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Augufte

couronne.

14 février

1704.

fes terres. Enfin il leva le mafque, et déclara, au On déclare nom de l'affemblée, Augufte, électeur de Saxe, inhabile dechu de la à porter la couronne de Pologne. On y prononça d'une commune voix que le trône était vacant. La volonté du roi de Suède, et par conféquent celle de cette diète, était de donner au prince Jacques Sobiesky le trône du roi Jean, fon père. Jacques Sobiesky était alors à Breflau en Siléfie, attendant avec impatience la couronne qu'avait portée son père. Il était un jour à la chaffe, à quelques lieues de Breslau, avec le prince Conftantin, l'un de fes frères; trente cavaliers faxons, envoyés fecrètement par le roi Augufle, fortent tout à coup d'un bois voifin, entourent les deux princes, et les enlèvent fans résistance. On avait préparé des chevaux de relais, fur lefquels ils furent fur le champ conduits à Leipfick, où on les enferma étroitement. Ce coup dérange les mefures de Charles, du cardinal et de l'affemblée de Varfovie.

La fortune, qui se joue des têtes couronnées, mit prefque dans le même temps le roi Augufte fur le point d'être pris lui-même. Il était à table, à trois lieues de Cracovie, se repofant fur une garde avancée, et poftée à quelque diftance, lorfque le général Renfchild parut fubitement, après avoir enlevé cette garde. Le roi de Pologne n'eut que le temps de monter à cheval, lui onzième. Le général Renfchild le pourfuivit pendant quatre jours prêt à le faifir à tout moment. Le roi fuit jusqu'à Sendomir: le général fuédois l'y fuivit encore; et ce ne fut que par un bonheur fingulier que ce prince échappa. Pendant tout ce temps le parti du roi Augufte Hift. de Charles XII.

H

Le prince
Alexandre

traitait celui du cardinal, et en était traité réciproquement de traître à la patrie. L'armée de la couronne était partagée entre les deux factions. Augufte, forcé enfin d'accepter le secours mofcovite, fe repentit de n'y avoir pas eu recours affez tôt. Il courait tantôt en Saxe, où fes reffources étaient épuifées, tantôt il retournait en Pologne, où l'on n'ofait le fervir. D'un autre côté, le roi de Suède victorieux et tranquille régnait en effet en Pologne.

Le comte Piper, qui avait dans l'efprit autant de politique que fon maître avait de grandeur dans le fien, propofa alors à Charles XII de prendre pour lui-même la couronne de Pologne. Il lui repréfentait combien l'exécution en était facile avec une armée victorieuse, et un parti puissant dans le cœur d'un royaume qui lui était déjà foumis. Il le tentait par le titre de défenfeur de la religion évangélique, nom qui flattait l'ambition de Charles. Il était aifé, difaitil; de faire en Pologne ce que Gustave Vafa avait fait en Suède, d'y établir le lutheranisme, et de rompre les chaînes du peuple, efclave de la nobleffe et du clergé. Charles fut tenté un moment; mais la gloire était fon idole. Il lui facrifia fon intérêt, et le plaifir qu'il eût eu d'enlever la Pologne au pape. Il dit au comte Piper qu'il était plus flatté de donner que de gagner des royaumes: il ajouta en fouriant: Vous étiez fait pour être le ministre d'un › prince italien.,,

Charles était encore auprès de Thorn, dans cette Sobiesky partie de la Pruffe royale qui appartient à la Pologne; il portait de là fa vue fur ce qui fe passait à Varsovie, et tenait en respect les puiffances voifines. Le prince

refufe le trône.

Alexandre, frère des deux Sobiesky enlevés en Siléfie, vint lui demander vengeance. Charles la lui promit d'autant plus qu'il la croyait aifee, et qu'il fe vengeait lui-même. Mais impatient de donner un roi à la Pologne, il propofa au prince Alexandre de monter fur le trône, dont la fortune s'opiniâtrait à écarter fon frère. Il ne s'attendait pas à un refus. Le prince Alexandre lui déclara que rien ne pourrait jamais l'engager à profiter du malheur de fon aîné. Le roi de Suède, le comte Piper, tous fes amis, et fur-tout le jeune palatin de Pofnanie, Staniflas Leczinsky, le prefsèrent d'accepter la couronne. Il fut inébranlable les princes voifins apprirent avec étonnement ce refus inoui, et ne favaient lequel ils devaient admirer davantage, ou un roi de Suède, qui à l'âge de vingt-deux ans donnait la couronne de Pologne, ou le prince Alexandre qui la refufait.

Fin du fecond Livre.

LIVRE TROISIEM E.

ARGUMENT.

Staniflas Leczinsky élu roi de Pologne. Mort du cardinal primat. Belle retraite du général Schullembourg. Exploits du czar. Fondation de Pétersbourg. Bataille de Frauenflad. Charles entre en Saxe. Paix d'Altranftad. Augufte abdique la couronne, et la cède à Stanislas. Le général Patkul, plénipotentiaire du czar, eft roué et écartelé. Charles reçoit en Saxe des ambaffadeurs de tous les princes: il va feul à Drefde voir Augufte avant de partir.

Staniflas, LE

fait roi.

jeune Staniflas Leczinsky était alors député à l'affemblée de Varfovie pour aller rendre compte au roi de Suède de plufieurs différens furvenus dans le temps de l'enlèvement du prince Jacques. Staniflas avait une phyfionomie heureuse, pleine de hardieffe et de douceur, avec un air de probité et de franchise, qui de tous les avantages extérieurs eft le plus grand, et qui donne plus de poids aux paroles que l'éloquence même. La fageffe avec laquelle il parla du roi Augufte, de l'affemblée, du cardinal primat, et des intérêts différens qui divifaient la Pologne, frappa Charles. Le roi Stanislas m'a fait l'honneur de me raconter qu'il dit en latin au roi de Suède:

Comment pourrons-nous faire une élection, fi les deux princes Jacques et Conftantin Sobiesky font captifs? et que Charles lui répondit: Comment délivrera-t-on la république, fi on ne fait pas une élection? Cette converfation fut l'unique brigue qui mit Staniflas fur le trône. Charles prolongea exprès la conférence, pour mieux fonder le génie du jeune député. Après l'audience il dit tout haut qu'il n'avait jamais vu d'homme fi propre à concilier tous les partis. Il ne tarda pas à s'informer du caractère du palatin Leczinsky. Il fut qu'il était plein de bravoure, endurci à la fatigue; qu'il couchait toujours fur une espèce de paillaffe, n'exigeant aucun fervice de fes domeftiques auprès de fa perfonne; qu'il était d'une tempérance peu commune dans ce climat, économe, adoré de fes vaffaux, et le feul feigneur peut-être en Pologne qui eût quelques amis, dans un temps où l'on ne connaiffait de liaisons que celles de l'intérêt et de la faction. Ce caractère, qui avait en quelques chofes du rapport avec le fien, le détermina entièrement. Il dit tout haut après la conférence : Voilà un homme qui fera toujours mon ami; et on s'aperçut bientôt que ces mots fignifiaient: Voilà un homme qui fera roi.

Quand le primat de Pologne fut que Charles XII avait nommé le palatin Leczinsky, à peu-près comme Alexandre avait nommé Abdalonime, il accourut auprès du roi de Suède, pour tâcher de faire changer cette résolution; il voulait faire tomber la couronne à un Lubomirsky. Mais qu'avez-vous à alléguer contre

Staniflas Leczinsky, dit le conquérant? Sire, dit le primat, il eft trop jeune. Le roi répliqua

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