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181.

Lib. 1. cap. tel; & il y a bien de l'apparence que l'ou vrage demeura où il en étoit lorfque Dieu le fit ceffer par la divifion des langues, & la tour confacrée à Bélus, dont Hérodote fait la defcription, étoit celle que les enfans des hommes avoient prétendu éle ver jufqu'aux nues.

que

Il eft encore fort vraisemblable que ce ridicule deffein ayant été déconcerté par un prodige inoui dont Dieu feul pouvoit être l'auteur, tout le monde d'abord abandonna un lieu qui lui avoit déplu, & que Nemrod fut le premier qui l'environna de murailles, y établit fes amis & fes confédé rés, & fe foumit tous les environs, commençant par-là fon Empire; mais ne l'y bornant pas: Fuit principium regni ejus Babylon. Les autres villes que nomme ici l'Ecriture étoient dans la terre de Sennaar qui eft certainement la Province dont Ba bylone devint la Métropole.

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De ce pays il paffa dans celui qui eft Gen. 10. 11. appellé Affyrie, & y bâtit Ninive De terra illa egreffus eft Aur, & ædificavit Ninivem. C'est le fens que plufieurs favans donnent au mot d'Affur, en le regardant comme celui d'une Province, & non comme celui du premier homme qui l'avoit occupée, comme s'il y avoit egreffus eft in Affur, in Affyriam, & ce fens paroît le plus naturel pour plufieurs raisons qu'il n'eft pas néceffaire de rapporter ici. Le pays Mich. 5. 6. d'Affyrię eft marqué dans un Prophête par ce caractere particulier, d'être la terre de

Nemrod: Et pafcent terram Affur in gla dio, & terram Nemrod in lanceis ejus; & liberabit ab Affur, cùm venerit in terram nof tram. Il tiroit fon nom d'Affur fils de Sem, qui fans doute s'y étoit établi avec fa famille, & qui en fut apparemment chaffé, ou affujetti par l'ufurpateur Nemrod.

,

Celui-ci s'étant emparé des Provinces Gen. 10. v. 11. d'Affur, ne les ravagea pas en tyran, mais 12. les remplit de villes, & fe fit aimer de fes nouveaux fujets. avec autant de paffion que des anciens; en forte que les Hiftoriens, Diod. l. 2, qui n'ont pas affez approfondi ce point, pag. 99. ont crû qu'il s'étoit fervi des Affyriens pour fe foumettre les Babyloniens. Il bâtit entre autres une ville fuperbe, qu'il appella Ninive, du nom de fon fils Ninus, pour immortalifer par-là fa mémoire. Ce fils à fon tour, plein de vénération pour fon pere, voulut que ceux qui l'avoient eu pour Roi, l'adoraffent comme leur Seigneur, & portaffent les autres peuples à lui rendre le même culte. Car il paroît certain que Nemrod eft le fameux Bélus des Babyloniens le plus ancien Roi que les peuples aient adoré pour fes grandes actions, & qui aient montré aux hommes le chemin à cette forte d'immortalité qu'ils s'imaginent que les qualités humaines peuvent donner.

,

Je me réserve à parler de la grandeur & de la puiffance des villes de Babylone & de Ninive fous les Rois auxquels les auteurs profanes en attribuent l'établiffement, parce que l'Ecriture n'en dit prefque

Diod, L. 2. P. 90-95.

rien. Ce filence dont notre curiofité à peine à s'accommoder, peut devenir fort inftructif pour notre piété. L'Ecriture a placé exprès Nemrod & Abraham fort près l'un de Pautre, quoiqu'ils foient éloignés par rapport au temps où ils ont vécu, afin que nous viffions dans le premier ce que les hommes admirent & ce qu'ils fouhaitent, & dans le fecond ce que Dieu approuve, & ce qu'il juge digne de fa complaifance & de fon amour. (a) Ces deux hommes fi différens font les deux premiers citoyens de deux cités oppofées, fondées par des amours contraires, dont l'un eft l'amour de foi-même & des biens temporels porté jufqu'au mépris de Dieu, & l'autre eft l'amour de Dieu porté jufqu'au mépris de foi-même.

