Page images
PDF
EPUB

Son aventure avec le roi

Augufte.

était déjà dans la confternation; on apprit enfin d'un faxon qui paffait ce qu'était devenu le roi.

L'envie lui avait pris, en paffant fi près de Dresde, d'aller rendre une vifite au roi Augufle: il était entré à cheval dans la ville, fuivi de trois ou quatre officiers généraux, on leur demanda leur nom à la barrière : Charles dit qu'il s'appelait Carl, et qu'il était draban; chacun prit un nom fuppofé. Le comte Flemming les voyant paffer dans la place, n'eut que le temps de courir avertir fon maître. Tout ce qu'on pouvait faire dans une occafion pareille s'était déjà préfenté à l'idée du miniftre: il en parlait à Augufte; mais Charles entra tout botté dans la chambre, avant qu'Augufte eût eu même le temps de revenir de sa surprise. Il était malade alors, et en robe de chambre : il s'habilla en hâte. Charles déjeûna avec lui comme un voyageur qui vient prendre congé de fon ami; enfuite il voulut voir les fortifications. Pendant le peu de temps qu'il employa à les parcourir, un livonien profcrit en Suède, qui fervait dans les troupes de Saxe, crut que jamais il ne s'offrirait une occafion plus favorable d'obtenir sa grâce; il conjura le roi Augufte de la demander à Charles, bien sûr que ce roi ne refuferait pas cette légère condescendance à un prince à qui il venait d'ôter une couronne, et entre les mains duquel il était dans ce moment. Augufle fe chargea aifément de cette affaire. Il était un peu éloigné du roi de Suède, et s'entretenait avec Hord, général fuédois. Je crois, lui dit-il en fouriant, que votre maître ne me refufera pas. Vous ne le connaiffez pas, repartit le général Hord; il vous refufera plutôt ici que par-tout ailleurs. Augufte ne laiffa pas de demander au roi en termes

preffans la grâce du livonien. Charles la refufa d'une manière à ne fe la pas faire demander une feconde fois. Après avoir paffé quelques heures dans cette étrange vifite, il embraffa le roi Augufle, et partit. Il trouva, en rejoignant fon armée, tous fes généraux encore en alarmes; ils lui dirent qu'ils comptaient affiéger Dresde, en cas qu'on eût retenu sa majesté prifonnière. Bon, dit le roi, on n'oferait. Le lendemain, fur la nouvelle qu'on reçut que le roi Augufle tenait confeil extraordinaire à Drefde, vous verrez, dit le baron de Stralheim, qu'ils délibèrent fur ce qu'ils devaient faire hier. A quelques jours de-là Renfchild étant venu trouver le roi, lui parla avec étonnement de ce voyage de Dresde. Je me fuis fié, dit Charles, fur ma bonne fortune : j'ai vu cependant un moment qui n'était pas bien net; Flemming n'avait nulle envie que je fortiffe de Drefde fitôt.

Fin du troisième Livre.

Etat flo

Charles.

LIVRE QUATRIE ME.

ARGUMENT.

Charles victorieux quitte la Saxe; poursuit le czar ; s'enfonce dans l'Ukraine. Ses pertes; fa bleffure. Bataille de Pultava. Suite de cette bataille. Charles réduit à fuir en Turquie. Sa réception en Beffarabie.

ly

CHARLES partit enfin de Saxe, en septembre 1707, riffant de fuivi d'une armée de quarante - trois mille hommes, autrefois couverte de fer, et alors brillante d'or et d'argent, et enrichie des dépouilles de la Pologne et de la Saxe. Chaque foldat emportait avec lui cinquante écus, argent comptant; non-feulement tous les régimens étaient complets, mais il y avait dans chaque compagnie plufieurs furnuméraires. Outre cette armée, le comte Levenhaupt, l'un de fes meilleurs généraux, l'attendait en Pologne avec vingt mille hommes; il avait encore une autre armée de quinze mille hommes en Finlande, et de nouvelles recrues lui venaient de Suède. Avec toutes ces forces on ne douta pas qu'il ne dût détrôner le

czar.

Cet empereur était alors en Lithuanie occupé à ranimer un parti, auquel le roi Augufte femblait

avoir

avoir renoncé fes troupes, divifées en plufieurs corps, fuyaient de tous côtés au premier bruit de l'approche du roi de Suède. Il avait recommandé lui-même à tous fes généraux de ne jamais attendre ce conquérant avec des forces inégales, et il était bien obéi.

Le roi de Suède, au milieu de fa marche victorieuse, reçut un ambaffadeur de la part des Turcs. L'ambaffadeur eut fon audience au quartier du comte Piper; c'était toujours chez ce miniftre que se fefaient les cérémonies d'éclat. Il foutenait la dignité de fon maître par des dehors qui avaient alors un peu de magnificence; et le roi, toujours plus mal logé, plus mal fervi, et plus fimplement vêtu que le moindre officier de fon armée, difait que fon palais était le quartier de Piper. L'ambaffadeur turc présenta à Charles cent foldats fuédois qui, ayant été pris par des calmouks, et vendus en Turquie, avaient été rachetés par le grand feigneur, et que cet empereur envoyait au roi comme le préfent le plus agréable qu'il pût lui faire; non que la fierté ottomane prétendît rendre hommage à la gloire de Charles XII, mais parce que le fultan, ennemi naturel des empereurs de Moscovie et d'Allemagne, voulait se fortifier contre eux de l'amitié de la Suède, et de l'alliance de la Pologne. L'ambaffadeur complimenta Staniflas fur fon avénenement: ainfi ce roi fut reconnu en peu de temps par l'Allemagne, la France, l'Angleterre, l'Espagne et la Turquie. Il n'y eut que le pape qui voulut attendre, pour le reconnaître, que le temps eût affermi fur fa tête cette couronne qu'une disgrâce pouvait faire tomber.

Hif. de Charles XII.

L

Il pourfuit le czar. 1708.

A peine Charles eut-il donné audience à l'ambaffadeur de la Porte ottomane qu'il courut chercher les Mofcovites. Les troupes du czar étaient forties de Pologne, et y étaient entrées plus de vingt fois pendant le cours de la guerre : ce pays ouvert de toutes parts, n'ayant point de places fortes qui coupent la retraite d'une armée, laiffait aux Ruffes la liberté de reparaître fouvent au même endroit où ils avaient été battus, et même de pénétrer dans le pays auffi avant que le vainqueur. Pendant le féjour de Charles en Saxe, le czar s'était avancé jufqu'à Léopold, à l'extrémité méridionale de la Pologne. Il était alors vers le Nord à Grodno en Lithuanie, à cent lieues de Léopold.

Charles laiffa en Pologne Staniflas qui, affifté de dix mille fuédois, et de fes nouveaux fujets, avait à conferver fon nouveau royaume contre les ennemis étrangers et domeftiques: pour lui, il fe mit à la tête de fa cavalerie, et marcha vers Grodno, au milieu des glaces, au mois de janvier 1708.

Il avait déjà paffé le Niemen, à deux lieues de la ville; et le czar ne favait encore rien de fa marche. A la première nouvelle que les Suédois arrivent, le czar fort par la porte du nord, et Charles entre par celle qui eft au midi. Le roi n'avait avec lui que fix cents gardes; le refte n'avait pu le fuivre. Le czar fuyait avec plus de deux mille hommes, dans l'opinion que toute une armée entrait dans Grodno. Il apprend, le jour même, par un transfuge polonais, qu'il n'a quitté la place qu'à fix cents hommes, et que le gros de l'armée ennemie était encore éloigné

« PreviousContinue »