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du relâchement de la discipline, nous ne serions, au contraire, occupés qu'à vous prescrire des ménagemens que l'Eglise ne refuse jamais à la foiblesse, mais que de déplorables illusions exigent trop souvent de son indulgence.

⚫ Oui, venez quelquefois, venez souvent, pendant ce carême, vous asseoir à l'ombre de la croix, et bientôt vous désirerez avec une ardeur extrême d'en cueillir et d'en goûter les fruits, parce que vous ne tarderez pas å reconnoître que, s'ils paroissent d'abord amers à la nature, la grâce y a caché une douce et délicieuse saveur. Sous cet arbre de vie, du haut de la montagne sacrée d'où il étend sur l'univers ses rameaux protecteurs, dans le repos d'une simple mais fervente contemplation, aimez à parcourir des yeux de la foi le chemin royal que notre divin monarque a tracé, qu'il a arrosé de ses sueurs, de ses larmes et de son sang; repassez les unes après les autres, avec une tendre curiosité, toutes les circonstances de ce combat livré pour nous, de cette victoire acquise à un si grand prix, enfin de cette passion douloureuse, où Jésus, triomphant, par son amour, du monde, de l'enfer, de Dieu même, nous a laissé dans ses souffrances et dans sa mort les moyens d'en triompher à notre tour comme lui et avec lui. C'est alors qu'animés d'un saint courage, pleins d'une émulation divine, le feu d'une chaste pudeur rougissant votre visage, vous aurez honte de demeurer oisifs à la vue de tant de travaux endurés pour vous, de mener une vie si molle, sous un chef couronné d'épines; de conserver encore tant d'orgueil devant des abaissemens si profonds; de n'oser essayer la moindre satisfaction pour vos péchés, lorsque, pour eux, un Dieu s'est fait victime. Alors, vous descendrez vous mettre à la suite de ce Dieu sauveur et prodigue de lui-même; vous ferez taire vos répugnances, vous imposerez silence à ces passions dont les murmures vous empêchent d'entendre la voix qui vous appelle à la pénitence; et chacun, suivant ses forces, selon la mesure de grâce qui lui aura été donnée, avec la discrétion dont les bornes auront été posées par de sages conducteurs, Vous ne ferez plus difficulté de réduire, comme l'apôtre Saint Paul, votre corps en servitude; de le soumettre à l'obéissance de la loi autant qu'il pourra l'accomplir; de supporter du moins, en esprit de réparation, les adversités, les contradictions, les maladies, les douleurs, les exercices de la

vie chrétienne, afin d'achever en vous ce qui manque à la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c'est-à-dire, l'union volontaire de vos souffrances aux siennes, et l'application de ses mérites pour donner quelque valeur à vos efforts.

» Il seroit trop long d'énumérer et d'expliquer en un jour tous les avantages d'une pratique aussi salutaire que celle dont nous vous conjurons de prendre, au moins pendant le carême, l'heureuse habitude. Qu'il nous suffise de vous dire qu'il n'en est pas qui répande dans l'âme plus de lumières, qui lui communique plus de force, qui lui apporte plus de consolation; que la science du crucifix peut dans la religion tenir lieu de toutes les autres, parce qu'elle nous apprend, en un instant, d'un seul regard, quelle est la grandeur de Dieu, sa sagesse, sa puissance, sa justice, sa bonté et toutes ses autres perfections qu'il nous importe de connoître; parce qu'elle nous montre la misère du péché et le bonheur de la rédemption, la beauté du ciel, dont les portes nous sont ouvertes par la croix, et les horreurs de l'enfer, dont les feux sont éteints par le sang qui en distille; parce qu'elle nous prêche, sans une longue suite de raisonnemens et de conséquences, l'amour pour notre créateur et rédempteur qui nous a tant aimés le premier; la charité pour tous les hommes, dont aucun n'a élé excepté dans la volonté divine de les sauver tous'; le pardon des injures, proclamé d'une manière si solennelle et commandé par d'aussi puissans exemples; le dévouement pour nos frères jusqu'à donner notre vie pour eux, et pour eux devenir anathème; parce qu'elle dissipe, d'un seul trait, par un seul rayon, toutes les obscurités dont l'orgueil, la cupidité, l'envie, la colère et les penchans honteux enveloppent sans cesse notre cœur, afin de mieux le séduire, le corrompre et le dominer. Qu'il nous suffise enfin de vous dire que, comme la passion de Jésus-Christ est la source de tous les biens, sa fréquente méditation est aussi le modèle de toutes les vertus.»

