiffeur, qui font douze toifes & demie: deux cents de hauteur, qui font 50 toifes; & quatre † cents quatre

On ne doit pas être fur- profanes, de dire qu'un Prin pris de voir que la fondation ce a báti une villé, foit qu'il d'une même ville foit attri-l'ait fondée le premier, foit buée à différentes perfonnes. qu'il l'ait embellie & augC'est un langage affez com- mentée. mun,même dans les Auteurs

† Je rapporte les chofes

ci

vingts ftades de circuit, qui font vingtquatre lieues. Elles formoient un quarré parfait, dont chaque côté étoit de fix vingts tades, c'eft-à-dire de fix lieues. Elles étoient toutes bâties de larges briques, mentées de bitume, liqueur épaiffe & glutineufe qui fort de terre dans ce pays-là qui lie plus fortement que le mortier, & qui devient beaucoup plus dur que la brique ou la pierre à qui elle fert de cinent.

Ces murailles étoient entourées d'un vafte foffé, rempli d'eau, & revêtu de briques des deux côtés. La terre qu'on en avoit tirée en le creufant, avoit été employée à faire les briques dont les murailles étoient conftruites.

Chaque côté de ce grand quarré avoit vingt-cinq portes d'airain maffif, ce qui en tout faifoit cent. D'où vient que lorfque Dieu promit à Cyrus la conquête de Babylone, il lui dit: Je marcherai devant Ifai. 45. &. vous, & je romprai les portes d'airain. Entre ces portes, & aux angles de chaque quarré, il y avoit plufieurs tours, élevées de dix pieds plus haut que les murailles.

Des vingt-cinq portes de chaque côté du quarré partoient autant de rues qui aboutiffoient aux portes du côté oppofé: de forte qu'il y avoit en tout cinquante rues qui fe coupoient à angles droits. Elles étoient bordées de maifons qui avoient telles que je les trouve dans re qu'il y a beaucoup à ra les Auteurs anciens, & Mr. battre de l'étendue immenfe Prideaux le fait comme moi : qu'ils donnent à Babylone, mais je ne laiffe pas de croi- auffi bien qu'à Ninive,

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trois ou quatre étages, & dont le devant étoit orné de toutes fortes d'embelliffemens. Q. Curt. 5. Ces maisons n'étoient point contigues

cap. 1.

ayant de chaque côté un vuide qui les féparoit les unes des autres ; & on avoit laiffé auffi une grande diftance entre elles & les murs de la ville. Ainfi Babylone étoit plus grande en apparence qu'en réalité, près de la moitié de la ville étant occupée par des jardins & par des terres qu'on labou roit & qu'on enfemençoit, comme nous l'apprend Quinte-Curce.

Herod. 1. 1. II. Quais & Pont.

cap. 180. & 186.

pag. 96.

UNE branche de l'Euphrate traversoit Diod. L. 2. cette grande ville du Nord au Midi. On bâtit de chaque côté de la riviere, pour lui fervir de quai, une grande muraille de brique & de bitume, de la même épaif feur que les murs de la ville. On y mit des portes d'airain vis-à-vis de toutes les rues qui coupoient le fleuve, avec des defcentes qui y conduifoient, & dont les ha bitans avoient accoutumé de fe fervir pour paffer en bateau d'un bord à l'autre n'ayant pas d'autre paffage fur le fleuve avant que le pont eût été conftruit. Ces portes étoient ouvertes pendant le jour mais la nuit on les tenoit fermées.

Le pont ne le cédoit pour la beauté à aucun des autres ouvrages. Il avoit un

*Diodore dit que ce pont | que l'Euphrate n'avoit qu'un avoit cinq ftades de longeur ftade de largueur felon Stra ce qui fait un quart de lieue: bon. liv. 56, pag. 738. mais cela ne peut être, puif

ftade,

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ftade, c'est-à-dire, cent quatre toifes dé long, fur trente pieds de large. Les arches étoient bâties de groffes pierres qu'on avoit liées enfemble avec des chaînes de fer & du plomb fondu. Lorsqu'il s'étoit agi de le conftruire, on avoit détourné le cours du fleuve, & mis fon lit à fec, pour d'autres raisons encore comme je le dirai bientôt : & comme tout étoit préparé de loin, le pont fut conftruit pendant cet intervalle, auffi-bien que les quais dont j'ai parlé.

III. Lac, digues, canaux faits pour la décharge du fleuve.

, cap. 26.

Ces travaux, objets de l'admiration des plus habiles connoiffeurs, avoient encore plus d'utilité que de magnificence. A Strab. L. 18. l'approche de l'été, le foleil venant à fon- pag.40. Plin.lib.5. dre les neiges des montagnes d'Arménie il en naît une grande crue d'eau dans les mois de Juin, Juillet, & Août, qui fe jettant dans l'Euphrate, lui font franchir fes bords dans cette faifon, de la même maniere que le Nil fe déborde en Egypte. Comme la Ville & le pays en fouffroient Abyd. apud beaucoup de dommage, pour y rémédier Futh. on fit tirer fort haut au deffus de la ville Prep. deux canaux artificiels pour détourner dans Evang. 1. 9. le Tigre ces eaux débordées avant qu'elles fuffent parvenues à Babylone.

Afin que le pays fût encore plus en fû- Abyd. ibid,

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reté contre les inondations, on fit conftrui- Herod.1 1, re une prodigieufe digue de brique cîmentée de bitume des deux côtés du fleuve Tome 11.

B

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