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LIVRE TROISIEME.

HISTOIRE

DES ASSYRIEN S.

E troifieme Livre renfermera l'Hiftoire

C de l'Empire des Affyriens, tant de Ni

nive que de Babylone, du Royaume des Médes, & de celui des Lydiens.

CHAPITRE PREMIER.
Premier Empire des Affyriens.
*. Durée de cet Empire.

'EMPIRE des Affyriens a été fans contredit l'un des plus puiflans Empires du monde. Les auteurs fe partagent en deuxfentimens principaux fur le temps qu'il a fubfifté. Les uns, comme Ctefias, fuivi en cela par Juftin, lui donnent treize cens ans de durée : les autres ne lui en donnent que cinq cens vingt., & c'est ce que pen'e Hérodote. L'affoibliffement, & peutêtre même linterruption du pouvoir dans ce vafte Empire, ont pu donner lieu à cette différence de fent mens, ce qui femble pouvoir auffi en quelque forte les concilier.

L'Hiftoire de ces temps reculés eft fi obfcure, les monumens qui nous l'ont confervée fi oppotés entr'eux, les fyftêmes.des

Porphir.

*modernes fur cette matiere fi différens-
les uns des autres, qu'il eft difficile de
donner aucun fentiment comme certain &
inconteftable. Au défaut de la certitude
je crois qu'un Lecteur raifonnable peut fe
contenter de la vraisemblance; & il me
femble qu'on ne peut guéres fe tromper en
donnant à l'Empire des Affyriens la même
antiquité qu'à la ville de Babylone qui em
étoit la capitale. Or, l'Ecriture fainte nous
apprend que celle-ci fut bâtie par Nem--
rod qui fut certainement un grand con-
quérant, &, felon toutes les apparences,
le premier & le plus ancien de tous ceux
qui ont ambitionné ce nom.

Les Babyloniens, comme Callifthene apud. Sim Philofophe de la fuite d'Alexandre, l'éplic. in. lib. crivit à Ariftote, comptoient au moins 1903

2. de calo.

ans d'antiquiré lorfque cePrince entra triomphant dans Babylone, ce qui fait remonter fon origine à l'an du monde 1771, c'est-àdire, 115 ans après le déluge. Ce calcul, à peu d'années près, revient au temps où nous croyons que Nemrod en jetta les fondemens. Ce témoignage de Callifthéne dont il n'eft point parlé ailleurs, paroît fufpect à quelques Sçavans: mais fa conformité avec l'Ecriture doit le rendre refpec table.

*Ceux qui voudront ap-l'Académie des elles-lettres, profondir cette matiere pour les premieres Tome III, & ront lire les differtations de les autres Tome V ; & ce M. l'Abbé Banier & de M. qu'a écrit fur ce fujet le P. Freret fur l'Empire des Affy- Tournemine dans fon édi viens dans les Mémoires de tion de Ménochius.

C'eft fur ces conjectures que je crois pou voir donner Nemrod pour fondateur au premier Empire des Affyriens, qui fubfifta avec plus ou moins d'éclat & d'étendue * pendant plus de 1450 ans depuis lui jusqu'à Sardanapale qui en fut le dernier Roi c'eft-à-dire, depuis l'an du monde 1800 jufqu'à l'an 3257

S. II. Rois d'Affyrie. Nemrod ou Bělus. Ninus. Sémiramis: defcription de Babylone. Ninyas.... Phul. Sardanapale.

*

AN. M. 1800.

NEMROD. C'eft le même que Bélus, A J.C. 2204 qui fut depuis honoré fous ce nom comme une Divinité.