M. l'Archevêque exhorte ensuite les pécheurs, les affligés, les âmes pieuses, à recourir souvent au pied de la croix, s'habituer à la pensée de cet arbre sacré, d'où nous est venu le salut; puis il conclut en ces termes :

« Afin de nous rendre de plus en plus consolant et fruetueux ce saint exercice, ayons soin encore de nous unir aux -affections et aux sentimens de Marie, celle de toutes les

créatures qui a compati le plus vivement aux douleurs de Jésus. Comme elle avoit été la parfaite imitatrice de ses vertus, elle a voulu aussi lui ressembler par les souffrances, et ressentir dans sou âme les cruelles angoisses auxquelles' notre divin Sauveur s'étoit livré pour notre amour. Qui peut douter que cette Vierge très-fidèle, que cette Mère très-sainte, dont le cœur fut toujours conforme au cœur de son Fils bien-aimé, n'ait consenti á goûter toutes les amertumes de sa passion ? Qui ne sait que, sans rien perdre de la soumission qu'elle avoit pour les ordres et les volontés du Père céleste, elle fut abîmée dans un océan immense de' tristesse, et accablée sous le poids d'une inconcevable desolation ? Qui pourroit, sans se laisser attendrir, contempler le supplice de Jésus et de Marie, placés l'un à côté de l'autre sur la montagne du Calvaire, se regardant, s'entendant, se crucifiant l'un l'autre, pour ainsi dire, par la respondance de leur tendresse et de leur douleur? Mais aussi quel chrétien pourroit demeurer ingrat envers Marie, lorsqu'entrant dans la connoissance de ses dispositions les plus intimes, il la verra faisant elle-même en notre faveur. l'office de sacrificateur et d'avocate, acquiesçant à l'immoLation de son Fils, l'offrant à Dieu pour notre salut, et acceptant à ce prix de devenir notre mère? »

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Le dispositif de ce mandement annonce plusieurs indulgences accordées par le Pape à tous ceux qui, avec la préparation convenable, iront prier auprès des reliques de Saint Pierre et de Saint Paul, exposées à Notre-Dame les dimanches de Carême, et à ceux qui visiteront l'église de Notre-Dame aux fêtes de l'Invention et de l'Exaltation de la Croix et dans leurs octaves, et y rempliront les conditions ordinairement requises,

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M. Maurel de Mons, archevêque d'Avignon, gémit sur l'égarement des esprits et sur le changement qui s'est manifesté dans l'opinion,

-Hélas, disoit autrefois le Seigneur en parlant par la bouche d'Isaïe à son peuple, qu'ai-je négligé pour rendre, ma vigne fertile? Tous mes efforts se sont épuisés pour la rendre féconde; j'avois droit d'espérer que mes soins ne serpient pas perdus; j'attendois une récolte abondante," hélas! je n'y ai trouvé que des ronces et des épines. Expectavi ut faceret uvas et fecit labruscas. Pauvre

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France! les fléaux qui sont tombés sur toi paroissoient t'avoir rappelée à tes devoirs ; tu semblois animée d'un esprit nouveau; la philosophie et ses maximes perverses, le liber, tinage et ses excès monstrueux, la licence et ses désordres épouvantables, l'impiété et ses blasphènes de tous les genres, l'insubordination et ses révoltes effrayantes, tout paroissoit exciter tes regrets. Pour te faire perdre le souvenir des châtimens que tu avois éprouvés, il n'a fallu que l'accoutumer aux bienfaits de la miséricorde. Tu as oublié les rigueurs de la justice, et tu n'as répondu aux bienfaits du ciel que par une ingratitude qui te prépare de nouveaux et de plus grands malheurs. Quel spectacle horrible présente dans ce moment aux âmes, qui, dans ce déluge de perversité, ont conservé un rayon des lumières célestes, l'état de notre patrie! Le psalmiste nous l'avoit prédit : Il n'y a personne, dit-il, qui ne soit déchu de son ancienne droiture; en vain vous cherchez des gens de bien, de ces hommes généreux qui se faisoient gloire de vivre et de mourir pour leur créateur, il n'eu existe plus. Non est qui faciat bonum, non est usque ad unum. Leur sang qu'on regardoit comme la semence des chrétiens, paroît desséché, et celui qui a coulé de nos jours n'a pas même servi à éteindre la fureur des bourreaux. Un esprit de vertige semble s'être emparé de toutes les têtes.....