NINUS.

J'ai déja remarqué que la plupart des Auteurs profanes le regardent comme le premier fondateur de l'Empire des Assy riens, & par cette raison lui attribuent une grande partie des actions de Nemrod ou Bélus fon pere.

Dans le deffein qu'il avoit de porter au loin fes conquêtes, il commença par se préparer des troupes & des Officiers capables. de feconder fes deffeins. Soutenu du puiffant fecours des Arabes fes voifins, il fe

(a) Fecerunt civitates duas | amores duo; terrenam fcilicet amor fui ufque ad contemptum Dei,cœleftem verò

amor Dei ufque ad contemptum fuî. S. Aug. de Civ. Dei lib. 14. cap. 28.

mit en campagne, & dans l'efpace de dixfept ans fit la conquête d'une infinité de pays depuis l'Egypte jufqu'à l'Inde & la Bactriane qu'il n'ofa pas encore attaquer.

A fon retour, avant que d'entreprendre de nouvelles conquêtes, il voulut immortalifer fon nom par l'établiffement d'une ville qui répondit à la grandeur de fa puiffance; il l'appella Ninive, & la bâtit fur le bord oriental du* Tigre. Peut-être ne fit-il qu'achever l'ouvrage que fon pere avoit commencé. Son deffein, dit Diodore, fut de rendre Ninive la plus grande & la plus célébre ville du monde, & d'ôter à ceux qui viendroient après lui l'efpérance & le moyen d'en bâtir jamais une pareille. Elle avoit 150 ftades (fept lieues & demie ) de longueur, fur 90. ftades (4 heues & demie) de largeur: & par conLéquent elle faifoit un quarré long. Elle avoit de circuit quatre cents quatre-vingts ftades, qui font vingt-quatre lieues. DeJa vient que dans Jonas il eft dit que Ninive étoit une grande ville qui avoit trois jours de chemin, ce qui peut s'entendre de fon circuit. ** Les murs avoient cent pieds de hauteur; & une épaiffeur fi confidéra

*Diodore dit que ce fut fur le bord de l'Euphrate, & en parle ainfi en plusieurs endroits, mais il fe trompe. ** Il est difficile de croire qu'il n'y ait pas de l'exagération dans ce que dit ic: Diodore de l'étendue de Ni

nive. C'est ce qui a porté plu
fieurs Savans à diminuer l'é-
valuation du ftade de près de
la moitié, en mettant quinze
ftades pour le mille Romain
au lieu qu'on n'en met ordi-
nairement que huit,

Jonas, 3. 7.

ble, qu'on pouvoit y conduire à l'aife trois chars de front. Ils étoient revêtus & fortitifiés de quinze cents tours, hautes de deux cents pieds.

*

Après avoir achevé ce grand ouvrage, il reprit fon expédition contre les Bactriens. Son armée, au rapport de Ctéfias, étoit Il paroft de dix-fept cents mille hommes de pied, ici de l'exa- de deux cents mille chevaux, & de près de gération : Pen parle- feize mille charriots armés de faulx. Diorai dans la dore ajoute que cela ne doit pas paroître fuite.

incroyable, puifque, pour ne point parler des armées innombrables de Darius & de Xerxès, fous Denys le Tyran, la feule ville de Syracufe mettoit fur pied fix vingts mille hommes d'infanterie, & douze mille de cavalerie, fans compter quatre cents vaiffeaux bien équipés; & que peu de temps avant Annibal, l'Italie, en comptant les citoyens & les alliés, pouvoit armer près d'un million d'hommes. Ninus fe rendit maître d'un grand nombre de villes, & enfin s'attacha au fiége de Bactre, capitale du pays. Il y auroit peut-être vû échouer tous fes efforts fans le fecours & l'industrie de Sémiramis, femme d'un de. fes premiers Officiers, laquelle étoit d'un courage extraordinaire, & n'avoit rien de la foibleffe de fon fexe. Elle étoit née à Afcalon, ville de Syrie. Je ne crois pas devoir rapporter ici ce que Diodore raconte de fa naiffance, & de la maniére miraculeufe dont elle fut nourrie par des coLombes, cet historien même regardant tout

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