Il étoit fils de Chus, petit fils de Cham, & arriére petit fils de Noé. C'étoit, dit l'Ecriture fainte, un violent chaffeur devant Le Seigneur, Il avoit deux vues en s'appli quant à ce pénible & dangereux exercice. La premiere étoit de s'attirer l'affection des peuples, qu'il délivroit & de la crainte & de l'attaque des bêtes farouches. La feconde d'exercer à la chaffe beaucoup de jeunes gens, de les endurcir au travail, de les accoutumer à une espece de difcipline & d'obéiffance, de les former à l'ufage des armes, & de faire fervir à des deffeins." plus férieux que la chaffe des hommes qu'il auroit aguerris fous ce prétexte, &

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2

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* Bélus

ou Boal, fignifie Maître.

Hérodote n'être que de 520
ans, mais je tire de lui les'.
dates du temps où Nemrod a
vécu, & de celui où Sarda
napale eft mort.

Gen. ch. 10.

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yo.

qui feroient accoutumés à fes ordres.

L'Hiftoire ancienne a confervé quelques veftiges de cet artifice de Nemrod, qu'elle Lib. 2. pag a confondu avec Ninus fon fils. Car Diodore en parle en ces termes : « Ninus » le plus ancien des Rois d'Affyrie dont » il foit parlé dans l'hiftoire, a fait de > grandes chofes. Etant naturellement bel»liqueux, & zélé pour la gloire qui eft » le fruit de la vertu, ilaria un nom»bre confidérable de jeunes gens robuftes » & courageux comme lui, les forma long» temps par de durs & de pénibles exercices, & par-là les accoutuma à fuppor

Ibid.

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ter avec patience les fatigues de la guerre,. » & à en affronter les dangers avec cou » rage & intrépidité.

Ce qu'ajoute Diodore, que Ninus fit alliance avec le Roi des Arabes en unif fant fes troupes aux fiennes, eft un refte de l'ancienne tradition, qui nous apprend que les enfans de Chus, & par conféquent freres de Nemrod, s'établirent tous dans. l'Arabie le long du golfe Perfique depuis Hevila jufqu'à l'océan, & qu'ils étoieni affez fes voifins pour le fecourir & en être) fecourus. Et ce que le même Hiflorien die de Ninus, qu'il fut le premier Roi des Af riens, répond précisément à ce que dit l'E criture de Nemrod, qu'il commença à être puifant fur la terre: c'eft-à-dire, qu'il s'y établit, qu'il vâtit des villes, qu'il fubjugua fes vois les plus proches, qu'il réunit ces différens peuples fous une même au

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torité par des loix communes & par une même police, & qu il en forma un Etat qui pour ces premiers temps étoit d'une éten due affez confidérable, quoique bornée aux rives de l'Euphrate & du Tigre ; & qui dans les fiecles fuivans fut prendre peu à peu de nouveaux accroiflemens, & vint à bout de pouffer fort loin fes conquêtes.

La ville capitale de fon Royaume, dit Gen. 10: 125 Ecriture,fut Babylone: Les Hiftoriens profanes attribuent prefque tous à Sémiramis la fondation de Babylone: (a) d'autres la donnent à Bélus. Il eft vifible que les uns & les autres fe trompent, s'il eft question du premier fondateur de cette ville. Car elle ne doit fon commencement ni à Sémiramis, ni à Nemrod, mais à la folle vanité de ceux dont l'Ecriture dit qu'ils voulurent bâtir une tour & une ville, qui rendiffent leur mémoire immortelle.

Gen. 11 4.

Jofephe rapporte, fur le témoignage d'une Hift. Jud. Sybille qui doit être fort ancienne, & dont lib. 1. c. q. on ne peut attribuer les fictions au zele imprudent de quelques Chrétiens, que des tourbillons des vents impétueux envoyés par les Dieux, renverferent la tour. Si cela étoit, la témérité de Nemrod feroit encore plus grande d'avoir rebâti une ville & une tour, que Dieu mêine auroit renverfée avec de fi grandes marques de fa colere. Mais l'Ecriture ne dit rien de

(a) Semiramis eam con li- oftenditur, Q. Curt. Lib, 5. derar, vel, ut plerique tra- cap-1.

didêre, Belus, cujus regia.

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