»Dieu seul peut dissiper ces déplorables agitations. Prosternés aux pieds des autels, demandons, par l'intercession de la Sainte Vierge, la protectrice de ce royaume, au père des véritables consolations, qu'il envoie son SaintEsprit sur ces assemblées destinées à établir la paix et la tranquillité dans notre patrie; que le but de leurs délibérations soit de faire respecter et la religion et la majesté Souveraine. Sans ces deux soutiens, tout croule, et la société est dissoute; qu'il fasse connoître à tous ceux qui les.composent, que le seul moyen de faire prospérer l'Etat et chaque particulier, c'est la paix avec Dieu, c'est la coopération avec les désirs du Souverain qu'il nous a donné. »

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M. de Montblanc, archevêque de Tours, montre la sagesse de la loi de l'Eglise en établissant le jeûne du carême :

« Admirable condescendance de notre Dieu, de vouloir Tome 13.

II

bien nous tenir compte de nos soupirs et de nos larmes et
de consentir à relâcher des droits de sa justice en faveur de
quelques satisfactions légères que nous lui offrons! Il sait,
ce Dieu de bonté, qu'il ne peut rien refuser à la pénitence;
il connoît là-dessus, si on peut s'exprimer de la sorte, le
foible de son cœur, et c'est lui-même qui révèle au pé-
cheur ce secret d'échapper à sa justice, et qui lui indique
cette unique ressource qui lui reste après son crime. Jugez
après cela s'il est plus pressé de punir que de pardonner;
s'il cherche la mort du pécheur, et s'il se réjouit de la perte
des mortels. C'est surtout lorsque nos iniquités sont ar-
rivées à leur comble, et qu'il sent que la vengeance va lui
échapper, que sa tendresse se réveille; C'est lorsqu'il se
voit forcé de tirer du fourreau le glaive'de Sa fureur, que
ses entrailles paternelles sont plus vivement émues; et,
pour n'être pas forcé de sévir, il fait annoncer aux peuples
menacés qu'ils ont dans la pénitence un moyen sûr de dé-
sarmer sa colère. Allez, dit-il à ses ministres, faites en-
tendre dans Sion les sons de lå trompette sacrée, indiquez
un jeûne rigoureux et solennel; que le vieillard ranime son
courage; que le jeune homme renonce à ses plaisirs; que
Ja nouvelle épouse dépose la couronne et le bandeau nuptial
pour se revêtir des vêtemens lugubres de la pénitence; que
personne ne soit dispensé de cette loi sévère, pas même
l'enfant qui est encore à la mamelle; que les prêtres eux-
mêmes gémissent entre le vestibule ́et l'autel, qu'ils ar-
rosent de leurs larmes le pavé du temple, et qu'ils ne se
lassent point de solliciter la miséricorde et le pardon. »

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« La pénitence, dit M. de Villèle, archevêque de
Bourges, la pénitence doit être sincère, c'est-à-dire qu'elle
doit prendre sa source et son aliment dans un cœur pé-
nétré de douleur. Le Seigneur, exhortant les pécheurs à
faire pénitence, leur adresse ce langage: Convertissez-
vous à moi de tout votre cœur. Ils est nécessaire que
péché soit détruit dans le lieu même où il a pris naissance
et causé de si grands ravages; et comme c'est le cœur,
au témoignage de l'Ecriture, qui produit et l'adultère et
l'homicide et tous les projets coupables, il faut donc que
ce soit dans le cœur que commence et se consomme la ré-
formation du pécheur. Une pénitence purement extérieure
/pourroit induire les hommes en erreur sur la situation du

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